Cerveau et Psycho N°113 – Septembre 2019

(Ron) #1

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Vous venez de réviser vos
examens pendant toute l’après-midi
et vous avez le cerveau en ébullition.
Plus d’énergie pour continuer. Que
faire? Heureusement, votre hippo-
campe veille! À peine avez-vous
refermé vos cours que cette petite
structure cérébrale, dont le rôle est
connu dans les processus de mémo-
risation, est déjà en train de répéter.
Dans une expérience inédite,
Nicolas Schuck et Yael Niv ont fait
passer à des volontaires un test : sur
un écran apparaissaient des images
composites, faites d’une superposi-
tion en transparence de photos de
visages et de maisons. Le travail des

participants était de juger l’âge des
visages et des maisons, en les clas-
sant simplement dans la catégorie
« vieux » ou « jeune ». Mais ils devaient
se concentrer, dans certains cas, sur
le visage, et dans d’autres, sur la mai-
son. Or, une règle de récurrence
déterminait sur quel aspect du stimu-
lus il fallait se focaliser : si, après avoir
dû juger un visage, le visage suivant
appartenait à la même catégorie
d’âge (jeune ou vieux), la personne
testée devait continuer à se concen-
trer sur les visages. En revanche, si
les deux derniers visages aperçus
étaient d’âges différents, il fallait alors
basculer vers un jugement sur

© Sebastian Kaulitzki /shutterstock.com

N.W. Schuck et Y. Niv, Science, à paraître

L’hippocampe,


travailleur


de l’ombre


NEUROSCIENCES

l’ancienneté des maisons. De même
sur la similarité ou la différence des
maisons aperçues successivement.
Ce type d’enchaînement de tâche
fait appel à ce qu’on appelle les fonc-
tions exécutives, c’est-à-dire une
réflexion sur les stratégies que l’on
emploie face à un problème et sur la
façon d’en changer au fil du temps.
Les fonctions exécutives sont forte-
ment mises à contribution dans les
tâches cognitives complexes, comme
lors des apprentissages scolaires ou
universitaires.

REPOSE-TOI, JE TRAVAILLE...
À l’issue de cet exercice, les par-
ticipants se sont reposés dans une
IRM, de sorte que les chercheurs
pouvaient observer ce que faisait leur
cerveau en phase d’inaction.
Surprise : sans même que les sujets
se donnent le moindre mal, la
séquence précise de tâches enchaî-
nées lors de la phase de test se répé-
tait dans leur hippocampe, puisque
les neurones s’activaient dans l’ordre
exact qui avait été utilisé au cours de
la tâche. Cette « répétition » permet-
trait de mieux ancrer les capacités de
jugement et les règles de bascule-
ment d’une stratégie à l’autre au
cours d’une tâche complexe.
Ce phénomène de répétition
silencieuse avait déjà été observé,
mais uniquement pour des tâches
d’orientation dans l’espace : par
exemple, chez des rats s’étant dépla-
cés de jour dans un labyrinthe, des
neurones spécialisés dans le sens de
l’orientation s’activent dans un ordre
qui correspond aux différents lieux
que les animaux visitent, puis,
lorsqu’ils s’endorment, les mêmes
neurones se réactivent dans le même
ordre. Mais dans cette nouvelle expé-
rience, ce principe de répétition silen-
cieuse concerne des actes cognitifs
abstraits et des manipulations de
règles mentales, dépassant le strict
cadre du repérage spatial. C’est peut-
être pour cela que faire des pauses,
est utile : l’hippocampe se met alors
au travail! £ S. B.
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