V
ous vous désespérez de
passer trop de temps
devant des séries télé?
Vous n’avez pas fini de vous en
vouloir. Il faudra bientôt compo-
ser avec les séries audio. Les
œuvres sonores de fiction, res-
tées jusqu’à présent à l’écart du
boom du marché du podcast,
s’apprêtent à débarquer en
masse. Illustration du phéno-
mène, Spotify, numéro 1 mondial
du streaming musical, lancera
lundi son premier feuilleton au-
dio en français, l’Employé. Pré-
sentée en avant-première au Pa-
ris Podcast Festival (dont Libé est
partenaire) ce week-end, cette
série de huit épisodes, écrite par
Victor Bonnefoy, suit le parcours
d’un fonctionnaire zélé d’un Etat
totalitaire, un tortionnaire men-
tal interrogeant les opposants au
régime, incarné par Raphaël Per-
sonnaz. Au casting également :
Virginie Ledoyen, Thibault de
Montalembert, Alix Poisson...
C’est dire l’ambition en la ma-
tière de l’entreprise suédoise, qui
a racheté en février Gimlet, l’un
des plus gros studios américains
de podcasts.
«Identité». La fiction audio,
«c’est parti», assure Lorenzo
Benedetti, cofondateur de Para-
diso, une nouvelle société de pro-
duction, dont c’est l’un des axes
stratégiques. «Toutes les platefor-
mes vont y aller. Elles ont compris
que c’était la meilleure façon de
singulariser leur offre, de se fabri-
quer une identité. La fiction est
différenciante. Netflix a été porté
par la série House of Cards. Le
marché du podcast se cherche son
House of Cards», explique l’ex-
patron de Studio Bagel.
Paradiso, qui fait aussi dans le
documentaire (et coproduit avec
Louie Media l’histoire du tueur
surnommé «le Grêlé», signée Pa-
tricia Tourancheau, ex-journa-
liste à Libé), a des projets de
feuilletons dans les cartons, pour
Spotify ou le français Sybel. Di-
rectrice de France Culture, sta-
tion qui vient de sortir la série
d’espionnage Projet Orloff, San-
drine Treiner confirme : «Il se
passe quelque chose. Les acteurs
sérieux de l’audio savent que pour
constituer un catalogue digne de
ce nom, il faut bâtir sur du pé-
renne, du durable. C’est-à-dire le
documentaire et la fiction.» Fer
de lance de Radio France sur la
fiction, France Culture «testerait
volontiers» des coproductions,
dit sa patronne. De quelle am-
pleur la vague sera-t-elle? La pas-
sion pour le récit sériel, mani-
feste dans le champ vidéo, laisse
présager une submersion rapide.
«C’est un tout nouveau marché.
Son développement va prendre du
temps car il n’y a pas d’habitude
de consommation», tempère Ma-
thieu Gallet, ex-PDG de Radio
France et créateur de la plate-
forme Majelan, qui a publié au
début du mois la série comique
Profil Pic. Les chiffres de télé-
chargements – 150 000 en une se-
maine – de Projet Orloff «mon-
trent qu’il y a de l’appétit»,
complète Sandrine Treiner. Cette
dernière observe que «les pays
européens les plus avancés en au-
dio y vont les deux bras tendus».
Le développement de la fiction
sonore souffre néanmoins de
plusieurs handicaps : le coût, le
manque d’auteurs, l’écriture.
Nos interlocuteurs estiment
qu’une minute coûte de 500
à 600 euros la minute, et jusqu’à
1 200 euros selon l’ambition des
projets. «A date, il n’y a pas de
modèle économique», rappelle la
fondatrice de Sybel, Virginie
Maire, alors que le monde émer-
gent du podcast hésite entre le
gratuit et le payant, la publicité
classique et la prod pour des
marques. L’autre souci, c’est la
difficulté à trouver des plumes.
«En France, il y a cinquante scé-
naristes installés et ils sont tous
pris par la télé jusqu’en 2027»,
rigole Lorenzo Benedetti. France
Culture s’est associée à la Société
des auteurs et compositeurs dra-
matiques (SACD) pour trouver
des auteurs de fiction audio via
un appel à projets.
Intrigues. Cette activité est
d’autant plus délicate que les
codes artistiques sont à réinven-
ter. «Il y a une difficulté organi-
que : en audio, il est plus difficile
de suivre une histoire avec de
multiples personnages, des dia-
logues», pointe Joël Ronez,
cofondateur de Binge Audio, qui
préfère se concentrer sur des for-
mats de docufiction «inspirés de
faits réels». L’autofiction, genre
centré autour d’un narrateur, est
très prisée, notamment par Arte
Radio (écouter les Chemins de dé-
sir de Claire Richard). Cepen-
dant, pour Lorenzo Benedetti,
«on peut créer des intrigues com-
plexes. La question est celle de la
réalisation. Il n’y a pas d’image
pour assimiler, on doit avoir un
rythme plus lent et on ne peut pas
faire cohabiter quinze personna-
ges en même temps. Ces contrain-
tes peuvent être une chance pour
une nouvelle génération d’au-
teurs. [...] Les budgets étant
moins élevés, les diffuseurs impo-
seront moins de contraintes, lais-
seront plus de libertés». Un
monde à défricher.
Jérôme Lefilliâtre
Fictions audio,
la loi des séries
Les feuilletons sonores
s’apprêtent à inonder
le marché du podcast,
malgré des handicaps
en termes de coût
et d’écriture.
d’une façon sécurisante pour les acteurs
et techniciens. «Je continue à réaliser des
films et c’est un casse-tête pour que les gens ne
soient pas mal à l’aise sur les plateaux», confie
Olympe de G. Ici, les sons de peaux frottées,
de fessées, de poils dressés ou de baisers sont
réalisés surtout à la main et à la bouche : «Tu
peux utiliser tes phalanges et du lubrifiant ou
de la crème pour figurer la masturbation.
Il faut aller au plus simple et qu’il y ait du
relief.»•
(1) Les deux femmes utilisent un pseudonyme.
baisers sont réalisés à la main et à la bouche.
En
partenariat
avec
© Radio France/Ch. Abramowitz
LES
MATINS
DU SAMEDI
7H -9H
Caroline
Broue
Avec la
chronique de
Jacky Durand
"Les
mitonnages"
L’esprit
d’ouver-
ture.
Demain
matin,
le monde
aura
changé.
Paris
Podcast
Festival
Rencontres, débats,
enregistrements en
public... Le PPF 2019 se
tient à la Gaîté lyrique
jusqu’à dimanche, en
partenariat avec Libé.
Rens. : http://www.parispod-
catsfestival.com
Libération Vendredi 18 Octobre 2019 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 21