Echos - 2019-08-28

(lily) #1

24 // FINANCE & MARCHES Mercredi 28 août 2019 Les Echos


français, selon les analystes de
Goldman Sachs. Sous pression
pour sauver leurs marges, c ertaines
banques allemandes ont déjà brisé
un premier tabou et commencé à
taxer les dépôts de clients ciblés, à
savoir des entreprises ainsi que des
particuliers aisés (à partir de
100.000 euros de dépôts). Mais faire
passer davantage de particuliers à
la caisse restait jusqu’ici considéré
comme impensable dans un mar-
ché bancaire allemand ultra-com-
pétitif.

Une « pseudo-solution »
Avec la perspective d’un maintien
prolongé des taux bas de la BCE,
voire d’une nouvelle baisse lors de
la réunion du Conseil des gouver-
neurs de septembre, les banques
pourraient décider de taxer les
dépôts d’autres clients, comme le
suggère déjà la Fédération alle-
mande des Volks et Raiffeisenban-
ken (banques coopératives des vil-
les et des campagnes, BVR).
En cherchant à rassurer les
petits épargnants, Olaf Scholz est
resté très prudent : « Cet examen
[sur une interdiction, NDLR] est
compliqué et va prendre du temps »,
a prévenu le ministre. La mesure a
été aussitôt critiquée par les ban-
ques : « Des interdictions légales
sont étrangères à notre système,
n’aident pas les clients et peuvent
provoquer au final une instabilité
dangereuse sur les marchés finan-
ciers », a réagi l’association qui
représente les banques privées
comme les caisses d’épargne du
pays (Deutsche Kreditwirtschaft).
L’association des consomma-
teurs allemands (VZBV) y voit
quant à elle une « pseudo-solu-
tion », invitant plutôt à se pencher
sur les frais bancaires, que beau-
coup de banques allemandes ont
relevés ces dernières années pour
compenser les taux négatifs de la
BCE. « Il est légitime que les banques
exigent des frais pour la tenue de
leurs comptes. Mais il est important
que la concurrence sur les prix des
comptes courants fonctionne », sou-
ligne Klaus Müller, à la tête de la
VZBV, appelant à la création d’une
plate-forme indépendante qui per-
mettrait aux consommateurs de
comparer les prix.n

Pauline Houédé
@Pauline_H
— Correspondante à Francfort


L’inquiétude monte chez les petits
épargnants outre-Rhin, face à
l’hypothèse d’une nouvelle baisse
des taux par la Banque centrale
européenne (BCE). Le ministre des
Finances, le social-démocrate Olaf
Scholz, s’est emparé de la question
fin août, annonçant qu’il pourrait
interdire aux banques d’imposer
des taux n égatifs s ur les dépôts infé-
rieurs à 100.000 euros. La veille, le
dirigeant conservateur du Land de
Bavière, Markus Söder, avait plaidé
pour une telle mesure dans les
pages du tabloïd « Bild ».
En cause : les taux rémunérant
les dépôts auprès d e la BCE, négatifs
depuis 2014, et actuellement à
–0,40 %. En c lair, les b anques paient
depuis cinq ans une pénalité lors-
qu’elles déposent leurs liquidités
excédentaires au guichet de la BCE.
Cette dernière veut ainsi les inciter à
prêter ces fonds aux ménages et
entreprises et ainsi doper l’activité
en zone euro.
Ces taux négatifs ont coûté 7 mil-
liards d’euros aux banques en 2018,
une facture réglée à près de 60 %
par les établissements allemands et


BANQUE


Thibaut Madelin
@ThibautMadelin
avec Etienne Goetz
@etiennegoetz

Interdire aux banques de taxer
les petits épargnants? Si le
débat monte en Allemagne, où
le ministre des Finances Olaf
Scholz étudie la question, il est
relativement absent en France.
Les termes du débat ne sont pas
les mêmes des deux côtés du
Rhin. En Allemagne, ou
dans certains pays scandinaves
qui mènent les mêmes
réflexions, l’épargne est parfois
érigée au rang de vertu cardi-
nale. Ce n’est pas le cas en
France, où le taux d’épargne est
pourtant élevé.
Les banques sont néan-
moins confrontées au même
enjeu : les taux de dépôt néga-
tifs de la Banque centrale euro-
péenne (BCE), qui agissent
comme une taxe. Jusqu’à pré-
sent, les banques françaises
ont répercuté cette charge à
leur clientèle d’entreprises,
mais pas aux particuliers. « Le
risque d’imposer des taux néga-
tifs sur les clients particuliers,
c’est que ceux-ci enlèvent leurs
dépôts, explique Lorraine Quoi-
rez, analyste bancaire chez
UBS. En tant que banque, c'est
un risque que vous n'êtes pas
toujours prêt à prendre. »

Marché concurrentiel
De f ait, pour exercer leur métier
de prêteur, les banques ont
besoin de dépôts. Or le ratio
rapportant les encours de cré-
dit aux d épôts n’est p as le même
des deux côtés du Rhin. Selon la
BCE, il est autour de 90 % pour
les banques allemandes et de
110 % pour les banques françai-
ses. Autrement dit, les premiè-
res peuvent financer elles-mê-

Si l’Allemagne se pose
la question d’interdire
aux banques, pénalisées
par les taux négatifs, de
« taxer » les dépôts des
épargnants, ce n’est pas
le cas en France.
Le gouvernement n’en
reste pas moins préoc-
cupé par la rentabilité
des banques françaises.

Berlin pourrait interdire les taux


négatifs pour les petits épargnants


l Les banques allemandes, pénalisées


par les taux négatifs de la BCE, envisa-


gent de taxer les dépôts de leurs clients.


lBerlin brandit la menace d’une


interdiction.


Pourquoi le débat est


différent en France


Le ministre des Finances, Olaf Scholz, en cherchant à rassurer les petits
épargnants, est resté très prudent : « Cet examen [sur une interdiction,
NDLR] est compliqué et va prendre du temps. » Photo Zuma

en bref


L’assurtech Alan se lance
à l’international

ASSURANCE La start-up Alan, qui veut moderniser l’assuran-
ce-santé, souhaite se lancer en Espagne et en Belgique en 2020.
« Nous souhaitons nous forcer très tôt à avoir un développement
international pour penser la structure de l’entreprise différem-
ment », a déclaré mardi son co-fondateur Jean-Charles Samue-
lian. L’assurtech, qui a levé 40 millions d’euros en février, veut
également élargir sa clientèle en s’adressant aux fonctionnai-
res, retraités, particuliers ou hôteliers et restaurateurs. Cou-
vrant aujourd’hui 2.8 50 entreprises et 37 .000 membres, elle
vise 100.000 assurés dans les 12 prochains mois.

Allemagne : perquisitions chez
Clearstream dans l’affaire « Cum ex »

BANQUE La filiale bancaire de Clearstream, au sein de l’opéra-
teur b oursier D eutsche Börse, a été perquisitionnée mardi dans
le cadre d e l’enquête du parquet de Cologne sur l’affaire de vaste
fraude fiscale dite « Cum ex ». Plusieurs banques soupçonnées
d’être liées à cette affaire ont déjà été perquisitionnées, notam-
ment Deutsche Bank. Cette fraude consistait à toucher indû-
ment plusieurs fois un crédit d’impôt pour un seul titre finan-
cier. Elle aurait coûté 7,2 milliards d’euros au fisc allemand.

Le gérant de fortune Degroof Petercam


en pleines secousses


Anne Drif
@AnnDrif


Secousses dans la banque privée
belge. Vendredi, Degroof Petercam,
le premier groupe privé indépen-
dant de Belgique avec 63 milliards
d’euros d’actifs a débarqué son diri-
geant Philippe Masset, le pilote de
sa fusion en 2014, sur fond de
rumeurs de vente. « Il n’y avait plus


de confiance mutuelle suffisante
entre les parties pour poursuivre
notre coopération », a justifié le
groupe belge dans un communi-
qué, annonçant dans la foulée l’arri-
vée de Bruno Colmant, membre de
son conseil d’administration.
Philippe Masset paie, dit-on,
l’audit sévère mené par la Banque
nationale de Belgique en matière de
procédures antiblanchiment, alors
que les scandales éclaboussent le
nord de l’Europe. Sa gestion du dos-
sier aurait irrité les actionnaires, qui
lui auraient préféré un profil moins
frontal et plus consensuel avec les
autorités. « Bruno Colmant est très
introduit dans le monde des affaires
comme au sein des institutions publi-
ques. Il entretient de bons rapports
avec les institutions, un facteur
important actuellement », indique-
t-on au sein du groupe Degroof.
Cette décision intervient alors
que les rumeurs d’une vente du

groupe belge restent insistantes.
Marc Raisière, le patron de Belfius
(ex-Dexia), dont l’introduction en
Bourse a été maintes fois reportée,
ne fait pas mystère de son intérêt
pour Degroof. Depuis des mois,
avec Pictet et ABN A mro, acquéreur
en juillet de la banque privée en Bel-
gique de Société Générale, son nom
est cité comme candidat au rachat
potentiel de Degroof.

Des rumeurs qui agacent
Des rumeurs q ui a gacent fortement
en interne. « Comment cela peut-il
être crédible compte tenu du morcel-
lement du capital et des différents
intérêts des actionnaires? Et c e, a lors
même que le groupe est en pleine
refonte après l’audit de la Banque
nationale? » interroge ainsi une
source. La famille fondatrice de
Degroof (Philipsson), s’est en effet
associée au fil des ans avec les
Haegelsteen, les Shockert et les

Siaens, ainsi que l’armateur
Cigrang et fait entrer le holding
d’investissement Cobepa en 2010.
Lors de la fusion avec Petercam
quatre ans plus tard, les Peter-
broeck et Van Campenhout sont
aussi entrés au capital. Ensemble,
ces actionnaires détiennent de
concert 72,3 % du capital aux côtés
de partenaires financiers et du
management.
Les allusions de Belfius en parti-
culier, une banque soutenue par
l’Etat belge, irritent le gérant de
grandes fortunes privées. Ce qui
serait plus certain, en revanche,
indique-t-on en interne, est la
réflexion du holding Cobepa,
actionnaire depuis neuf ans,
autour d’une cession de ses 15,6 %
du capital. « Mais tout est à l’arrêt
compte tenu de l’audit », croit-on
savoir. Interrogée, Degroof Peter-
cam se refuse, en tout cas, à tout
commentaire.n

BANQUE PRIVÉE


Philippe Masset, le
dirigeant du groupe
belge au 63 milliards
d’euros d’actifs, a été
limogé vendredi sur
fond de manquements
aux procédures anti-
blanchiment et de
rumeurs de cession.


« Des interdictions
légales sont
étrangères à notre
système, n’aident
pas les clients
et peuvent
provoquer au final
une instabilité
dangereuse
sur les marchés
financiers. »
DEUTSCHE
KREDITWIRTSCHAFT
Association qui représente
les banques privées
comme les caisses d’épargne

mes les prêts accordés. Les
secondes doivent trouver des
financements extérieurs,
notamment sur les mar-
chés. Dans un marché ultra-
concurrentiel, elles ont intérêt à
éviter une fuite d’épargne.
Selon la Banque de France,
les dépôts à vue des ménages
s'élevaient à 576,2 milliards
d'euros au premier trimestre.
« Quand les taux étaient à 2 %,
voire 3 %, les banques françaises
ne rémunéraient pas les dépôts.
C’est donc moralement compli-
qué pour elles de les facturer à
leurs clients aujourd’hui », indi-
que un consultant. Pour com-
penser les baisses de marges,
les établissements augmentent
les volumes de prêts et multi-
plient les services payants,
comme l’assurance.

S’il observe de loin le débat
allemand, le gouvernement ne
voit pas de nécessité d’interve-
nir, laissant les banques fixer
elles-mêmes leurs prix. Mais le
ministre des Finances suit de
près les effets collatéraux des
taux négatifs. « On est très pré-
occupé par la rentabilité des ban-
ques, souligne-t-on dans
l’entourage de Bruno Le Maire.
C’est un secteur qui représente
800 .000 e mplois en France et fait
face à des restructurations
importantes. »
Dans ce cadre, Bercy semble
pencher pour une application
souple des futures règles dites
de Bâle 3 qui imposent aux ban-
ques d’avoir plus de fonds pro-
pres. « Sur les règles prudentiel-
les, on souhaite arrêter de
charger la mule par rapport aux
Américains », indiquent des
sources proches du ministre. De
son côté, la BCE étudie l’oppor-
tunité d’introduire un méca-
nisme de taux de dépôt modula-
bles, qui seraient appliqués
différemment en fonction des
prêts accordés par les banques.
Plus elles prêteraient, moins
elles seraient « taxées ».n

Bercy suit
de près les effets
collatéraux
des taux négatifs.
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