Les Echos - 14.10.2019

(Ron) #1

Matthieu Quiret
@MQuiret
avec Christine Berkovicius


Les artisans ont touché au vif le gou-
vernement. La secrétaire d’Etat
Agnès Pannier-Runacher a exposé
vendredi à Chartres la stratégie de
l’exécutif pour encourager ce petit
entrepreneuriat lors du Salon Les
Artisanales, le plus grand de France
du genre. U ne réponse à l’interpella-
tion qu’avait faite en mars le réseau
des chambres de métiers et de l’arti-
sanat (CMA France) en pleine crise
des « gilets jaunes ». « Durant le
grand débat, les artisans ont fait
remonter les nombreux grains de
sable qui gênent leur développement,
et c’était vraiment des entrepreneurs
de terrain qui s’exprimaient. Or la loi
Pacte a produit en mai de nombreu-
ses mesures applicables immédiate-
ment, mais qui restent encore trop
peu connues des TPE », explique-t-
elle. Rien de spectaculaire donc,
mais c’est l’occasion du gouverne-
ment de faire la réclame de ses
mesures ou de les adapter aux TPE.
Un travail sur mesure que la CMA
assure apprécier. La secrétaire
d’Etat insiste aussi sur la nécessité
d’accompagner davantage ces diri-
geants d’entreprise.


Accélérateur
Parmi les freins récemment levés, la
réforme des seuils a supprimé le
niveau d’effectifs de 20 salariés. Elle
permettra aussi dès le 1er janvier pro-
chain d’échapper aux obligations
sociales, fiscales et administratives
pendant les cinq années consécuti-
ves passées au-delà des seuils res-
tants. Autre assouplissement, le sta-
tut d’entreprise individuelle à
responsabilité limitée (EIRL) a été
simplifié depuis le premier octo-
bre. Bercy estime qu’il est encore
trop t ôt p our voir u n effet et une cam-
pagne de promotion d u statut va ê tre
lancée dans toute la France sur le
modèle de l’expérimentation menée
dans les Hauts-de-France.
Le gouvernement promet aussi
de faciliter le financement des arti-
sans grâce à un effort ciblé de bpi-
france. Agnès Pannier-Runacher
reconnaît en particulier que la con-
sommation des prêts Croissance


TPE pour les entreprises de 3 à
50 personnes reste anecdotique.
Un millier de TPE y ont recouru en


  1. Le Prêt Flash TPE pour les
    moins de 10 employés est expéri-
    menté depuis juin 2019 en Bretagne
    et dans les Hauts-de-France pour
    les dépenses immatérielles et les
    besoins en fonds de roulement.
    Leur commercialisation va être
    davantage promue auprès des col-
    lectivités, des chambres de com-
    merce et des associations en con-
    tact avec les artisans.


Exonération de CFE
La BPI sera mobilisée pour financer
la transition numérique des TPE. Le
dispositif est en cours de négocia-
tion avec la Banque européenne

d’investissement pour apporter
30 millions d’euros de garantie, de
quoi débloquer un milliard d’euros
de prêt, espère Bercy. BNP Paribas
est pressenti pour distribuer ce
nouveau produit. La banque publi-
que est également chargée d’expéri-
menter un accélérateur de TPE arti-
sanales sur les modèles de ce qu’elle
fait déjà pour les PME. La secrétaire
d’Etat espère monter trois promo-
tions p ar an dans l es régions les plus
volontaristes, avec plus d’une tren-
taine d’entreprises à chaque fois.
Autre coup de pouce, les collecti-
vités pourront exonérer de CFE les
artisans dans les cœurs de villes
moyennes, une d isposition i ntégrée
au projet de loi de finances 2020.
Pas sûr toutefois que les élus locaux

se passeront de cet impôt économi-
que avec la disparition de la taxe
d’habitation.

Besoin de conseil
Toutes ces réponses risquent néan-
moins de frustrer bien des artisans
dont le champ des revendications
est très vaste et parfois contradic-
toire. « Le stage préalable à l’installa-
tion a été supprimé en juin, on a dit
que c’était un frein à l’installation, ce
qui à mon avis est faux, et on peut
désormais s’inscrire en ligne en tant
qu’artisan. C’est plus simple, mais
dans les faits, ceux qui s’installent
sont privés de l’accompagnement et
des informations nécessaires pour
démarrer. Nous avons aussi besoin
de conseil et d’humain, plaide ainsi

Propos recueillis par
Laurence Albert


T


rès mobilisé sur le front de
l’apprentissage, le prési-
dent des réseaux des cham-
bres de métiers et de l’artisanat,
Bernard Stalter, salue également la
mobilisation de bpifrance voulue
par le gouvernement dans le cadre
de sa nouvelle « Stratégie nationale
pour l’artisanat et le commerce de
proximité ».


La Stratégie pour l’artisanat
dévoilée vendredi 11 octobre
par le gouvernement répond-
elle à vos attentes?
Nous sommes satisfaits de voir que
le gouvernement se saisit enfin du
sujet et notre contribution a été lar-
gement prise en compte. Il était
temps que nous soyons écoutés, car
les entreprises à faibles effectifs ont
des besoins spécifiques. Evidem-
ment, nous aimerions que cette
stratégie s’accompagne mainte-


nant de moyens financiers supplé-
mentaires immédiats. Cela pour-
rait se faire de différentes façons,
par la mobilisation d’un Fonds
innovation porté par la BPI, ou la
création de dispositifs d’accompa-
gnement dans le développement
des entreprises du secteur.

Les artisans ne sont-ils pas
à la traîne dans le domaine
du numérique?
Dans certaines professions, la pré-
sence sur les plates-formes
d’e-commerce est devenue incon-
tournable. Il faut réfléchir à des
outils de régulation e t aux garanties
que nous pouvons offrir aux con-
sommateurs s’agissant de la qualité
ou de la provenance. Pourquoi pas
un label spécifique? Il y a aussi des
domaines dans lesquels les artisans
sont très démunis et nous devons
faire en sorte que l’Etat l’entende.
Prenez le RGPD : il est pratique-
ment impossible de nous confor-
mer, c ar la tâche est t rop lourde. Des

BERNARD STALTER
Président de CMA
France

adaptations s ont nécessaires. D ’une
manière générale, nous avons
encore besoin de simplifications
administratives et d’allègement de
normes.

Vous aviez des attentes très
fortes en matière de statut
et de régime des artisans...
La stratégie du gouvernement pré-
voit une montée en puissance du
statut d’EIRL, qui sera expérimenté
dans deux nouvelles régions, en
plus des Hauts-de-France, ce qui est
une bonne chose. En revanche,
l’exécutif n’est pas allé jusqu’à con-
firmer son intention de limiter le
statut de la microentreprise. Ce
serait pourtant indispensable.
Aujourd’hui une entreprise artisa-
nale sur deux qui se crée le fait en
microentreprise. Ainsi, elle n’est

pas assujettie à la TVA. C’est utile
pour lui mettre le pied à l’étrier,
mais à long terme, cela crée une
concurrence déloyale en termes de
charges. C’est une bombe sociale,
qui paupérise le secteur et ne pré-
serve pas notre modèle de finance-
ment de la couverture sociale. Le
chef de l’Etat semble en avoir cons-
cience en l’ayant confirmé récem-
ment lors de son déplacement à
Rodez. Je maintiens néanmoins
que le régime de la microentreprise
doit être limité dans le temps. Pour-
quoi pas deux ans...

Parmi les mesures gouverne-
mentales, figure un dispositif
d’exonération facultative de la
CFE destiné à redynamiser les
centres-villes. Etes-vous favo-
rable à ce type de mesures?
Les coups de pouce fiscaux sont uti-
les aux artisans, mais ils peuvent
avoir des conséquences inatten-
dues, auxquelles nous devons nous
montrer attentifs. Outre-mer, l’exo-

Le gouvernement promet de faciliter le financement des artisans grâce à un effort ciblé de bpifrance. Photo Shutterstock

Michel Cibois, président de la
Chambre de métiers d’Eure-et-Loir,
organisateur des Artisanales. « Il
faut de la simplification, mais cela
doit se conjuguer avec garanties et
réglementation », ajoute-t-il.
Agnès Pannier-Runacher pro-
met de débloquer des moyens et de
préciser sa stratégie dans le contrat
d’objectif qui sera signé avec
l’Assemblée permanente des c ham-
bres de métiers et de l’artisanat en
décembre. En revanche, la secré-
taire d’Etat refuse de dégrader
l’attractivité des microentreprises :
« La moitié des entreprises se crée
sous ce statut et nous restons dans
une période de fort chômage, on ne
veut pas empêcher ce facilitateur de
l’entrepreneuriat. »n

lLa secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher a annoncé vendredi sa stratégie nationale


pour l’artisanat et le commerce de proximité.


lPeu de mesures nouvelles et pas encore de moyens supplémentaires prévus,


mais le gouvernement cherche à mieux faire connaître les facilités créées par la loi Pacte.


Le gouvernement aux petits

soins pour les artisans

Laurent Marcaillou
—Correspondant à Toulouse

Le projet de troisième ligne de
métro automatique de l’agglo-
mération toulousaine vient de
franchir une étape décisive. De
loin, le premier chantier de
Toulouse Métropole, avec son
coût estimé à 2,7 milliards
d’euros en 2017, il a obtenu avis
favorable de la commission
d’enquête publique. Cette lon-
gue ligne de 27 kilomètres, dont
un tiers en aérien, est l’équiva-
lent des deux lignes actuelles,
comprendra 21 stations. Elle
reliera le pôle aéronautique au
nord-ouest de l’agglomération
et l es z ones d’activité d e Toulou-
se-Montaudran et L abège
Enova au sud-est, qui sont con-
gestionnés par les embouteilla-
ges. La commission a aussi
approuvé le prolongement de la
ligne B entre Ramonville et
Labège, qui sera fait concomi-
tamment pour 182 millions
d’euros. Le préfet a déjà indiqué
qu’il signera rapidement la
déclaration d’utilité publique,
la métropole voulant ouvrir la
ligne en 2025.
Le syndicat des transports
Tisséo SMTC prévoit
200.000 voyageurs par jour sur
cette l igne, qui d esservira
200.000 emplois et 230.000
habitants. La commission
d’enquête publique estime que
le métro est l e mode d e transport
le plus performant pour cette
ligne reliant quatre communes.
Elle lui reproche néanmoins de
ne pas desservir l’aéroport – la
desserte se fera en connexion
avec le tramway – et le fait que
« les parkings en tête de ligne peu-
vent paraître insuffisants ». Elle
estime que le projet déconges-
tionnera les routes et favorisera
la densification immobilière de
l’agglomération, mais elle met
en avant son coût élevé.

Endettement
La Cour des comptes a déjà sou-
levé cet écueil en février. En
finançant essentiellement la
construction par l’emprunt,
l’encours de la dette du syndicat
Tisséo atteindrait un pic, à
2,9 milliards d’euros en 2026,
avec une durée apparente de
19 ans, « soit des niveaux particu-
lièrement élevés. [...] Ce plan de
financement prévisionnel n’est
pas dénué de risques », selon la
Cour. C’est une victoire politique
pour le maire LR Jean-Luc-
Moudenc qui avait lancé ce
grand projet pendant la campa-
gne de 2014. Il avait contribué à
sa victoire face au maire socia-
liste sortant et il reprend ce che-
val de bataille : « Selon le résultat
des élections municipales de
mars 2020 », le projet « sera réa-
lisé ou remis en question », a-t-il
prévenu vendredi.n

Avis


favorable


pour


la 3


e
ligne

de métro


de Toulouse


OCCITANIE


La commission
d’enquête publique
a rendu un avis
favorable à la
construction de la
troisième ligne de
métro de Toulouse
et au prolongement
de la ligne B
d’ici à 2025.

Le tout coûtera
près de 3 milliards
d’euros.

« La microentreprise est une bombe sociale »


nération de CFE pour les entrepri-
ses réalisant un chiffre d’affaires de
moins de 5.000 euros a généré une
catastrophe pour les chambres de
métiers et d’artisanat, qui sont
financées sur une partie de cette
taxe. En effet, la spécificité du tissu
économique local a fait que cette
exonération a généré une impor-
tante baisse de recette, à hauteur de
1,2 millions d’euros. Il y a d’ailleurs
une journée de mobilisation, Arti-
sanat Outremer en colère, prévue le
17 octobre prochain.n

« Le régime de la
microentreprise
doit être limité
dans le temps.
Pourquoi pas
deux ans... »

PME & REGIONS


Lundi 14 octobre 2019Les Echos

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