Le Monde - 19.09.2019

(Ron) #1

14 |économie & entreprise JEUDI 19 SEPTEMBRE 2019


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Le paiement mobile gagne du terrain


Réticentes il y a trois ans, les banques françaises font toutes la promotion des porte­monnaie électroniques


L


es banques françaises ne
sont pas bousculées au
portillon pour proposer
à leurs clients la pre­
mière solution de paiement mo­
bile venue des Etats­Unis, Apple
Pay, lorsqu’elle a débarqué en
juillet 2016. Longtemps, Ban­
que populaire­Caisse d’épargne
(BPCE) a été le seul établissement
à proposer le système de paie­
ment d’Apple, permettant de ré­
gler des achats en magasin en
approchant son smartphone du
terminal de paiement.
Depuis ce faux départ, la plu­
part des banques ont fini, de mau­
vaise grâce, par signer de coûteux
contrats avec la firme à la
pomme. Ce sera le cas pour le Cré­
dit agricole, la première enseigne
française, d’ici à la fin de l’année.
Certaines institutions ont égale­
ment intégré à leur catalogue les
portefeuilles électroniques Sam­
sung Pay et Google Pay.
Surtout, les grandes banques de
l’Hexagone, alliées depuis 2013
dans le paiement en ligne autour
de la solution sécurisée Paylib,
ont élargi ce service en solution
de paiement mobile (sur An­
droid) sans contact, dans les ma­
gasins, en 2017.
Fort de ces initiatives conju­
guées, le paiement mobile gagne
rapidement du terrain. Les volu­
mes de transaction restent mo­
destes, comparés aux opérations
par carte bancaire, mais la dyna­
mique s’annonce désormais pro­

metteuse. Paylib compte 2,3 mil­
lions d’utilisateurs en septembre,
contre 1,4 million à l’été 2018. De­
puis le mois de juin, les paie­
ments Paylib en boutique pro­
gressent de 15 % par mois.
A la Société générale, le volume
de transactions double tous les
six mois. BPCE a, de son côté,
recensé plus de 350 millions
d’euros de transactions réalisées
en magasins par paiement
mobile (en mode « sans contact »)
entre août 2018 et août 2019, soit
2,5 fois plus qu’au cours des douze
mois précédents.
« Chaque mois, nous enregistrons
100 000 transactions (en paiement
mobile) de plus que le précédent,
explique Jean­Philippe Van Pope­
ringhe, directeur de la stratégie
pour les offres des particuliers
chez BPCE. La courbe d’adoption
n’a rien à voir avec le paiement par
carte “sans contact” dans les ma­
gasins, qui a été très plate de 2011 à
2015, avant l’accélération que l’on
constate ces dernières années. »
Quelque 700 000 clients du
groupe mutualiste ont enregistré
leur carte bancaire dans leur
smartphone pour pouvoir payer
en « sans contact ».
Une étude de la société spécia­
liste des paiements Galitt, réalisée
en mars, indique que 92 % des
Français ont déjà entendu parler
du paiement par téléphone mo­
bile ; 19 % des propriétaires de
smartphone interrogés affirment
même avoir déjà utilisé au moins

une fois une solution de paie­
ment mobile. « D’ici trois à cinq
ans, on peut envisager que 50 %
de la population française utilise
régulièrement son téléphone pour
payer », déclare Vincent Duval,
président de Paylib.

« Pas de limite de montant »
Mais qu’apporte réellement le
mobile par rapport à la carte
bancaire, déjà largement utilisée
en mode « sans contact », avec
2,3 milliards de transactions réali­
sées en 2018 (et près de 4 mil­
liards attendus en 2019), sur un
total de 10,8 milliards de paie­
ments par carte en magasin?
« Les Français ont adopté le geste
du paiement sans contact, facile
et rapide, mais il est plafonné à

30 euros avec la carte bancaire,
alors qu’il n’y a pas de limite de
montant lorsqu’on paie avec son
mobile », souligne Julien Claudon,
responsable des cartes et paie­
ments digitaux à la Société géné­
rale. Le paiement mobile propose
également – sans surcoût – des
services, comme la notification
instantanée de chaque transac­
tion ou la gestion des cartes de fi­
délité du consommateur.
« Le paiement mobile apparaît
plus sécurisé que la carte “sans
contact”, puisque, pour payer, il
faut déverrouiller le téléphone
avec un code ou de la biométrie. Et
si le portable est volé, les données
de la carte bancaire qui y ont été
enregistrées sont hyperprotégées
et peuvent être supprimées à dis­

tance », ajoute César Lengellé, di­
recteur de la banque au quo­
tidien et des paiements chez
BPCE. Selon l’Observatoire de la
sécurité des moyens de paie­
ment, le taux de fraude des paie­
ments sans contact, à 0,020 %
(soit 1 euro de fraude pour

5 000 euros de transactions),
s’avère toutefois identique pour
la carte ou le mobile.
Toutes les banques font
aujourd’hui la promotion du
paiement mobile auprès de leurs
clients. Les alternatives aux
moyens de paiement coûteux
pour la filière, essentiellement le
cash et le chèque, sont toujours
les bienvenues. Mais les établisse­
ments veulent également faire
des porte­monnaie électroniques
un avantage compétitif et s’assu­
rer qu’ils ne restent pas l’apanage
des banques mobiles et des néo­
banques. Cette politique volonta­
riste devrait accélérer l’adoption
par les Français de ce nouveau
moyen de paiement.
véronique chocron

Nucléaire : EDF tente de rassurer


sur les défauts de fabrication de six réacteurs


Des problèmes techniques sont constatés sur certains générateurs de vapeur, dont quatre
sont installés sur l’EPR de Flamanville, dans la Manche, qui ne cesse d’accumuler les déboires

A


près l’annonce de nou­
velles difficultés sur ses
équipements nucléaires,
EDF tente de rassurer. Début sep­
tembre, le groupe prévenait que
les procédures prévues n’avaient
pas été respectées par sa filiale
Framatome lors d’opérations réa­
lisées « sur certaines soudures de
générateurs de vapeur » lors de
leur fabrication. Mais l’énergéti­
cien n’avait pas précisé quels réac­
teurs étaient concernés, ni si cela
allait entraîner des arrêts de pro­
duction dans certaines centrales.
Les générateurs de vapeur sont
d’énormes équipements qui ser­
vent d’échangeur pour l’eau, qui
se transforme en vapeur et ali­
mente la turbine produisant
l’électricité. De fait, il s’agit d’un
élément crucial pour un réacteur,
et un remplacement imprévu est
une opération longue et coûteuse.
Mercredi 18 septembre, EDF a
donné des précisions : six réac­
teurs en exploitation, localisés
dans les centrales du Blayais (Gi­
ronde), du Bugey (Ain), de Fessen­
heim (Haut­Rhin), de Paluel (Sei­
ne­Maritime) et de Dampierre
(Loiret), sont concernés par ces
défauts de fabrication – soit un
total de seize générateurs de va­
peur en activité.

« A ce stade de l’instruction tech­
nique portant sur ces composants,
EDF estime que les écarts constatés
ne remettent pas en cause l’apti­
tude au service des matériels et ne
nécessitent pas de traitement
immédiat », déclare EDF. Autre­
ment dit : le groupe compte plai­
der auprès de l’Autorité de sûreté
nucléaire (ASN) que ces défauts de
fabrication ne nuisent pas au ni­
veau de sûreté et ne contredisent
pas le cahier des charges de
l’exploitation. « Aucun de ces élé­
ments ne présente un risque en
matière d’intégrité ou de sû­
reté des réacteurs. On est en con­
fiance », a assuré, mercredi matin,
Régis Clément, directeur adjoint
du parc en exploitation. Pour lui,
un arrêt immédiat n’est pas né­

cessaire, ni même un besoin ra­
pide de réparation.
EDF a aussi fait savoir que plu­
sieurs générateurs de vapeur qui
ne sont pas encore en service sont
également concernés. Parmi eux,
les quatre de l’EPR de Flamanville
(Manche), et trois équipements
neufs destinés à être installés dans
la centrale de Gravelines (Nord).

Surcoûts
L’annonce de nouvelles difficultés
sur le chantier de Flamanville est
un énième coup dur pour ce pro­
jet, dont les travaux ont com­
mencé en 2007 et qui devait être
connecté au réseau en 2012. Mais
les errements du chantier, les mal­
façons sur des éléments cruciaux
n’ont cessé de retarder le projet.
Jusqu’ici, EDF espérait que l’EPR
puisse démarrer, au mieux, fin


  1. Ces écarts de fabrication sur
    les générateurs de vapeur pour­
    raient entraîner de nouveaux dé­
    lais et surcoûts, si l’ASN estime que
    des interventions de mise en con­
    formité doivent être réalisées.
    Mercredi, EDF n’a pas communi­
    qué sur d’éventuels retards du
    chantier liés à ces défauts.
    Mi­septembre, après la révéla­
    tion de ces nouveaux problèmes,
    le président de l’ASN, Bernard


Doroszczuk, avait rappelé au Fi­
garo qu’il peut « prendre des mesu­
res conservatoires, qui pourront al­
ler jusqu’à l’arrêt des réacteurs si né­
cessaire ». Il annonçait que le tra­
vail de vérification allait s’étendre
sur un mois. C’est au gendarme du
nucléaire que reviendra le dernier
mot, et il n’a pas toujours été
convaincu, ces derniers mois, des
arguments techniques présentés
par EDF sur certains sujets.
En particulier, sur l’EPR, EDF
avait tenté de convaincre l’ASN
qu’il était inutile de reprendre
huit soudures jugées non confor­
mes. Mais celle­ci avait refusé l’ar­
gumentation de l’électricien et lui
avait demandé de corriger les dé­
fauts constatés. Une décision en­
traînant un nouveau délai pour le
chantier – et une augmentation
de la facture de plusieurs centai­
nes de millions d’euros.
Mercredi matin, l’ASN a expli­
qué au Monde qu’elle avait de­
mandé des éléments supplémen­
taires à EDF et qu’elle allait mener
cette semaine une inspection sur
le site de Framatome de Saint­
Marcel (Saône­et­Loire). « Il ap­
partiendra à l’ASN de trancher,
quoi qu’il en soit », a reconnu
M. Clément, mercredi matin.
nabil wakim

Le taux de fraude
des paiements
sans contact,
à 0,020 %,
s’avère identique
pour la carte
ou le mobile

Cette semaine, deux patrons im­
portants du monde des affaires
français ont annoncé leur départ.
Celui de Capgemini, Paul Herme­
lin, et celui de Vallourec, Philippe
Crouzet. Une société de services
informatiques et un industriel de
l’acier. Tous deux sont arrivés aux
commandes dans la lumière
d’une conjoncture exceptionnelle
et dans la promesse de lende­
mains qui chantent, et ont connu
à la place la descente aux enfers.
Quand Paul Hermelin est arrivé,
en 2001, à la direction générale de
l’entreprise, il était auréolé de
l’acquisition, un an plus tôt, de la
société de conseil Ernst and
Young. Son cours de Bourse s’est
envolé jusqu’à dépasser les
300 euros. En 2002, il a perdu
90 % de sa valeur et l’acquisition
se révèle désastreuse.
Quand Philippe Crouzet prend
les rênes de Vallourec, en 2009, la
société, spécialisée dans les tubes
pour l’industrie et le pétrole, est
en phase de redressement, aidée
par la remontée progressive des
cours du pétrole à partir de 2010.
Il se lance alors dans d’ambitieux
plans de développement indus­
triels aux Etats­Unis et au Brésil.
La chute brutale des cours,
en 2014­2015, provoque l’arrêt
des investissements des compa­
gnies pétrolières. Leurs fournis­

seurs mordent le tapis. Le cours
de Bourse perd lui aussi 90 %, et
l’entreprise doit son salut en
grande partie à une recapitalisa­
tion massive.
La comparaison s’arrête là. Le
rebond de Capgemini a été tout
aussi spectaculaire que sa chute.
Pour avoir misé à temps sur l’ex­
ternalisation des services en Inde,
le groupe a réussi à surfer sur la
vague du numérique et est de­
venu un poids lourd du CAC40.
A l’inverse, Vallourec perd de
l’argent depuis cinq ans et son
effectif a fondu d’un quart par
rapport à 2012. Les analystes
pointent évidemment les coû­
teuses décisions d’investisse­
ment, juste avant la crise, qui ont
dégradé sévèrement le bilan de
l’entreprise. La firme a passé les
cinq dernières années à restruc­
turer son outil industriel, no­
tamment en Europe. Un cauche­
mar qu’expérimentent tous les
sidérurgistes du Vieux Conti­
nent. L’éclaircie, régulièrement
promise par Philippe Crouzet,
semble enfin en vue avec de pre­
miers bénéfices opérationnels.
Mais le rythme de l’industrie
lourde n’est pas celui du service
informatique, et l’Europe,
comme les Etats­Unis, ne semble
plus vraiment outillée pour y
jouer les premiers rôles.

PERTES & PROFITS|VALLOUREC
p a r p h i l i p p e e s c a n d e

Passage de patrons


et de générations


Paylib va promouvoir le pair-à-pair


Il était déjà possible d’envoyer de l’argent « de personne à
personne » en utilisant son téléphone portable. Mais ce paiement
mobile de compte à compte, qui n’est rien d’autre qu’un vire-
ment (sans passer par la carte bancaire) devrait gagner en popu-
larité cet automne. La plupart des grandes banques françaises
réunies autour de la solution interbancaire Paylib permettent
désormais de transférer de l’argent à une autre personne de
manière instantanée (en moins de dix secondes), sans détenir
ses coordonnées bancaires, mais en utilisant son numéro de
téléphone. Ce service sera gratuit pour les transferts jusqu’à
500 euros. Paylib lancera une campagne de communication le
30 septembre pour faire connaître le pair-à-pair au grand public.

A Flamanville,
les errements
du chantier,
les malfaçons
sur des éléments
cruciaux n’ont
cessé de retarder
le projet
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