Lina Soualem,
Mouna Soualem
et Hafsia Herzi
débuts d’actr ice devant ma caméra. » Une inversion des
rôles pour son premier long métrage en tant que réali-
satrice, Tu mérites un amour.
Un rêve d’enfant réalisé
2019 marque l’aboutissement d’un autre de ses rêves,
dans un Festival de Cannes riche en émotions fortes,
entre la présentation à la Semaine de la critique de Tu
mérites un amour et la montée des ma rches de Mektoub,
my love : Intermezzo. Commençons par le cas Kechiche
et la réception houleuse de son film sur la Croisette.
Hafsia Herzi défend avec conviction son metteur en
scène. « Avec lui, tout est toujours simple. Je n’ai jamais
l’impression de travailler ou de jouer. » Et elle s’oppose
sans hausser la voix à ses détracteurs. « Tout ce qu’il y
a eu autour du film m’a peinée. Pour moi, Abdel est un
exemple. Quelqu’un de sensible qui aime ses acteurs et
les met en valeur : je ne me suis jamais autant aimée que
dans ses films. Qu’on soit prêt à le brûler en place pu-
blique pour un simple film me paraît fou! » Il y a chez
elle une fidélité tout sauf forcée à celui dont le soutien a
été aussi essentiel dans son parcours de réalisatrice que
d’actrice. « C’est en observant Abdel sur La Graine et le
Mulet que j’ai voulu faire com me lui. Je lui ai montré les
premières choses que j’avais écrites. Il m’a encouragée
et donné des directions de travail. » Comme une figure
paternelle essentielle à cet aboutissement que constitue
Tu mérites un amour, dont la fabrication traduit à mer-
veille son envie irrépressible de passer derrière la caméra.
Cette belle histoire débute il y a neuf ans avec la réali-
sation d’un premier court, La Rodba, et, dans la foulée
l’écriture d’un premier scénario de long métrage, Bonne
Mère, inspiré par la vie de sa maman et... coproduit par
Kechiche. « Mais le financement m’apparaissait inter-
minable. Plus les jours passaient, plus j’étais habitée par
un besoin impérieux de filmer. » Alors un beau matin,
elle décide de passer à l’acte. « J’ai repris un autre scé-
nario que j’avais écrit dans l’idée de l’autoproduire et
de me confronter au fait de réaliser un film sans rien ou
presque. » Elle emba rque la petite équipe de techniciens
prévue pour Bonne Mère. Décide pour des raisons pra-
tiques de tenir le rôle de cette jeune femme tentant tant
bien que mal de se remettre d’une rupture. Et fait preuve
d’une efficacité redoutable. « Le 14 juillet, on a plani-
fié un tournage de trois fois cinq jours. Et, dès le 18,
on commençait ! » Un tournage dont l’enthousiasme la
nourrit pour la suite de l’aventure, bien plus chaotique :
la post-production aux coûts incompressibles. Mais
là encore, sa bonne étoile continue à l’accompagner.
Yamina Benguigui, Rachid Djaïdani (Rengaine) puis
la monteuse de Sylvie Verheyde lui dégottent des plans
pour aller au bout de son projet. « Je voulais finir le
film par respect pour ceux qui m’avaient accompagnée.
Comme j’étais partie sans distributeur, on m’a souvent
demandé si je n’avais pas peur de faire tout ça en vain.
Mais je n’avais rien à perdre. Se lancer dans ce type de
projet exige un état d’esprit positif et ça, je l’ai en moi. »
Un optimisme qui appelle la chance puisque Jean-Michel
Rey, le distributeur prévu pour Bonne Mère, accepte de
le sortir en salles, avant que Vincent Maraval ne décide
de s’occuper des ventes internationales.
Sur un sujet ténu, Hafsia Herzi a déployé un film au
charme fou. Tu mérites un amour ressemble à son jeu,
basé sur l’instinct. Évidemment, Hafsia continuera sa
carrière d’actrice. Mais la priorité a changé de camp.
Désormais, son énergie est consacrée à cette Bonne
Mère qu’elle tournera à Marseille avec un casting com-
posé de non-professionnels déjà choisis. « Je veux
redonner à ces jeunes qui vont débuter à l’écran un peu
de la chance qu’on m’a donnée. » Qu’ils en profitent.
Elle semble porter loin. u
TU MÉRITES UN AMOUR
De Hafsia Herzi • Avec Hafsia Herzi, Djanis Bouzyani, Anthony
Bajon... • Durée 1 h42 • Sortie 11 septembre • Critique page 104
« MON RAPPORT AU JEU
N’EST PAS TECHNIQUE.
IL PASSE PAR L’ABANDON
DE SOI. »