Cerveau et Psycho N°113 – Septembre 2019

(Ron) #1
Pont

Mésencéphale

Tronc cérébral
Moelle épinière Cervelet

Cerveau

Vermis

Diencéphale

raison de la forme de leur bouche, produisent de
faibles champs électromagnétiques avec leur
corps et sont également capables de détecter les
variations des champs dans leur environnement
grâce à des cellules spécialisées de leur peau.
Afin de trouver un butin, les poissons comparent
les forces des champs qu’ils envoient avec celles
qu’ils reçoivent, en tenant toujours compte de
leurs propres mouvements dans l’eau. S’ils
découvrent une anomalie, c’est la preuve de la
présence d’un obstacle ou d’une éventuelle proie.
L’ensemble de ce processus, un peu comme un
échosondeur, est très « informatisé ». Et c’est le cer-
velet très développé des poissons électriques qui
joue le rôle de machine à calculer : il analyse
diverses informations sensorielles et motrices pour
déterminer le moment idéal d’une action. On parle
d’intégration capteur-moteur et l’on pense que c’est
la fonction primaire du cervelet. Chez l’homme,
cependant, les connexions entre le cervelet et les
régions motrices du cerveau ne sont pas les seules
à être importantes. Il existe aussi d’épais faisceaux
de fibres entre le cervelet et par exemple le cortex
préfrontal ou le cortex pariétal. Diedrichsen pense
que « l’énorme capacité de calcul nécessaire à l’inté-
gration sensorimotrice a été utilisée pour d’autres
processus neuronaux au cours de l’évolution ».
En 2014, les biologistes britanniques Robert
Barton et Chris Venditti ont constaté que le cerve-
let des hommes et des singes s’est développé beau-
coup plus rapidement que le néocortex. Selon eux,
la taille relative du cervelet par rapport au cortex
cérébral serait un paramètre qui a été longtemps
négligé dans l’évolution du cerveau. Et ce lien
expliquerait peut-être certaines aptitudes typique-
ment humaines comme notre excellente motricité
fine ou même notre langage.

DES TROUBLES DU LANGAGE, DE LA
MÉMOIRE, DE LA FLEXIBILITÉ MENTALE...
Oliver Baumann, de l’université australienne
du Queensland, ajoute que « dans le développe-
ment de l’humanité, les parties du cervelet qui
n’ont rien à voir avec les mouvements se sont appa-
remment étendues ». Pour ce neuropsychologue,
on pourrait donc dire que « d’une façon générale,
le cervelet est responsable d’une “mise au point”
rapide, non seulement des mouvements mais aussi
des pensées ». De nombreuses personnes atteintes
de lésions cérébelleuses conservent la capacité de
se déplacer, certes avec difficulté et moins de pré-
cision ; mais il est maintenant prouvé qu’elles
souffrent de déficits cognitifs.
En 2017, des chercheurs de l’université Johns-
Hopkins, à Baltimore, aux États-Unis, ont examiné
72 sujets atteints de diverses lésions cérébelleuses

et les ont comparés à des individus en bonne santé.
Selon l’emplacement de la lésion, les patients ont
obtenu de moins bons résultats dans des tests intel-
lectuels : parfois leur créativité linguistique ou leur
mémoire verbale était altérée, parfois c’était leur
mémoire de travail (à court terme) ou leur flexibi-
lité cognitive, par exemple lorsqu’ils changeaient
rapidement de tâches. Il leur est aussi souvent plus
difficile de reproduire des listes de mots apprises
par cœur, comme l’a découvert l’équipe de la
mathématicienne indienne Kalyani Kansal et du
neuropsychiatre nigérian Chiadi Onyike.

LE SYNDROME COGNITIVO-AFFECTIF
Mais Jörn Diedrichsen précise que « pour les
personnes concernées, ces déficiences ne sont
généralement pas ce qui les dérange le plus ; elles
ont plutôt tendance à se plaindre de troubles
moteurs ». Voilà pourquoi le rôle du cervelet dans
les processus cognitifs n’a pas été découvert
auparavant. Ce n’est qu’en 1998 que le neuro-
logue Jeremy Schmahmann, de l’école de méde-
cine de Harvard, a introduit le concept de syn-
drome cognitivo -affectif cérébelleux. Il a
constaté que de nombreux patients ayant subi un
accident vasculaire cérébral au niveau du cerve-
let ont des problèmes de planification mentale,
d’élocution et de mémoire. De plus, leur person-
nalité change souvent.
Oliver Baumann explique que « les personnes
atteintes de lésions cérébelleuses présentent

Le cervelet est situé
en dessous du lobe
occipital du cerveau,
et en arrière du tronc
cérébral. Il est connecté
aux régions du cerveau
par le pont, mais aussi
à la moelle épinière. Sa
surface externe est très
régulière et uniforme,
contrairement à l’aspect
du cortex cérébral.
Ses deux moitiés
symétriques, appelées
hémisphères, sont
reliées en son centre par
le vermis, qui a la forme
d’une chenille.

© Marie Marty

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