aujourd’hui:une industrie qui assume son ambition de créer
des produits, derépondreàune demandecommerciale, quand son
homologue française s’envelopped’une auraartistique.
Son bureau de Biella estcouvertdepiles de journaux, qu’il dévore,
s’affligeantdelasituationpolitique de sonpays,delamontéedes
populistes et du déclin de l’idée européenne.Sa femme, une jour-
nalisteallemande, lui découpedes articles sur le monde de la mode,
qu’il avuémerger.Devantles images de Beckham ou M’Bappé, il rit
encoreaujourd’hui de la moquerie d’un homme d’affaires qui,
voyant que lecouturier italien embauchait le jeuneDavid Ginola
pour défiler,lui avait lancéque lefootball neferait jamaisvendre
deshabits. Ilse réjoui tdes souvenirsdes campagnes de publicité
qu’ilfaisait réaliserparPaoloRoversi, les deux hommes suivant le
fil de leursenvies plus que les instructions de services marketing. Il
constate, avec étonnement, que les acteurspréfèrent encaisser les
chèques des publicités plutôt queceux, beaucoup moins impor-
tants, des films, lui quiahabilléMarcello Mastroianni, RichardGere
ou Jack Nicholson, etjuren’avoir jamais«eul’idée vulgairededépen-
ser uncentime »pour lesconvaincre.Uneforme de snobisme qu’An-
gelo Flaccaventoexplique ainsi :«NinoCerruti sait d’où il vient,
d’unefamille industrielle du norddel’Italie. Il est cultivé, riche. Il a
interrompu des études de philosophie pour s’occuper de l’entreprise
de son père.»Quand la grande majoritédes cr éateursdemodesont
d’extraction modeste,bata illantpour s’imposer auxyeux du grand
monde, le grandbourgeois Cerrutin’aeu, selon Flaccavento,
«aucun besoin d’ascension sociale,contrairementàun Giorgio
Armani dans les années 1970 ».
Giorgio Armani.Le voilà leTancrède, le nom qui secolle àcelui du
Guépar dCerruti dans l’histoiredelamode, qui le surplombeà
l’échelle de lacélébritéetduchiffr ed’affaires. De quatreans son
cadet, issu d’unefamille plus modeste, Armaniaété scénographe
des vitrines du grand magasin milanaisLa R inascente.Dans les
années 1960, Nino Cerruti lerencontreetlenomme créateur de
modepour hommes.Le duo marquera àjamais le secteur. Cerruti
fournit tissus et habits, et Armani moulinetout cela àsamanière. Il
sait commentséduireleclient, quellechemise mettresous quel
costume, quelle lainebouilliecorrespondàquel typedesoie. Il
s’inventeson propremétier :stilista,expression, difficilementtra-
duisibleàl’époque, qui définit lapersonne«debon goût»chargée
d’apposer satouchepersonnelle dans unecollection, deréfléchir à
commentprésenterleproduit dans uneboutique ouavec quels
accessoires suggérer unevente.
Unebanalitéaujourd’hui, alorsinédite, quifait le succèsdutan-
dem. Si bienque, aprèsune petitedécen nie, GiorgioArmaniveut
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