Les Echos - 22.10.2019

(avery) #1
l’internationalisation des entrepri-
ses. Bpifrance est leur principal
interlocuteur, notamment avec des
prêts à l’export, allant de 30.000 à
5 millions d’euros, à destination des
PME et ETI. Un crédit d’impôt
export peut être aussi accordé aux
PME pour leurs dépenses de pros-
pection commerciale.
Plus spécifiquement sur l’A fri-
que, le ministère de l’Economie et
des Finances gère le Fonds d’étude
et d’aide au secteur privé (Fasep),
qui finance, sous forme de dons de
150.000 euros à 600.000 euros, des
études de faisabilité dans des éco-
nomies émergentes. Proparco,
filiale de l’Agence française de déve-
loppement (AFD), dispose aussi
d’une offre de financement et
d’accompagnement pour soutenir
le développement des PME sur le
continent africain. —La. R.

fessionnelle antispam et antivi-
rus. Pour identifier des distribu-
teurs, importateurs, fournisseurs
ou partenaires potentiels, CCI FI
propose pour chaque pays une
liste de « contacts clefs ».

Financer son projet grâce
aux nombreuses aides
Ne sous-estimez pas les coûts d’ins-
tallation : les frais juridiques à la
création ou encore l’ouverture d’un
compte bancaire sur place. Mais
aussi les frais techniques de
connexion à Internet, l es t ransports
et la logistique, voire la sécurité et le
gardiennage de vos locaux... « Il
faut aussi avoir une trésorerie solide,
car les délais de paiement sont beau-
coup plus longs qu’en Europe »,
ajoute Samir Abdelkrim.
De nombreuses a ides financières
existent en France pour soutenir

de ses clients n’a pas de carte ban-
caire ou se méfie encore de ce mode
de paiement. L’entrepreneur a donc
eu l’idée de proposer des coupons
avec codes d’accès, achetés en espè-
ces dans des lieux physiques
comme les bibliothèques.
Afin d’appréhender les particu-
larités locales, il est souvent utile
de nouer un partenariat avec une
entreprise sur place. S’associer est
parfois même une obligation dans
certains pays comme en Algérie,
où la participation des investis-
seurs étrangers dans les entrepri-
ses locales est limitée à 49 %. Les
PME et les start-up peuvent égale-
ment s’appuyer sur leurs clients
français déjà installés dans les
pays cibles. Ainsi, Mailinblack
bénéficie de l’aide de la filiale
marocaine de Microsoft pour
commercialiser sa solution pro-

prise de découvrir les écosystèmes
locaux à travers de nombreuses
missions sur place.
L’étude de marché, les retours
des contacts établis sur place doi-
vent permettre de construire une
offre qui corresponde aux attentes
locales. Et, pour ça, il faut parfois
savoir se réinventer! En Afrique
de l’Ouest, le chocolatier Cémoi
commercialise sa pâte à tartiner
non pas en bocaux comme en
France, mais en sticks individuels
vendus à l’unité. Pour deux rai-
sons : répondre à une habitude de
consommation immédiate dans la
rue et adapter le prix au pouvoir
d’achat local.
Autre exemple : lorsque Jamel
Ouazhir a lancé Doross Online, une
plate-forme Internet de soutien
scolaire au Maroc, il a renoncé au
paiement en ligne, car la majorité

sent les dents en pensant qu’une idée
qui marche en France sera vite adop-
tée en Afrique », alerte Rachid
Alhiane. Selon lui, l’entrepreneur
doit se confronter aux réalités loca-
les. Dans le cadre du programme
MEETAfrica, destiné aux diasporas
africaines installées en France et en
Allemagne, il recommande « de se
familiariser avec les codes culturels,
car même en étant issu de la dias-
pora, on peut être déconnecté du ter-
rain, car l’écosystème évolue vite ».

Clubs d’entrepreneurs
français pour s’entraider
Des missions d’exploration dans
différents pays sont régulièrement
organisées par Business France. Il
existe également un club d’entre-
preneurs français désireux de
s’implanter sur le continent, Africa-
link. Il permet aux chefs d’entre-

« L’Afrique est un continent complexe, s’y implanter prend du temps »


Propos recueillis par
Yves Vilaginés et Lara Rinaldi


E


ntrepreneur dans les médias
depuis 2003, Olivier Laou-
chez dirige le groupe Trace,
qui compte 25 chaînes de télévision
thématiques, 7 radios, des services
digitaux, de la production audiovi-
suelle et d’événements, et même un
opérateur mobile virtuel en Afrique
du Sud. Né e n 2003 avec la reprise de
MCM Africa, Trace est aujourd’hui
l’un des médias les mieux implantés
sur le continent.


Comment avez-vous
débuté en Afrique?
J’ai toujours eu un lien fort avec le
continent africain. Je suis d’origine
antillaise, descendant d’esclaves
africains ; ma mère est née à Mada-
gascar, une partie de ma famille est
née et a grandi en Afrique. Après le
rachat de la chaîne de télévision
MCM Africa en 2003 et sa transfor-


mation en Trace, j’ai rapidement
mesuré notre impact sur la jeu-
nesse africaine, notamment grâce
aux festivals auxquels nous partici-
pions. Nous avons ouvert notre pre-
mière filiale africaine en Côte
d’Ivoire, puis dans d’autres pays de
l’Afrique francophone, puis en Afri-
que du Sud, où j’habite aujourd’hui
depuis huit ans. La musique est le
loisir numéro un en Afrique, et
Trace est désormais le média musi-
cal préféré sur tout le continent, où
plus de 280 millions de personnes
sont connectées à nos médias et
événements. Nous venons récem-
ment d’acquérir une radio FM
nationale au Kenya, Qwetu Radio,
qui sera relancée sous la marque et
le format Trace le 6 novembre.

Quels conseils pouvez-vous
donner aux entrepreneurs
qui souhaitent s’établir
en Afrique?
L’Afrique est un continent com-

plexe et passionnant dans sa diver-
sité, avec des réalités très différen-
tes. S’y implanter prend du temps.
Il est impératif de bien connaître et,
si possible, d’aimer ce continent.
Les choses n’y sont pas toujours
simples au point de vue juridique
ou pour ouvrir un compte en ban-
que par exemple. Le commerce
intra-africain n’est pas très fluide,
avec des droits de douane, des
monnaies différentes, des obliga-
tions de visa... Il faut être prêt à faire
face à beaucoup d’incertitudes.
Selon moi, on ne peut pas venir
pour « faire un coup ». Il faut être
patient et travailler sur le long
terme. Il existe un « African way of
doing business », notamment
parce que le secteur informel

représente une part importante de
l’économie : dans certains pays,
plus de 80 % des transactions se
font en cash ou en « mobile
money ». Je recommande de tra-
vailler dans chaque pays avec des
managers locaux et de localiser
son offre.

Vous conseillez beaucoup
d’entrepreneurs. Quelles sont
les erreurs qu’ils commettent
le plus souvent?
Beaucoup arrivent sans avoir étu-
dié suffisamment le marché, sim-
plement en croyant que la démo-
graphie leur permettra de trouver
des débouchés. Il faut apporter une
valeur ajoutée, faire un effort quali-
tatif, identifier les besoins non com-
blés. Tout en vous adaptant aux
contraintes économiques locales,
par exemple avec des packagings
plus petits, de moindres quantités
pour être en phase avec le pouvoir
d’achat de vos clients.

Une autre erreur est de ne pas
tenir compte des susceptibilités
ethniques, religieuses ou de genre,
qui ne s’expriment pas toujours
ouvertement. Par exemple, croire
qu’un bureau à Nairobi suffit pour
gérer facilement toute l’Afrique de
l’Est serait ignorer les rivalités qui
existent entre certains pays voi-
sins. De même, il ne faut pas croire
que le français, l’anglais ou le por-
tugais sont les langues les plus par-
lées en Afrique. Les langues verna-
culaires comme le wolof, le zoulou,
le lingala ou le swahili sont beau-
coup plus populaires dans leurs
régions r espectives. Enfin, u ne der-
nière erreur est de se concentrer
seulement sur les grandes métro-
poles. Il existe aussi des opportuni-
tés dans les villes moyennes, où la
compétition est moins forte.

Vous venez d’annoncer une
initiative en France cette fois,
à Marseille, de quoi s’agit-il?

Nous allons ouvrir à Marseille un
studio délocalisé et une division
éducative. Notre objectif est d’y
former des jeunes aux métiers de
l’industrie créative et culturelle.
Nous avons le projet ambitieux de
devenir l’un des leaders mondiaux
de l’« edutainment » sur le seg-
ment de la formation en ligne pro-
fessionnelle. Nous allons apporter
des méthodes plus ludiques,
issues du monde du divertisse-
ment et donc mieux adaptées aux
jeunes, en particulier dans les
pays émergents. Notre plate-
forme mondiale s’appellera
« Trace Academia ». Le pilote sera
opérationnel dans quelques mois.
Trace Academia proposera des
formations professionnelles à
l’entrepreneuriat et au renforce-
ment des « soft skills ». Notre
ambition est de former 20 mil-
lions de personnes en cinq ans.
L’accès sera gratuit avec des servi-
ces à valeur ajoutée payants.n

OLIVIER LAOUCHEZ
Président de Trace TV

L


eurs croissances laissent
rêveurs les ministres de
l’Economie de la zone euro.
En 2019, L’Ethiopie, le Kenya, le
Ghana et la Côte d’Ivoire vont enre-
gistrer plus de 7 % de croissance
annuelle. « Les vraies opportunités
pour les entrepreneurs se trouvent
aujourd’hui en Afrique », s’enthou-
siasme pour sa part Samir Abdel-
krim, fondateur d e Emerging Valley
et auteur de « Startup Lions : au
cœur de l’African Tech ».
Désormais, des incubateurs pro-
posent même des programmes
spécifiques tels le pionnier
Bond’innov à Bondy (Seine-Saint-
Denis) ou Marseille Innovation. La
tech africaine intéresse de plus en
plus les fonds d’investissement.
Depuis 2015, un Club Afrique a vu
le jour au sein de France Invest,
l’association française du capital-
investissement. Les entrepreneurs
français sont donc de plus en plus
nombreux à s’intéresser à l’Afri-
que, soit pour y trouver des fournis-
seurs, soit pour y ouvrir des filiales.
« L’Afrique, c’est 54 pays avec des
réalités complètement différentes »,
prévient Samir Abdelkrim. S’y lan-
cer requiert donc b eaucoup de pré-
paration et de se poser les bonnes
questions : « Mon produit répond-il
à un besoin? Y a-t-il des concurrents
déjà sur place? Les infrastructures
locales sont-elles développées? Le
pays est-il stable? » détaille Rachid
Alhiane, responsable du pro-
gramme MEETAfrica au sein de
Marseille Innovation.
Où s’adresser? Pour identifier de
potentiels marchés, Thomas Ker-
jean, président de Mailinblack,
PME implantée à Marseille,
s’appuie sur « des analyses quantita-
tives et qualitatives fournies par les
CCI ou bpifrance ». Les chambres de
commerce, consulats et ambassa-
des de chaque pays proposent des
études de marché. Les 12 bureaux
de CCI France International (CCI FI)
sur le continent et leurs spécialistes
sur place sont autant de relais uti-
les. Après avoir choisi deux ou trois
pays cibles, le voyage sur place
s’impose. « On les pousse vraiment à
aller sur le terrain. Certains se cas-


INTERNATIONAL//Au bord de la Méditerranée, en particulier, les entrepreneurs tentés par une implantation en


Afrique sont de plus en plus nombreux. Attention au miroir aux alouettes! Il faut savoir s’adapter aux réalités locales.


Créer et développer son business


en Afrique en limitant les risques


Se lancer sur le marché africain requiert beaucoup de préparation et de se poser les bonnes questions. Photo SImon Maina / AFP

Les pays les plus
« business friendly »

Chaque année, la Banque mon-
diale établit un classement des
pays où il est le plus facile de
faire des affaires (France, 32e) et
de créer une entreprise (France,
30 e). Voici le Top 10 pour l’Afrique
(le classement mondial).
Facilité de faire des affaires


  1. Maurice (20e)

  2. Rwanda (29e)

  3. Maroc (60e)

  4. Kenya (61e)

  5. Tunisie (80e)

  6. Afrique du Sud (82e)

  7. Botswana (86e)

  8. Zambie (87e)

  9. Seychelles (96e)

  10. Lesotho (106e)


Création d’entreprise



  1. Burundi (17e)

  2. Maurice (21e)

  3. Côte d’Ivoire (26e)

  4. Niger (27e)

  5. Maroc (34e)

  6. Mauritanie (46e)

  7. Rwanda (51e)

  8. Sierra Leone (55e)

  9. Bénin (61e)

  10. RD du Congo (62e)


MARDI 22 OCTOBRE 2019 //


SALON DES ENTREPRENEURS MARSEILLE-RÉGION SUD

Free download pdf