BAMBI M’A TRAUMATISÉ!
À la sortie du film, la scène a suscité la polé-
mique, les chasseurs n’acceptant pas d’endosser le
rôle du méchant, et pour beaucoup, l’expérience a
été douloureuse. Plus de 75 ans après – Bambi date
de 1942 –, les choses n’ont pas beaucoup changé ;
il suffit de penser au petit poisson-clown Nemo,
dont les aventures commencent tragiquement
avec la mort de sa maman, ou aux parents de Po
dans Kung Fu Panda, ou encore aux multiples
orphelines qui peuplent les séries japonaises.
DES DESSINS ANIMÉS D’HORREUR
OÙ LA MAMAN MEURT DÈS LE DÉBUT
Les dessins animés tuent, et « Cartoons kill »
est justement le titre d’un article publié en 2014
dans le British Medical Journal par l’épidémio-
logiste canadien Ian Colman. Il s’agit d’un article
qui semble léger, paru dans le numéro de Noël
de la revue, « mais la méthodologie adoptée pour
effectuer la recherche est rigoureuse », précise
son auteur, spécialiste de la santé mentale. Avec
James Kirkbride, de l’University College de
Londres, et leurs collègues, ils ont examiné
45 dessins animés longs-métrages à grand
succès, sortis entre 1937 et aujourd’hui, et les
ont comparés à autant de films culte pour
adultes, afin de déterminer quel genre recense
le plus de morts violentes.
Les chercheurs ont constaté que les person-
nages des dessins animés meurent 2,5 fois plus
souvent que ceux des films pour adultes, et ont
trois fois plus de risques d’être tués, souvent de
façon imaginative et cocasse. En général, le sort
le plus tragique est réservé aux parents des
héros, et surtout aux mères, qui dans les dessins
animés ont une probabilité cinq fois plus grande
de sortir de scène dramatiquement, souvent au
début de l’histoire.
« J’ai eu l’idée de mener cette étude, explique
Colman, alors que je regardais avec mes deux
enfants un dessin animé sur les dinosaures,
nommé Le Petit Dinosaure et la vallée des mer-
veilles. Ils ont été choqués par le fait que la
maman dinosaure soit tuée dès les premières
minutes du film. En parlant avec quelques collè-
gues, je me suis alors rendu compte que ce type
de réaction était assez fréquente, et j’ai pensé que
je tenais là une piste intéressante : il ne s’agit pas
de protéger les enfants de tout ce qui est doulou-
reux ou hostile dans le monde, mais de com-
prendre si cela a un sens de leur causer ainsi de
la peur ou de la peine. » D’autant plus si le malaise
provoqué par ces images persiste à l’âge adulte,
comme il semblerait que ce soit parfois le cas.
« La plainte de Bambi abandonné résonne
parfois avec le côté orphelin que nous avons tous
Se confronter aux situations
déchirantes dans les dessins
animés aide parfois l’enfant
à affronter les événements
difficiles.
(^78) VIE QUOTIDIENNE Psychologie