avec nos start-up, et vous ne voulez
pas avoir des personnes désagréables
à dîner chez vous! » explique Jessica
Livingston.
C’est en outre elle qui faisait tour-
ner l’entreprise, dont la mission au
moment de sa création, en 2005,
de financer des entrepreneurs
qui n’étaient qu’au stade de l’idée,
en s’o ccupant de l’administratif.
« Je plaisante souvent en disant que
sans moi Y Combinator n’aurait
jamais existé, parce qu’ils n’auraient
jamais incorporé la société correcte-
ment », sourit-elle.
Trouver sa voie à 31 ans
La « mission de s a vie », celle d’aider
les entrepreneurs, Jessica Livings-
ton ne l’a trouvée qu’à trente et un
ans, « ce qui prouve qu’il n’est jamais
trop tard », souligne-t-elle. Avant
« YC », elle affirme n’avoir « rien fait
de significatif ». Née à Minneapolis,
dans un foyer que sa mère a quitté
quelques mois après sa naissance,
elle a été élevée par son père et sa
grand-mère, à Boston.
Après ses études, elle enchaîne
les jobs, au service clients d’une
banque d’investissement, dans
un magazine gastronomique ou
même auprès d’un organisateur de
mariages. « A l’époque, personne
n’imaginait que j’aurais du succès »,
glisse-t-elle. Aujourd’hui, Y Combi-
nator, qui a soutenu des entreprises
comme Airbnb ou Dropbox, est
considéré comme l’accélérateur le
plus influent des Etats-Unis.
Mais après avoir passé plus de dix
ans à contribuer à construire l’éco-
système tech d e la Silicon Valley, Jes-
sica Livingston a décidé de prendre
un congé sabbatique, qu’elle passe
actuellement avec sa famille à deux
heures de Londres. « Je n’ai pas été
très présente pour mes e nfants quand
ils étaient petits, et maintenant qu’ils
ont sept et dix ans, je ne veux plus
perdre ce temps », explique-t-elle.
Son mari et elle rentrent cepen-
dant tous les étés sur la côte ouest
des Etats-Unis, pour prendre le
pouls de leurs start-up. « Et nous
retournerons probablement nous y
installer un jour », glisse-t-elle. A
moins que l’écosystème européen
les séduise? Pour le moment,
Jessica Livingston confie ne pas
s’y être vraiment intéressée, mais
avoir été séduite par « l’atmosphère
vibrante » de Station F à Paris.n
lJessica Livingston est l’une des
quatre cofondatrices du Y Combinator,
l’accélérateur de start-up le plus
influent des Etats-Unis.
lElle s’engage pour encourager
les femmes à entreprendre.
Rencontre exclusive avec « Les Echos ».
Jessica Livingston, le radar social
de Y Combinator
Avec l’accélérateur de start-up Y Combinator, Jessica Livingtson a massivement soutenu la création
de l’écosystème start-up dans la Silicon Valley. Photo Noam Galai/Getty Images/AFP
Pascale Braun
—Correspondante à Nancy
Tresorio semble enfin avoir
trouvé son modèle. Après avoir
démarré comme un site d’affac-
turage pour les particuliers en
2015, elle s’est convertie dans le
minage de cryptomonnaies, en
vain. C’est en s’attaquant au stoc-
kage de données que la start-up
messine s’est finalement intéres-
sée aux enjeux énergétiques de
la digitalisation. Elle ouvrira
début novembre l’une des pre-
mières plates-formes de « fog
computing » de France.
Serveurs facturés
à la seconde
Nébuleux de prime abord, ce
concept d’informatique géo-
distribuée a pris, en Moselle,
une application concrète : les
données de calcul des utilisa-
teurs font fonctionner deux
chaudières implantées par
l’énergéticien Dalkia à l’hôpital
de Mercy à Metz et dans l’usine
de pneus Continental de Sarre-
guemines. La prochaine instal-
lation sera basée dans un bâti-
ment tertiaire de Montluçon
(Allier). « En amont, nous
ciblons des utilisateurs qui ont
besoin d’une puissance de calcul
immédiatement accessible. En
aval, nous recherchons des
entreprises présentant un
besoin constant d’énergie. Nous
y implantons des serveurs cou-
plés à des chaudières capables de
convertir 100 % de l’énergie pro-
duite », explique Jonathan
Klein, PDG de Tresorio.
Une centaine d’utilisateurs
testent la plate-forme, qui pro-
posera trois formes de presta-
tions : les SSII loueront, à un
tarif présenté comme 30 %
inférieur à celui du marché,
des serveurs facturés à la
seconde. Les utilisateurs d’IA
et de big data choisiront un
pack de puissance adapté à
leurs besoins de calculs en
bénéficiant d’une accessibilité
quasi immédiate, les données
n’étant plus stockées dans des
clouds excentrés, mais en ville.
Enfin, les graphistes et desi-
gners disposeront d’une exten-
sion au logiciel de modélisa-
tion Blender pour accéder à
des rendus en 3D.
En aval, Tresorio s’appuie
sur Dalkia pour implanter ses
data centers couplés à des
chaudières. En juin dernier, la
start-up, qui est passée en un an
de 2 à 18 salariés, a levé
480.000 euros auprès de busi-
ness angels locaux, du consul-
tant lyonnais Sistema Strategy
et du logisticien Deret pour
finaliser son démonstrateur et
valider son business model.
Elle envisage déjà un deuxième
tour de table d’un montant de
2 millions d’euros pour se déve-
lopper au premier semestre
2020 sur les marchés suisses et
luxembourgeois.
En cinq ans, elle compte
déployer 135 machines sur toute
l’Europe à la faveur du déploie-
ment de la 5G, de l’essor de l’IA
et de la prise de conscience, de
mieux en mieux partagée, du
gouffre énergétique que repré-
sente la digitalisation.n
De l’énergie
digitale
pour faire
carburer les
chaudières
NUMÉRIQUE
La start-up messine
Tresorio prépare une
deuxième levée de
fonds pour déployer
ses mini-data centers
urbains couplés
à des chaudières.
un collectif qui s’engage pour la
place des femmes dans la création
de start-up, seulement 5 % des
start-up françaises ont été fondées
par des é quipes totalement f émini-
nes, et 10 % comptent au moins
une femme parmi leurs cofonda-
teurs. Si les équipes mixtes ont 9 %
moins de chances d’être financées
par les principaux investisseurs
européens, les équipes fondatrices
composées exclusivement de fem-
mes ont 30 % de moins de chances
de l’être.
2,5 fois moins de fonds
Et la situation des femmes entre-
preneuses ne s’améliore p as avec la
maturité de leur start-up. Toujours
selon l’étude menée par le BCG, qui
se base sur les réponses de
15.000 start-up, les femmes ont
40 % moins de chances d’accéder
aux séries A, 80 % moins de chan-
ces d’accéder aux séries B et 100 %
aux séries C. De manière générale,
elles reçoivent en moyenne 2,5 fois
moins de fonds que les hommes
entrepreneurs.
Une étude publiée, début octo-
bre, par HSBC corrobore ces don-
nées, indiquant qu’aux Etats-Unis
la moitié des femmes entrepreneu-
ses disent avoir été victimes d’un
biais lié à leur genre. Cela se con-
crétise, durant le processus
d’investissement, par des ques-
tions sur leurs familles, leur crédi-
bilité en tant que chefs d’entre-
prise, ou encore leur aversion à la
perte. L’étude montre par ailleurs
que, au niveau mondial, deux tiers
des entrepreneuses présentent
leurs projets devant des équipes
d’investisseurs exclusivement
masculines. Selon l’é tude du BCG,
plus de la moitié des grands fonds
d’investissement français ne
comptent aucune femme parmi
leurs partners.
Plus de mixité
au sein des panels
d’investissement
Parmi les facteurs susceptibles
d’améliorer la situation, les fem-
mes citent, dans l’étude HSBC, le
fait d’avoir du réseau, mais aussi
l’obligation, pour les investisseurs,
d’expliquer leurs choix, et d’avoir
plus de mixité au sein des panels
d’investissement. Les entrepre-
neuses aimeraient, par ailleurs,
avoir a ccès à des critères plus clairs
de choix d’investissement. En
France, le collectif Sista devrait
proposer une charte de bonnes
pratiques aux fonds d’investisse-
ment dans les semaines à venir.
—D. L.
Les femmes entrepreneurs toujours moins bien financées
Alors que les i nitiatives p our soute-
nir les femmes dans la tech fleuris-
sent, et que la thématique est abor-
dée dans chaque conférence du
secteur, les chiffres s’entêtent à ne
montrer aucune progression. Les
femmes entrepreneurs sont non
seulement moins nombreuses que
les hommes, mais e lles lèvent aussi
beaucoup moins d’argent qu’eux.
Selon une étude effectuée, en
septembre, par le BCG pour Sista,
Des études effectuées
par le BCG et HSBC
montrent que les femmes
ont toujours moins accès
au capital que les hommes
au moment de financer
le développement
de leurs start-up.
30 %
DE CHANCES EN MOINS
D’ÊTRE FINANCÉES
Le handicap des équipes
fondatrices de start-up
composées exclusivement
de femmes.
Déborah Loye
@Loyedeborah
Elle a participé au financement de
1.867 start-up, aujourd’hui valori-
sées à plus de 100 milliards de dol-
lars. Avec Y Combinator, Jessica
Livingtson a massivement soutenu
la création de l’écosystème start-up
dans la Silicon Valley. Seule femme
parmi quatre cofondateurs, son
mari Paul Graham, Trevor Black-
well et Robert Tappen Morris, elle
a pourtant été peu visible publique-
ment. « J’étais très occupée, à m’occu-
per des start-up et à faire des bébés,
mais aujourd’hui, je regrette de ne pas
m’être montrée davantage, parce que
je pense que cela aurait pu encourager
d’autres femmes à entreprendre »,
confie-t-elle. Un rôle de modèle
qu’elle incarne plus aujourd’hui, à
travers des posts de blogs encoura-
geant les femmes à entreprendre,
des vidéos ou encore une présence
lors d’événements consacrés au
sujet. C’est d’ailleurs la conférence
F for Femmes, organisée par Sta-
tion F, qui l’a amenée à Paris.
Investir dans de bonnes
personnes
Et dans l’ancienne halle Freyssinet,
Jessica Livingston a montré que,
même après avoir écouté plusieurs
milliers de pitchs d’entrepreneurs,
elle ne s’en lasse toujours pas. En
plus de son passage sur scène, elle
a en effet pris le temps d’interroger
les entrepreneuses présentes sur
leurs projets, avec douceur et préci-
sion. Car l’investisseuse sait y faire
avec les gens. « Mes associés, chez Y
Combinator, m’appelaient “le radar
social”, raconte-t-elle. Je n’étais pas
capable de juger la qualité de la tech
qui était proposée, mais je savais dire
si deux cofondateurs s’entendaient
bien, ou si quelqu’un nous mentait. »
Chaque mois, les entrepreneurs
accélérés chez « YC » étaient invités
à manger chez Jessica et Paul, pour
y glaner des conseils. Des réunions
qui ont poussé l’équipe de Y Combi-
nator à ajouter un point à sa thèse
d’investissement : choisir de « bon-
nes personnes ». « Le rôle que j’avais,
de comprendre le caractère des entre-
preneurs, était d’autant plus impor-
tant que nous formions une famille
ÉCOSYSTÈME
START-UP
Les EchosLundi 14 octobre 2019