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JEUDI 3 OCTOBRE 2019 économie & entreprise| 19
Trou d’air pour le commerce mondial
L’OMC a revu sa prévision de croissance des échanges pour 2019 à 1,2 %, contre 2,6 %
L
a dégringolade est sévère.
L’Organisation mondiale
du commerce (OMC) a
abaissé, mardi 1er octobre,
ses prévisions de croissance du
commerce mondial de marchan
dises à 1,2 % en 2019, contre 2,6 %
attendus jusqu’ici. Pour l’année
2020, l’OMC reste optimiste, ses
prévisions n’étant que légère
ment revues en baisse, à 2,7 %,
contre 3 % auparavant.
C’est en Amérique du Nord et
en Asie, deux régions touchées
par la guerre commerciale entre
la Chine et les EtatsUnis, que la
chute est la plus spectaculaire. Le
rythme de croissance du com
merce extérieur pourrait tomber
en Amérique du Nord de 4,3 %
en 2018 à 1,5 % en 2019 et de 3,8 %
à 1,8 % en Asie. Le commerce des
services, plus difficile à mesurer,
a commencé à stagner. « Le com
merce mondial prend la direction
d’une croissance nulle », prédit Sé
bastien Jean, directeur du Centre
d’études prospectives et d’infor
mations internationales (Cepii).
L’OMC invoque le ralentisse
ment de la croissance mondiale et
les tensions commerciales pour
justifier ces nouvelles prévisions.
En 2019, les EtatsUnis ont conti
nué d’augmenter leurs droits de
douane sur une partie des impor
tations chinoises, principalement
des biens intermédiaires et me
nacent de les étendre à l’ensemble
des produits importés d’ici à la fin
de l’année. Ces tensions sapent la
confiance des entreprises, qui
préfèrent reporter leurs investis
sements. L’OMC mesure la mon
tée des incertitudes de deux ma
nières. D’abord en utilisant l’in
dice Global Economic Policy
Uncertainty, qui calcule la fré
quence des motsclés relatifs à
l’incertitude dans les rapports et
études publiés dans le monde en
tier. Celuici a triplé en un an.
L’organisation prend aussi en
compte l’indice de confiance des
entreprises pour les nouvelles
commandes à l’exportation. Cet
indice, mesuré par IHS Markit, a
chuté depuis 2018 et se retrouve à
son niveau de 2012, l’année som
bre de la crise des dettes souverai
nes. Ces incertitudes pourraient
même monter d’un cran si une
nouvelle bataille commerciale
éclate entre les EtatsUnis et
l’Union européenne. Une décision
imminente de l’OMC doit fixer le
montant des sanctions commer
ciales que les EtatsUnis vont pou
voir appliquer aux entreprises
européennes dans le vieux conflit
qui oppose Boeing et Airbus, les
deux groupes s’accusant mutuel
lement de bénéficier de subven
tions illégales. Bruxelles, qui dit
privilégier un règlement à l’amia
ble, a prévenu qu’elle riposterait.
« Phase de maturité »
A ces incertitudes s’ajoutent en
fin les tensions géopolitiques au
MoyenOrient, qui pourraient
faire augmenter le prix du pé
trole, quelques semaines seule
ment après une attaque de drone
en Arabie saoudite, qui avait en
traîné la réduction de la moitié de
la production du premier expor
tateur d’or noir.
Quel que soit le scénario envi
sagé, le commerce international
a globalement perdu de sa vi
gueur. Aujourd’hui, les échanges
commerciaux peinent à augmen
ter au même rythme que le pro
duit intérieur brut (PIB) mondial.
« Il a connu un essor important
dans les années 1990 et 2000
grâce au rôle moteur joué par les
pays émergents et le cadre mis en
place par l’OMC et il entre
aujourd’hui dans une phase de
maturité », observe Coleman Nee,
économiste à l’institution. « La
nouvelle tendance est celle de la
stabilité », résume M. Jean, tout
en précisant qu’il est encore trop
tôt pour parler d’un ralentisse
ment structurel. Malgré le protec
tionnisme américain, les expor
tations chinoises continuent
d’augmenter vers d’autres ré
gions. Quant à l’Union euro
péenne, première puissance
commerciale, elle continue de si
gner des accords avec des pays
comme le Vietnam, en juin, ou
encore avec le Mercosur (Argen
tine, Brésil, Paraguay, Uruguay).
Avec la stagnation des échanges
mondiaux, l’économie mondiale
perd un important levier de
croissance et de développement.
« Les taux d’intérêt sont déjà bas
et les Etats rechignent à recourir à
des plans de relance budgétaire.
Une des rares options pour aug
menter la croissance serait de me
ner une nouvelle vague de libérali
sation des échanges [de nou
veaux accords commerciaux, par
exemple] », souligne M. Nee.
De nouvelles mesures difficile
ment envisageables sans une ré
forme de l’OMC, qui risque d’être
bientôt amputée de son organe
d’appel, l’instance chargée de
trancher les différends commer
ciaux entre pays. Ce dernier
n’aura plus, à partir du 10 décem
bre, le minimum requis de trois
juges pour fonctionner si
Washington continue de bloquer
les nouvelles nominations.
« Les pays membres de l’OMC de
vraient travailler ensemble dans
un esprit de coopération pour la
réformer et la rendre plus forte,
plus efficace », a plaidé mardi Ro
berto Azevêdo, le directeur géné
ral. La question de la réforme de
l’OMC, qui était passée quasi
ment inaperçue lors du sommet
du G7 de Biarritz, en août, a refait
surface ces derniers jours. Do
nald Trump a déclaré à la tribune
des Nations unies, le 27 septem
bre, que le comportement com
mercial de la Chine justifiait une
réforme drastique de l’ONU. Ur
sula von der Leyen, la nouvelle
présidente de l’exécutif euro
péen, a fixé comme priorité à Phil
Hogan, le candidat au poste de
commissaire européen au com
merce, « la réforme de l’OMC sur
les questions de subventions, de
transferts forcés de technologie et
de règlement des différends ».
julien bouissou
C’est en
Amérique du
Nord et en Asie
que la chute
est la plus
spectaculaire
Emotion entre Cherwell et Ta
mise, les deux rivières qui enca
drent l’université d’Oxford au
nordouest de Londres. Le Finan
cial Times révèle, ce mercredi
2 septembre, que l’équipemen
tier télécoms chinois Huawei
aurait pris une participation
dans le fonds destiné à valoriser
les découvertes des chercheurs
de la prestigieuse institution.
Cette société, baptisée Oxford
Sciences Innovation, serait la
plus importante structure au
monde dans l’aide aux startup
universitaires. En théorie, elle ap
porte aux généreux partenaires,
de Google au fonds souverain de
Singapour, un bel aperçu de l’état
des sciences et technologies en
gestation sur le campus.
Or, en janvier 2019, la plus an
cienne faculté britannique avait
annoncé officiellement avoir
coupé tout lien avec l’entreprise
chinoise, mise au ban des pays
occidentaux, suite aux accusa
tions d’espionnage proférées par
les EtatsUnis. Gêné, le berceau de
l’élite anglaise a assuré que cette
participation était très modeste
(0,7 %) et qu’elle n’autorisait pas à
ouvrir les portes des jeunes pous
ses. Mais la suspicion demeure,
comme désormais pour toutes
les initiatives du champion chi
nois sur le Vieux Continent et
aux EtatsUnis. Sa filiale dans la
Silicon Valley, Futurewei, spéciali
sée dans la veille technologique et
partenaire de l’université de Ber
keley, vient de décider de licencier
la majeure partie de ses 850 ingé
nieurs sur place.
Les difficultés en Occident de
Huawei, inconnu en 2000 et
maintenant premier équipemen
tier mondial, sont une forme d’al
légorie de l’essor et du déclin de la
présence économique extérieure
chinoise. En progression specta
culaire depuis le début du siècle,
elle semble stoppée net dans son
élan. Comme le rappelle le cher
cheur JeanRaphaël Chaponnière
dans la lettre spécialisée Asialyst,
depuis l’adhésion de la Chine à
l’OMC, en 2001, la part de ce pays
dans les exportations manufactu
rières mondiales est passée de
6 % à 19 % en 2015. Depuis, elle a
légèrement diminué et les expor
tations sont en baisse continue
depuis seize mois.
Chute des investissements
A cela s’ajoute l’effondrement
spectaculaire de ses investisse
ments à l’étranger : 178 milliards
de dollars (163 milliards d’euros)
en 2016, près de 128 en 2018 et
seulement 50 milliards au pre
mier semestre 2019. En Europe, ils
ont chuté de 80 %. La frénésie
d’acquisitions de 2015, souvent
déraisonnable, a été volontaire
ment cassée par le gouverne
ment, y compris en envoyant des
PDG en prison. Mais audelà des
éléments conjoncturels et des
conséquences de la guerre com
merciale actuelle, la part de mar
ché de la Chine semble avoir at
teint son plafond de verre, autour
de 20 %. Comme ce fut le cas des
puissances qui l’ont précédée :
GrandeBretagne, EtatsUnis, Ja
pon ou Allemagne. La Chine ne
mangera pas le monde, mais
l’équilibre qui s’installe est d’une
fragilité redoutable. Et Huawei
n’en sera pas la seule victime.
PERTES & PROFITS|HUAWEI
p a r p h i l i p p e e s c a n d e
Quand la Chine
déclinera...
A U TO M O B I L E
General Motors :
une grève à plus
d’un milliard de dollars
Le coût de la grève, en cours
depuis près de trois semaines
au sein des usines General
Motors, aurait dépassé le mil
liard de dollars (915 millions
d’euros), d’après les calculs de
JPMorgan, rapporte l’agence
AP, mardi 1er octobre. Elle a
entraîné l’arrêt de la produc
tion dans plusieurs usines
américaines et perturbé des
sites au Canada. – (AP. et AFP.)
É N E R G I E
Suez veut réduire
davantage ses coûts
Suez a annoncé, mercredi
2 octobre, un plan de ces
sions et acquisitions repré
sentant 15 % à 20 % de ses ca
pitaux employés, soit 3 à
4 milliards d’euros, dans le
cadre d’une nouvelle straté
gie à l’horizon 2030. Ce plan
est censé améliorer sa renta
bilité et sa « capacité de dis
tribution de dividendes », ex
plique son directeur général,
Bertrand Camus. Suez a
aussi révisé son plan d’éco
nomies à 250 millions
d’euros par an, contre 170
précédemment. – (AFP.)
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