Causette N°103 – Septembre 2019

(National Geographic (Little) Kids) #1

© CAPTURE D’ÉCRAN FACEBOOK – Y. LEVY/HANS LUCAS


“Il vaudrait mieux
attribuer l’argent pour
le Grenelle à des projets
concrets, comme la
création de centres
d’accueil des victimes”
Sophie Auconie, députée UDI d’Indre-et-Loire

Féminicides par
compagnons ou ex
Une membre du collectif

« Nous avons été un peu choquées par le fait
que la date du Grenelle ait été fixée selon un
plan de communication pour coïncider avec le
numéro d’urgence 3919 [3/9/19 : 3919. Marlène
Schiappa a indiqué avoir choisi exprès cette date,
ndlr]. Pendant qu’on attend le 3 septembre, des
hommes continuent de tuer leur conjointe.
La réaction du gouvernement est liée à notre
travail de recension : depuis trois ans, nous don-
nons un nom et un visage à ces femmes au jour le
jour grâce à nos comptes sur les réseaux sociaux,
@feminicidesfr sur Twitter et @feminicide sur
Facebook. Nous sommes deux, cela nous prend
beaucoup de temps, mais c’est beaucoup plus
efficace pour alerter l’opinion et les médias que
le laconique chiffre présenté une fois par an par
le ministère de l’Intérieur.
Nous souhaitons que ce Grenelle soit l’occasion
d’accéder aux revendications des familles de vic-
times : que le crime de féminicide soit reconnu
par le Code pénal et que des instructions soient
lancées dès qu’une femme ou un proche porte
plainte. Il faut éloigner les hommes violents avant
le jugement, ce n’est pas aux femmes à être pla-
cées en foyers. À ce titre, la Maison des hommes
violents que le juge Frémiot avait montée à Arras
[dans le Pas-de-Calais] semble être une bonne
solution : ce sont ces derniers qu’il faut suivre
judiciairement et rééduquer, pas leurs victimes. » U

“Nous souhaitons que
ce Grenelle soit l’occasion
d’accéder aux revendications
des familles de victimes : que
le crime de féminicide soit
reconnu par le Code pénal”
Membre du collectif Féminicides par compagnons ou ex

Valérie Rey-Robert
Blogueuse féministe
sous le nom de Crêpe Georgette

« Si ce Grenelle n’aboutit qu’à une énième campagne
publicitaire pour dire que violenter sa conjointe, ce
n’est pas bien, il n’aura servi à rien. Cette journée
ne sera utile que si de l’argent est mis sur la table.
J’ai peu d’espoir vu le criant manque de moyens
du secrétariat d’État de Marlène Schiappa.
Il faut financer des études pour voir ce qui peut
marcher auprès des hommes violents, mais aussi
les prendre en charge sans plus tarder dans des
maisons spécialisées où, regroupés, ils pourront
prendre conscience de leurs actes.
Des études américaines tendent à montrer que
le tout carcéral n’empêche pas la récidive des vio-
lences conjugales. On doit se poser la question des
résultats et, en ce sens, se demander si la justice
doit être forcément répressive. Je comprends que
pour certaines féministes, c’est inaudible quand elles
voient trop d’hommes s’en sortir avec quelques mois
de sursis. Pour moi, il faut combiner ordonnances de
protection pour protéger les victimes et thérapies.
Obtenir un vrai budget permet aussi de financer
la prévention. L’école doit jouer son rôle en édu-
quant aux stéréotypes de genre. Une façon de
déconstruire le patriarcat, raison structurelle de
ces violences. » U
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