pas justes. Le problème est que l’animatique définit la
caractérisation. J’ai toujours trouvé pour cette raison
que les personnages “jouaient” mal dans les films d’ani-
mation français. Les rythmes ne sont pas des rythmes
de jeu. Un personnage est crédible pour ses hésitations,
sa façon de se tenir, ses gestes... J’ai donc imposé de
faire jouer les acteurs avant, en condition, avec leurs
costumes et se déplaçant dans un espace aménagé. Leur
per for mance, filmée et en registrée, a ser vi de référence
pour l’animatique. » À l’arrivée, le sensible Mohsen, sa
femme Zunaira, le vieux gardien de prison, Atiq, et son
épouse malade, Mussarat, évoquent de façon troublante
leurs interprètes respectifs, Swann Arlaud, Zita Hanrot,
Simon Abkarian et Hiam Abbass.
04
En trouvant
des astuces
En s’attaquant aux Hirondelles de Kaboul, Z a b o u B r e i t m a n
a fait fi de plusieurs principes établis. Son choix le plus
spectaculaire a consisté à changer le nombre d’images
par seconde : 18 au lieu de 24. « Le défilement habituel
aurait rendu les choses trop réalistes, trop rudes alors
que j’étais dans une recherche d’abstraction et d’évoca-
tion. » On lui a par ailleurs affirmé qu’en animation, il
n’y avait pas de rushes, que des plans utiles. « Ce n’est
pas tout à fait vrai. Il y a les décors! Au moment du
montage, j’ai demandé à Eléa de tous nous les envoyer.
J’ai ainsi pu ajouter une scène qui n’existait pas dans
le scénario, celle du prêche qu’on entend au loin où
je montre les rues vides... » Enfin, la réalisatrice a
transposé à l’animation sa conception live de la tempo-
ralité. « Il faut savoir qu’en animation, quand on monte
« MON CHOIX S’EST PORTÉ
SUR ELÉA [GOBBÉ-MÉVELLEC]
QUI, BIEN QUE NOVICE EN
MATIÈRE DE RÉALISATION,
MAÎTRISAIT PARTICULIÈREMENT
BIEN L’AQUARELLE. » ZABOU BREITMAN
LES HIRONDELLES DE KABOUL
De Zabou Breitman & Eléa Gobbé-Mévellec • Durée 1 h20
- Sortie 4 septembre • Critique page 102
les images, elles arrivent sans le son, ce qui rend les
plans très longs. C’est une fausse impression : le son,
qu’on rajoute ensuite, raccourcit le temps. Il faut donc
anticiper. J’ai par conséquent beaucoup étendu la durée
des plans, zoomé parfois lentement sur les person-
nages en les laissant plus longtemps à l’écran comme je
l’aurais fait dans un film live. »
05
En se prenant
au jeu
Zabou Breitman a pris goût à l’exercice. « Confronter
mes obsessions et les images mentales que j’ai des plans
à celles de quelqu’un d’autre a été quelque chose d’en-
richissant. Le fait d’avoir du temps m’a permis aussi
de mieux approcher les personnages et la dramaturgie.
J’ai trouvé que ça se rapprochait du théâtre avec de
longues périodes de réflexion ponctuées d’intenses
séances de travail. » De là à envisager un nouveau film
d’animation, il n’y a qu’un pas. « J’ai plutôt envie d’en-
chaîner avec une série animée dans un esprit cartoon et
très trash! (Rires.) Je suis une grande fan des Griffin...
Maintenant que j’ai appris les bases, je sais que je serai
capable de produire plus et plus vite. Si je m’y remets,
ce sera sensiblement avec la même méthode et toujours
avec de grands acteurs. » u
Le film est produit par Les Armateurs, société appartenant à
Réginald de Guillebon, directeur de publication de Première.