Causette N°103 – Septembre 2019

(National Geographic (Little) Kids) #1
# 103 19

de méthane par les vaches laitières.
L’idée, c’est de modifier la ration de la vache,
d’y ajouter des huiles, des oléagineux, de
diversifier les fourrages, etc. Mais, dans
les conditions de production intensives
actuelles, si vous déséquilibrez un peu leur
alimentation, cela entraîne vite des patho-
logies. Cela peut réduire la production de
méthane, certes, mais au risque que cela se
fasse au détriment de leur santé. »
De nombreuses solutions basées
sur des additifs ali-
mentaires, à partir
d’ail, d’agrume,
d’huiles essen-
tielles, de graines
de coriandre, de
girofle..., appa-
raissent ici et là.
Mais leur efficacité
n’est pas toujours démontrée. L’Inra,
qui cherche depuis des années les
moyens de réduire la méthanogenèse, a
trouvé une solution. Des scientifiques
ont montré qu’en ajoutant des lipides
dans les rations des vaches, des graines
de lin notamment, la production de
méthane pouvait chuter jusqu’à 20 %
sans altérer leur bien-être. Une solution
intéressante, mais coûteuse. « C’est plus
cher que les céréales et les agriculteurs n’ont
aucune incitation financière pour limiter
la production de méthane », reconnaît
Jean-Louis Peyraud.


De l’énergie à la génétique
Certains éleveurs se lancent, eux, dans
la méthanisation, un procédé qui récu-
père le méthane pour le transformer
en biocarburant. Francis Claudepierre,
éleveur laitier bio en Lorraine et pré-
sident de l’Association des agriculteurs
méthaniseurs de France, le fait depuis
dix-sept ans. Le gaz qu’il récupère ne
provient pas des rots des vaches, mais
de leurs bouses. « Nous les raclons trois
fois par jour pour les mettre dans une fosse
thermique, explique l’éleveur. Leur fer-
mentation produit du biogaz, un carburant
qui sert ensuite à un groupe électrogène qui


produit de l’électricité et de la chaleur. »
Résultat, le lisier de leurs 240 vaches
fournit annuellement mille foyers en
électricité et chauffe douze maisons,
une école et une fromagerie ! En France,
ils seraient environ 550 à utiliser ce
procédé, d’après l’éleveur.
L’une des pistes les plus promet-
teuses, encore à l’étape de recherche,
est la génétique. Au Canada, deux uni-
versités mènent actuellement une vaste
étude financée par
Génome Canada,
agence de finance-
ment de projets de
recherche en géno-
mique. Avec l’aide
de laboratoires
internationaux, les
chercheurs tentent
d’identifier les gènes des vaches qui pro-
duisent le moins de gaz à effet de serre.
À terme, cette base de données devrait
permettre aux éleveurs du monde entier
de sélectionner des taureaux sur leur
valeur génétique. « Cette piste est une voie
de progrès très intéressante, car gratuite
pour les éleveurs », synthétise Jean-
Louis Peyraud.
Un enthousiasme pas vraiment par-
tagé par Élodie Guégan : « En France, les
troupeaux sont déjà issus d’une sélection
génomique. En sélectionnant des animaux
au sein de cette population, vous augmen-
tez le taux de consanguinité et, in fine,
l’apparition de tares, de maladies et de
malformations. »
Mais Jean-Louis Peyraud estime que
l’on peut facilement gérer la biodiver-
sité de la population : « Le mystère est
de savoir si l’aptitude de certains bovins à
produire moins de méthane vient de leurs
gènes, de leurs microbiotes ou des deux ! »
C’est ce microbiote, ensemble de bac-
téries, virus, parasites et champignons
non pathogènes, qui intéresse beau-
coup l’Inra. Les scientifiques espèrent
pouvoir un jour le moduler, afin de
« verdir » les vaches. « Un vieux rêve
de chercheur ! » conclut le directeur. U

“La piste alimentaire
est celle qui a été la
plus fouillée ces trente
dernières années”
Élodie Guégan, docteure en médecine
vétérinaire

Quitte à être à contre-cou-
rant en matière d’écologie,
l’administration Trump y va
franco. Alors qu’un million
d’espèces sur terre risquent
d’être décimées selon l’IPBES,
organisation onusienne, le
gouvernement américain a
supprimé, mi-août, une clause
dans la loi sur les espèces en
danger, qui permettait aux ani-
maux « menacés » d’avoir la
même protection que ceux
« en danger d’extinction ».
Exit, aussi, une phrase inter-
disant de faire primer les inté-
rêts économiques sur l’état
de la faune. Pas très patriote,
quand on sait que ce texte,
datant de 1973, a permis de
sauver l’aigle à tête blanche,
emblème des États-Unis. U A. V.

Alarme

Se battre pour la planète est
de plus en plus dangereux.
Chaque semaine, quatre
personnes meurent dans le
monde « pour défendre l’en-
vironnement et leurs terres »,
rapporte la revue Nature
Sustainability. C’est deux
fois plus qu’au début des
années 2000. « Ces morts,
note l’étude, sont principale-
ment dues à des conflits liés
aux ressources naturelles »,
comme le fait de s’opposer à
la déforestation, à l’extraction
d’eau ou de minerais. Une fois
de plus, ce sont les pays du
Sud qui trinquent, Amérique
latine et Asie en première
ligne. Depuis quinze ans,
1 500 militant·es ont péri de
la sorte. U A. V.

Au

rapport
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