0123
JEUDI 12 SEPTEMBRE 2019 international| 3
Nétanyahou s’engage à
annexer la vallée du Jourdain
Le premier ministre entend, s’il est réélu, appliquer
la pleine « souveraineté » de l’Etat sur le territoire
jérusalem correspondant
C
ourant après la droite
ultranationaliste, le pre
mier ministre israélien,
Benyamin Nétanyahou, a pro
mis, mardi 10 septembre, que s’il
était reconduit au pouvoir lors
des législatives du 17 septembre
son gouvernement annexerait
unilatéralement la vallée du Jour
dain et la partie nord de la mer
Morte, en Cisjordanie.
Son allocution en direct à la télé
vision, attendue des heures du
rant, a une nouvelle fois accaparé
une campagne au cours de la
quelle « Bibi », dos au mur dans les
sondages, paraît boxer seul contre
luimême, contre l’érosion de son
électorat et le calendrier judiciaire
qui se resserre. Accusé de corrup
tion, il est menacé d’une inculpa
tion d’ici à la fin de l’année. Le Jour
dain n’est qu’une première étape,
atil affirmé mardi, répétant une
promesse déjà faite à la veille des
élections d’avril, qui ne lui avait
pas permis d’obtenir une majorité
pour former un gouvernement.
Le premier ministre entend ap
pliquer, sans concertation avec
l’Autorité palestinienne, la pleine
« souveraineté » de l’Etat sur
d’autres territoires, s’il reçoit « un
mandat clair » des électeurs.
M. Nétanyahou a placé ce geste
dans le cadre de « l’opportunité
historique » que représente à ses
yeux le « plan de paix » pour le
ProcheOrient de l’administra
tion Trump. « Par respect [pour
lui] et par grande foi en [leur] ami
tié », il attendra pour passer à
l’acte que ce plan soit dévoilé, peu
après le vote du 17 septembre.
Cet appel a été largement
ignoré par Washington.
M. Trump ne cesse depuis le mois
d’août de retirer de l’air à la cam
pagne de « Bibi », en se disant
prêt à rencontrer le président ira
nien, Hassan Rohani, et à inflé
chir sa politique de « pression
maximale » contre le pays, con
certée avec Israël. Il a annoncé le
renvoi du principal défenseur de
cette politique, son conseiller à la
sécurité nationale John Bolton,
moins de deux heures après les
promesses de M. Nétanyahou, af
faiblissant leur portée.
Qu’importe, « Bibi » pousse sa
chance. Durant tout l’été, ses al
liés de la droite ultranationaliste
et messianique l’avaient pressé
de préciser ses promesses d’an
nexion. Il s’était contenté jus
qu’ici de vagues engagements à
étendre la souveraineté d’Israël,
en droit, sur les colonies de
Maalé Adoumim et de Goush Et
zion, en Cisjordanie.
Zone tampon défensive
Sa dernière annonce demeure va
gue et conditionnée, mais elle
reste préoccupante. La vallée du
Jourdain, zone agricole fertile, re
présente près de 30 % de la Cisjor
danie. Quelque 65 000 Palesti
niens y vivent ainsi que 11 000 co
lons israéliens. M. Nétanyahou
s’est gardé de détailler le sort qu’il
réserve aux premiers : sur la carte
qui accompagnait mardi sa pré
sentation, la ville de Jéricho for
mait un îlot abandonné à l’Auto
rité palestinienne, qu’il souhai
tait lier à la Jordanie voisine.
Les rivaux de M. Nétanyahou
ont dénoncé une pure
manœuvre électorale et préfè
rent concentrer leurs attaques
sur ces images dévastatrices : en
meeting à Ashdod, mardi soir,
M. Nétanyahou s’est trouvé forcé
d’évacuer le podium à la suite de
l’annonce de tirs de roquettes de
puis la bande de Gaza, distante
d’une vingtaine de kilomètres.
Sur le fond, le maintien d’une
présence militaire israélienne
dans la vallée du Jourdain, établie à
l’issue de la guerre des SixJours,
en 1967, fait cependant l’objet d’un
relatif consensus en Israël. Le parti
Bleu Blanc, qui fait jeu égal au cen
tre avec le Likoud dans les sonda
ges, a ainsi accusé « Bibi », mardi,
de « copier » son propre engage
ment à faire du Jourdain une part
d’Israël « pour toujours ».
L’armée considère cette région
comme une zone tampon défen
sive, d’où elle surveille les hau
teurs jordaniennes sur l’autre rive.
La vallée est placée dans son im
mense majorité dans la « zone C »
au sein des territoires palesti
niens, sur laquelle Israël exerce un
contrôle militaire total. Dès son re
tour au pouvoir, en 2009, M. Néta
nyahou avait d’ailleurs exprimé
son intention de maintenir ad vi
tam cet état de fait, ainsi que sur
une large part des territoires, esti
mant qu’une solution négociée à
deux Etats demeurerait inattei
gnable de son vivant.
Il s’est satisfait durant dix ans de
cette situation, sans chercher à en
modifier le statut juridique en
rompant le tabou de l’annexion.
Cela rend sa promesse difficile à
avaler pour ses alliés de la droite
messianique : ils peinent à saisir
par quel miracle une « occasion
historique » se présenterait à une
semaine d’un vote décisif pour la
survie de leur protecteur.
Le président de l’Autorité palesti
nienne, Mahmoud Abbas, a af
firmé mardi soir que « tous les ac
cords signés avec Israël et les obli
gations qui en découlent seraient
annulés » si M. Nétanyahou met
tait sa promesse à exécution – y
compris donc la coopération sécu
ritaire en Cisjordanie. La Jordanie a
averti que cette décision « entraî
nerait toute la région dans la vio
lence » et l’ONU, par la voix de son
porteparole Stéphane Dujarric, a
dénoncé une étape « dévastatrice »
pour la viabilité d’une solution à
deux Etats, et sans valeur juridique
au niveau international.
Des responsables américains
anonymes ont affirmé à l’agence
Associated Press que M. Nétanya
hou les avait informés à l’avance
de son allocution. Ils n’avaient pas
soulevé d’objection, estimant
quant à eux que ce geste ne pèse
rait pas négativement sur un éven
tuel accord de paix. Ce silence fait
suite à la démission, le 5 septem
bre, du principal architecte du
grand plan américain pour le Pro
cheOrient, Jason Greenblatt.
Ballon d’essai
En se retirant avant même la pu
blication de ce document,
M. Greenblatt avait ouvert un
vide sous les pieds de M. Nétanya
hou. Mais il peut considérer avoir
déjà accompli une large part de
son office : l’administration
Trump, soucieuse de plaire à son
électorat chrétien évangélique,
fervent défenseur d’Israël, a
rompu avec un quart de siècle de
diplomatie américaine, délais
sant son rôle de médiateur entre
Israël et l’Autorité palestinienne.
En mars, peu avant les dernières
élections, M. Trump avait offert à
« Bibi » la reconnaissance par les
EtatsUnis de la souveraineté is
raélienne sur le plateau du Golan,
pris à la Syrie durant la guerre de
1967 et annexé en 1981.
En mai 2018, Washington avait
inauguré son ambassade à Jérusa
lem, entérinant sa reconnais
sance unilatérale de la ville
comme capitale d’Israël. En juin,
l’ambassadeur David Friedman
avait lancé un ballon d’essai, en
affirmant que le pays avait « le
droit de conserver une partie, mais
probablement pas toute la Cisjor
danie », et ce « dans certaines cir
constances ». Le discours de
« Bibi », mardi, visait à devancer
Washington, alors que la liste des
présents que son allié peut encore
lui accorder pour prolonger sa
carrière se réduit.
louis imbert
La vallée du
Jourdain, zone
agricole fertile,
représente
près de 30 %
de la Cisjordanie
Tel-Aviv
JORDANIE
Mer
Morte
Mer
Morte
Fleuve
Jourdain
Fleuve
Jourdain
Mer
Méditerranée
Mer
Méditerranée
Jérusalem
Jéricho
GAZA
CISJORDANIE
ISRAËL
15 km
oJ
ur
da
in
Zone d'annexion proposée
ils veulent un marché », atil répété le 4 sep
tembre, refusant d’écarter la perspective
d’une rencontre avec son homologue ira
nien, lors de l’Assemblée générale des Na
tions unies, fin septembre.
Paradoxalement, John Bolton a été limogé
de la Maison Blanche au lendemain d’un
rare succès : l’annulation surprise, le 7 sep
tembre, d’un sommet gardé secret et prévu à
Camp David, qui aurait réuni autour de Do
nald Trump les autorités afghanes et des re
présentants des talibans pour ouvrir la voie à
un retrait des troupes américaines, un enga
gement de campagne du président. Selon la
presse américaine, le conseiller à la sécurité
nationale militait de son côté pour un dé
part unilatéral des EtatsUnis.
L’idée de ce sommet avait été activement
soutenue par le secrétaire d’Etat Mike Pom
peo, toujours soucieux de ménager la sus
ceptibilité de Donald Trump et son propre
avenir politique. A 70 ans, dépourvu de la
moindre ambition électorale, John Bolton
savait qu’il occupait sans doute le poste le
plus élevé de sa longue carrière et il n’était
manifestement pas prêt à transiger.
L’annulation du retrait avait été accueillie
avec satisfaction par les « faucons » républi
cains. L’annonce du départ a jeté le trouble
dans leurs rangs, notamment chez ceux
qu’inquiète la possibilité d’une rencontre
souhaitée par la France entre le président des
EtatsUnis et Hassan Rohani.
Mardi matin, Mark Dubowitz, le directeur
exécutif de la Foundation for Defense of De
mocracies, un cercle de réflexion qui a active
ment milité en faveur du retrait des Etats
Unis de l’accord sur le nucléaire iranien con
clu en 2015, a ainsi assuré que toute initiative
en la matière devrait respecter les conditions
énoncées en 2018 par le secrétaire d’Etat. A la
Maison Blanche, le même Mike Pompeo l’a
exclu explicitement un peu plus tard.
Dans son éditorial de mercredi, le Wall
Street Journal a d’ailleurs déploré le départ
d’un homme capable de préserver le prési
dent contre « ses instincts ». « Le monde est
devenu plus dangereux », a affirmé le quoti
dien des affaires.
Pour ajouter à la déception de cette aile ré
publicaine, l’annonce du départ de John
Bolton a été accueillie avec une satisfac
tion non dissimulée par ses ennemis jurés.
« Un jour comme celuici, le Comandante se
serait régalé de papaye douce », a assuré à
l’agence Associated Press un responsable
du régime de Nicolas Maduro, dans une
référence à son prédécesseur charismati
que, Hugo Chavez.
« La marginalisation de Bolton et son renvoi
ne sont pas un accident, mais un signe clair de
la défaite de la stratégie de pression maximale
de l’Amérique » contre l’Iran, a estimé de son
côté, sur son compte Twitter, Hesameddin
Ashena, un conseiller du président Hassan
Rohani. Aux côtés de Mike Pompeo, le secré
taire au Trésor a pourtant répété, mardi,
qu’il n’était pas question pour Washington
de lever cette pression.
gilles paris
John Bolton,
exconseiller
à la sécurité
nationale,
en mai 2018,
dans le bureau
ovale. EVAN VUCCI/AP
Les rivaux
de « Bibi » ont
dénoncé une
pure manœuvre
électorale
Orange 339
SFR 455
Free 326
Bouygues 337
Fransat. 325
na.france3.fr
La chaîne 100 % Nouvelle-Aquitaine
Fête son premier anni versaire
Emissio n spéciale
Mercredi 11 septembre à 20 : 00