fait date. Tout d’abord, ils ont élevé des chatons
dès leur naissance dans l’obscurité totale. Plus
tard, ils ont placé chaque jour deux de ces cha-
tons durant quelques heures dans un petit
manège, chacun attelé à un harnais afin de tour-
ner à l’intérieur de cette enceinte circulaire. L’un
des deux chatons pouvait mettre le carrousel en
mouvement, l’autre était simplement assis dans
une nacelle mise en mouvement par le premier.
(voir la figure ci-dessus). Le manège était éclairé
et les deux chats pouvaient observer des bandes
noires et blanches peintes sur les murs.
Après quelques semaines, les deux cher-
cheurs ont observé que le chat ayant marché en
tournant tout en observant les motifs sur les
murs avait développé une capacité à apprécier la
profondeur des scènes visuelles. En revanche,
celui qui avait vu la scène sans l’explorer
activement ne pouvait apprécier la profondeur
visuelle. Et pourtant, les deux avaient reçu opti-
quement exactement les mêmes stimuli!
Apparemment, il lui manquait tout simplement
le lien entre l’activité motrice et l’expérience
visuelle. Il n’avait pas eu l’expérience de la façon
dont les perceptions changent en raison de leurs
propres mouvements corporels.
BOUGER, C’EST VOIR
Chaque reconnaissance est en fin de compte
inséparablement liée aux actions du corps en
mouvement. « La vue d’outils ou d’ustensiles, par
exemple, est liée dès le départ aux impulsions du
cortex prémoteur », explique le psychiatre
Thomas Fuchs. « Quand je vois une pince, cela
évoque automatiquement des mouvements poten-
© Yousun Koh, d’après R. Held et A. Hein tiels que je peux réaliser avec l’outil. » La
: Movement-produced stimulation in the development of visually guided behavior,
Journal of comparative and physiological psychology
, vol. 56, pp. 872-876, 1963, fig. 1.
QUAND NOS MOUVEMENTS FAÇONNENT NOTRE VISION
A
u début des années 1960, des chercheurs américains ont mené
une expérience avec des chats qui avaient été élevés depuis leur
naissance dans l’obscurité. Ils les ont placés dans un manège, où ils
étaient pour la première fois exposés à la lumière et où ils devaient
tourner autour d’un pivot central tout en observant les rayures sur
les murs. Un des chats se déplaçait activement en faisant tourner
le balancier central, alors que l’autre était placé dans une nacelle.
Seul celui qui a produit le mouvement activement a récupéré la
faculté de percevoir la profondeur des scènes visuelles, se montrant
par exemple capable d’éviter un trou dans un test ultérieur.