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MARDI 15 OCTOBRE 2019 économie & entreprise| 19
devant le tribunal de commerce de Paris
contre Free (à qui il réclame 170 millions
d’euros de préjudice) pour « pratiques com
merciales trompeuses », selon L’Express. Il lui
est reproché de faire payer aux abonnés de
sa nouvelle Freebox Delta le lecteur Devialet
- en plus de l’abonnement, mais sans le pré
ciser dans ses publicités. En décembre 2018,
l’UFCQue choisir avait mis en demeure Free
pour qu’il cesse ce flou artistique, en le me
naçant de saisir la direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes (DGCCRF). « La sous
cription à cet abonnement nécessitait l’achat
d’un équipement spécifique, au prix de
480 euros, ce qui n’était pas porté à l’attention
de ses futurs clients. A la suite de notre démar
che, Free a modifié sa communication pour la
rendre plus compréhensible », indique au
Monde Alain Bazot, le président de l’associa
tion de consommateurs.
EN FRANCE, 5,5 ÉCRANS PAR FOYER
De son côté, Orange commercialise depuis le
10 octobre une nouvelle box : « La Livebox 5,
conçue de manière plus écoresponsable
- mieux recyclable, plus durable et à l’em
preinte carbone réduite de 29 % – offre
2 Gbits/s partagés, soit un débit descendant
multiplié par deux, et un “WiFi intelligent”
[mais pas du puissant WiFi 6], pour éviter la
saturation des fréquences lorsque plusieurs
terminaux sont connectés à la maison », ex
plique Ingrid Buquicchio, directrice marke
ting « Open & Livebox » d’Orange France.
Il y a deux ans et demi déjà, le PDG
d’Orange, Stéphane Richard, avait, lui, an
noncé la « virtualisation » prochaine de la
Livebox pour transférer « l’intelligence dans
le réseau » (le cloud). Selon nos informa
tions, la Livebox 5 Pro attendue pour le pre
mier semestre 2020 sera la première à être
virtualisée. Mais un boîtier restera néces
saire, ne seraitce que pour le WiFi.
Ces box nouvelle génération des FAI, tou
tes mieuxdisantes les unes que les autres,
suffirontelles à leur éviter de se faire man
ger la laine sur leur dos par les OTT (offres
hors du fournisseur d’accès à l’Internet, de
l’anglais overthetop service)? « Les mouve
ments différents d’opérateurs français ne
semblent pas couronnés de succès, y compris
pour les expériences de box ouvertes sur des
boutiques d’applications Android », constate
JeanLuc Lemmens.
La France compte en moyenne 5,5 écrans
par foyer pour regarder de la vidéo. Le télévi
seur perd du terrain, équipant jusqu’à 98 %
des foyers par le passé, mais plus que 93,4 %
en 2018, « au profit d’écrans alternatifs per
mettant, souligne le Conseil supérieur de
l’audiovisuel (CSA), une certaine flexibilité
dans l’accès aux contenus » : l’ordinateur
(85,4 %), le smartphone (73,6 %) et la tablette
(48,2 %). Deux tiers des foyers français dis
posent d’un téléviseur connecté à Internet,
soit indirectement par la box de leur FAI
(79 %), la console de jeux (37 %) ou un « boî
tier tiers » OTT de type Chromecast, Apple TV
ou Roku (18 %), soit directement par une
« smart TV » (33 %).
Les box TV font de la résistance, mais les
lignes Maginot sont vite contournées dans
le monde d’Internet. « La télévision de rattra
page est l’usage connecté dominant sur la
box des opérateurs télécoms. La vidéo à la de
mande, les sites de partage de vidéos ou en
core les jeux vidéo concentrent les usages par
les autres modes de connexion », indique le
Conseil supérieur de l’audiovisuel dans son
« Observatoire de l’équipement audiovisuel
des foyers » publié en mai.
C’est à se demander si la convergence des
médias tant promise ne tourne pas à la di
vergence entre télécoms et Internet, même
si certains opérateurs télécoms se sont ré
solus à pactiser avec les incontournables
tels que Netflix (aussi distribué à partir du
15 octobre par Canal+ !), Amazon ou encore
Google. « Netflix est distribué par tous les
opérateurs télécoms et intégré dans l’offre
de deux d’entre eux, Bouygues Telecom et
Free, tandis qu’Amazon Prime Video est déjà
accessible par le biais de Videofutur et bien
tôt sur SFR », indique Philippe Bailly, prési
dent fondateur de NPA Conseil, qui dénom
bre en France vingtdeux services de SVOD
(dont TFou Max, ADN, Filmo TV ou encore
Gullimax).
Free a fait part cet été de son inquiétude
au sujet de Salto auprès de l’Autorité de la
concurrence, laquelle a quand même auto
risé le 12 août cet « antiNetflix » français,
mais « sous conditions » (contenus exclusifs
limités et nondiscrimination des distribu
teurs tiers). Sur les smart TV, dongles et
consoles de jeux, des agrégateurs audio
visuels fleurissent aussi, de type MyCanal,
Molotov, Amazon Channels, Bis TV Online
(Mediawan) ou encore Alchimie, mais tous
affranchis des box. Même Vitis, opérateur
La diusion OTT (« over the top ») s’aranchit des FAI
pour le contrôle et la distribution des contenus mais utilise
le Web pour orir directement des programmes en streaming.
Télévision et vidéo : les opérateurs télécoms fragilisés
Le réseau ADSL des fournisseurs d’accès à Internet (FAI)
1 er distributeur de contenus télévisuels
Mais d’autres méthodes de distribution
viennent les concurrencer
Ceux inclus dans l'ore du FAI (forfait
ou option payante).
Contenus diusés
Fermé. Géré par les FAI. Tous ceux disponibles sur Internet.
Ecosystème
Ouvert (Web).
Ecosystème
Une partie de la bande passante ADSL
réservée à la télévision. Débit stable.
Canaux utilisés
Pas de bande passante réservée.
Possibles fluctuations de débit.
L’Internet protocol television (IPTV)
leur permet de distribuer la télévision par le biais
d’une partie de leur réseau ADSL.
Type d’accès à la télévision
en France, en % des Français*
Principal mode de souscription
Abonnement triple play (Internet-TV-téléphonie).
Principal mode de souscription
Abonnement Internet simple + abonnement aux plates-
formes Web. Le triple play n’est plus nécessaire.
ADSL (IPTV) TNT Fibre (dont IPTV)
ou cable
Satellite
2017
2019
2012
Abonnés de Netflix en France, en millions
33 %
des télévisions françaises
raccordées au réseau le sont
sans décodeur externe.
L’arrivée de nouveaux acteurs
Date de lancement des plates-formes de visionnage de contenus en OTT
AppleTV+
Disney+
Salto
HBO Max
Peacock
Novembre 2019 Début 2020
Les nouveaux moyens de regarder du streaming sur grand écran
Date de lancement des principaux dispositifs connectant un téléviseur à Internet
Apple TV Roku Google Chromecast Amazon Fire TV
2007 2008 2013 2014
* plusieurs réponses possibles.
15
23
6
14
25
(^3836)
1,
49 49
Infographie : Audrey Lagadec, Maxime Mainguet Sources : Arcep, Médiamétrie, Crédoc, eMarketer, Netflix, YouTube, Amazon, Google, Apple, Roku
box Internetbox Internet
enceinte
connectée
enceinte
connectée
box télébox télé
2018
box télébox télébox télébox télé
12
33
Le succès des plates-formes en ligne
2012
2018
Part des Français passant plus de trois heures
par semaine à regarder des contenus
audiovisuels sur Internet, en %
Canaux utilisés
Contenus diusés
TV connectée
2008
0
20
40
60
80
2019
41
71,
Part des abonnements Internet couplés
à un accès TV en France métropolitaine, en %
Clé TVClé TV
LA SUPRÉMATIE
DES OPÉRATEURS
SUR LES CONTENUS
EST CONTESTÉE
PAR DES
ENVAHISSEURS
VENUS DU NET
les américains sont de plus en plus
nombreux à résilier leur abonne
ment traditionnel à la télévision
payante par le truchement du déco
deur d’un câbloopérateur, d’un opé
rateur satellite ou d’un opérateur
télécoms (ADSL ou fibre).
« Le nombre de cordcutters [cou
peurs de cordon] aux EtatsUnis est en
train d’augmenter plus vite que nous le
pensions », reconnaît Oscar Orozco,
analyste chez eMarketer, dans une vi
déo postée sur Internet cet été. Le spé
cialiste américain de l’information
marketing (groupe Axel Springer) a
même relevé ses prévisions pour
cette année, de 18,4 millions à 22 mil
lions de cordcutters aux EtatsUnis.
Le rythme de ceux qui s’affranchis
sent ainsi de leur coûteux forfait câ
blePay TV (100 à 150 dollars par
mois), pour basculer sur la télévision
et la vidéo gratuites en streaming sur
Internet, va donc continuer à s’accélé
rer pour s’approcher des 32 millions
en 2022. En trois ans, le bond du cord
cutting sera de 45 %. Il y a de quoi in
quiéter les opérateurs américains du
triple play (Internet, TV, Internet), car
ces cordcutters sont synonymes
pour eux de perte sèche en revenu
moyen par abonné (ARPU).
Mais un train peut en cacher un
autre : ces désabonnés de la Pay TV
ne doivent pas occulter ceux qui, de
plus en plus nombreux aussi parmi
les Américains, ne se sont jamais
abonnés à une offre de télévision
payante. Ceuxlà sont appelés outre
Atlantique les cordnevers, et leur
nombre grossit notamment au fur et
à mesure que les jeunes millennials
quittent le foyer parental pour voler
de leurs propres ailes avec leurs
smartphone, ordinateur, console de
jeux etou Smart TV. Eux ne souscri
ront jamais à la télé par câble, satel
lite, fibre ou IPTV (Internet Televi
sion par ADSL, quoique moins ré
pandu qu’en France).
Ces Internet Natives volontairement
en rupture de ban sont déjà, cette an
née, 18,3 millions aux EtatsUnis et
franchiront la barre des 20 millions
en 2022 après une forte augmenta
tion de 11,5 % sur trois ans. Là aussi,
eMarketer a revu ses prévisions à la
hausse. Cependant, ces cordnevers
- dont le nombre progresse moins
vite que les cordcutters – ne consti
tuent pas une perte de chiffre d’affai
res pour les opérateurs, mais plutôt
un manque à gagner.
c. d. l.
Aux Etats-Unis, des « coupeurs de cordon » de plus en plus nombreux
régional (filiale de Netgem) avec sa box
Videofutur, qui avait débuté en OTT, est
mis à l’épreuve.
AUTRE FRONT, CELUI DE LA DOMOTIQUE
Les FAI ne sont pas au bout de leurs peines.
Un troisième front s’est ouvert, celui de la
domotique, revitalisée par les acteurs du
Net, dont Amazon et Google, avec leurs assis
tants vocaux : « Ok Alexa, allume la lumière! »
Les câblo-opérateurs déjà délaissés
Nombre d’abonnements payants à la télévision par la box
d'un FAI aux Etats-Unis, en millions
2017
94,9 91
85,5 82,
2018 2019* 2020*
0
20
40
60
80
100
Infographie : Le Monde Source : Digital TV Research
* Prévisions
Tous les FAI s’y sont (re)mis aussi pour ne pas
être évincés de la maison aux objets de plus
en plus connectés (éclairages, volets, chauf
fage, etc.) et sous télésurveillance. Avec la
« smart home », c’est l’extension du domaine
de la lutte entre GAFA et FAI. Les consomma
teurs seront in fine les arbitres pour départa
ger les vainqueurs des vaincus. Ceux qui con
trôleront le cerveau, et les autres.
charles de laubier