Echos - 2019-08-14

(coco) #1

Les Echos Mercredi 14 et jeudi 15 août 2019 FRANCE// 03


sur les carburants. Si de nombreu-
ses alternatives à la voiture exis-
tent – marche, vélo électrique,
covoiturage, transports en com-
mun –, la fracture territoriale reste
forte. L’assemblée pourrait se pen-
cher sur l’accès à l’offre d’alternati-
ves en zone rurale. Les entreprises
ont un rôle à jouer. Le gouverne-
ment pourrait, par exemple, les
contraindre à mettre en place des
plans de mobilité avec, dans cer-
tains territoires, un service de
navette électrique et une obliga-
tion de télétravail pour les salariés
les plus éloignés.


  • ALIMENTATION
    La production de 1 kilo de bœuf
    émet 18 kilos de gaz à effet de serre,
    contre 0,2 kilo seulement pour
    1 kilo de lentilles. Il existe
    aujourd’hui un consensus scienti-
    fique autour d’une alimentation
    pauvre – voire nulle – en protéines
    d’origine animale. La Convention
    citoyenne pour le climat aura
    l’occasion de se pencher sur la
    manière d’organiser la transition
    alimentaire et de la rendre accessi-
    ble à tous. Le gouvernement pour-
    rait, par exemple, mettre en place
    une grande campagne d’informa-
    tion indépendante. Introduire la
    nutrition dans les programmes
    scolaires. Autre piste : instaurer
    une taxe sur les produits transfor-
    més, notamment les plats préparés
    contenant de la viande.

    • LOGEMENT
      Autre sujet incontournable, les
      énergies renouvelables (que ce
      soient les filières électriques, la
      méthanisation du gaz, etc.). Elles
      permettent de se chauffer tout en
      réduisant drastiquement l es émis-
      sions de gaz à effet de serre. La dis-
      cussion pourrait porter sur la
      manière d’accélérer la production
      de chaleurs renouvelables à partir
      des ressources locales. La France
      dispose pour ce faire du bois, du
      solaire thermique, mais aussi de l a
      géothermie, qui p ermet d ’extraire,
      grâce à des puits, de l’eau à environ
      150 °C afin de produire de l’électri-
      cité p our les entreprises o u les par-
      ticuliers alentour. Trois projets de
      centrales de géothermie ont déjà
      été lancés en Alsace.

    • FISCALITÉ
      Dernier sujet, le plus explosif,
      après l’annulation des futures
      hausses de taxes sur les carbu-
      rants cet h iver : l a fiscalité.
      « Revenu c limat », « chèque vert »,
      « sécurité sociale écologique » : les
      experts ont déjà formulé un très
      grand nombre de propositions de
      taxes possibles. L’enjeu sera sans
      doute de réfléchir à des mesures
      fiscales – un impôt vert par exem-
      ple – qui soient lisibles. L’Etat
      pourrait choisir d'abaisser
      d'autres impôts avec les recettes
      de ce futur impôt vert.
      — C. T.




Les sujets incontournables


Aucun thème ne sera a priori
exclu. Les 150 Français tirés au
sort ce mois-ci pour participer à la
Convention citoyenne pour le cli-
mat choisiront eux-mêmes les
sujets sur lesquels ils vont plan-
cher. A partir du 4 octobre, cette
assemblée aura quatre mois pour
s’interroger sur les manières de
réduire les émissions de gaz à effet
de serre d’au moins 40 % d’ici à


  1. A l’arrivée, des mesures de
    transition énergétique seront for-
    mulées e t présentées au gouverne-
    ment. Tour d’horizon :



  • TRANSPORTS
    Pour faire face au changement cli-
    matique, le gouvernement devra-
    t-il limiter l’usage de la voiture?
    Voire l’interdire totalement dans
    certaines rues, comme le prévoit la
    loi allemande depuis février 2018?
    Le mouvement des « gilets jau-
    nes » avait débuté cet hiver par la
    contestation d e la hausse de la taxe


Les sujets abordés par
la Convention citoyenne
pour le climat devraient
toucher les secteurs
les plus concernés par le
dérèglement climatique.
L’objectif : faire émerger
des propositions concrètes
pour abaisser d’au moins
40 % les émissions de gaz
à effet de serre d’ici à 2030
par rapport à 1990.

La France a pour ambition de réduire de 40 % d’ici à 2030 ses émissions de gaz à effet de serre
par rapport à leur niveau de 1990. Mais cherche toujours les solutions pour y parvenir.
(Ci-dessus : marche pour le climat à Bordeaux). Photo Sébastien Ortola/RÉA

effet de serre par rapport à leur
niveau de 1990. Mais comment y
parvenir? C’est la question à
laquelle les 150 citoyens partici-
pants de cette assemblée, dont la
première session doit se tenir les 4,
5 et 6 octobre prochain, alors que
celle-ci avait été annoncée pour fin
juin dernier, vont devoir s’atteler et
apporter une réponse très crédible.

Solutions
« à hauteur d’homme »
D’autant qu’Emmanuel Macron a
placé la barre haut. Les solutions
qui sont attendues de cette conven-
tion doivent prendre la forme d’un
texte réglementaire, voire d’un
texte de loi qui, s’il le faut, pourra
être soumis à référendum, avait
promis le chef de l’Etat, sans con-
vaincre les ONG. Une option sur
laquelle les 150 citoyens pourront
d’ailleurs donner leur avis sans que
cela n’engage l’Elysée.
Mais dans l’e sprit de l’exécutif,
cette convention a d’abord et sur-
tout vocation à formuler des solu-
tions « à hauteur d’homme ». Celles
qui permettront de gommer les dif-
ficultés posées par l a mise en œuvre
de la transition énergétique dans le
quotidien des Français. Une muta-
tion qui n’a rien de neutre, qu’il
s’agisse de se déplacer, de s’alimen-
ter ou encore de se chauffer.
La résolution de ces problèmes, si
terre à terre soient-ils, va demander
un minimum de préparation et
d’accompagnement des
150 citoyens. La faisabilité ou non
des propositions sur lesquelles ils
vont débattre lors des six sessions de
cette convention, organisées chaque

week-end au palais d’Iéna, le siège
du Cese, pourrait en effet se heurter à
des incompréhensions, faute d’avoir
suffisamment de clefs aux plans
juridique et fiscal, notamment.

Une France miniature
Une des principales missions du
comité de gouvernance de 15 mem-
bres qui chapeaute cette convention
va être, à l’aide d’experts, de familia-
riser et de documenter les « tirés au
sort ». Issus de tous les horizons,
notamment sociaux, génération-
nels et géographiques, qui concou-
rent à faire de cette assemblée une
France miniature, beaucoup d’entre
eux sont des néophytes du droit fis-
cal. De même qu’un prochain
comité « légistique », composé de
deux spécialistes du droit, va s’atte-
ler à donner une forme législative à
leurs propositions, qui sont atten-
dues pour le début 2020.
A tous ces conseillers de savoir
rester en réserve et de ne rien défor-
mer du résultat des travaux de la
convention, dont la sincérité doit
rester intacte. Tout ce qui sortira de
son enceinte le sera « sans f iltre, non
trituré », rappelle en substance
Julien Blanchet. Une transparence
sur laquelle veilleront les trois
garants désignés par le chef de
l’Etat, ainsi que les présidents du
Sénat et de l’Assemblée nationale,
gardiens des règles fixées par le Pre-
mier ministre, Edouard Philippe.
Tout comme il leur incombera de
s’assurer que les 150 citoyens pour-
ront user de leur droit de réponse
au gouvernement lorsque celui-ci
aura reçu leurs propositions et
arrêté une décision à leur sujet.n

lLes 150 recrues qui vont composer l’éphémère assem-


blée seront « appelées » le 26 août pour une première


session de travaux les 4, 5 et 6 octobre.


lMission : fournir des propositions début 2020 à l’exé-


cutif pour remettre la transition énergétique sur les rails.


La lente mise


en marche de la


Convention citoyenne


pour le climat


Joël Cossardeaux
@JolCossardeaux


Les préparatifs à ce qui sera peut-
être l’exercice démocratique le plus
inédit de la Ve République entrent
dans u ne phase d écisive. L e recrute-
ment des 150 volontaires de la Con-
vention citoyenne pour le climat va
être lancé dans un peu plus de dix
jours. Harris Interactive, le presta-
taire chargé de leur tirage au sort, a
fait remonter une liste de noms,
après avoir passé au crible un
échantillon de 300.000 abonnés au
téléphone. « Ils seront appelés le
26 août », indique Julien Blanchet,
le rapporteur général de cette
convention.
Le vice-président du Conseil éco-
nomique, social et environnemen-
tal (Cese) veille à la bonne organisa-
tion de cette concertation d’un
genre nouveau, avec l’appui d e deux
coprésidents, Laurence Tubiana,
négociatrice d e l’accord d e Paris sur
le climat, et Thierry Pech, directeur
général du groupe de réflexion
Terra Nova.
Annoncée par le chef de l’Etat
lors de sa conférence de presse fin
avril à l’issue du grand débat, cette
éphémère assemblée a pour mis-
sion de dénouer un défi que l’exécu-
tif a, pour l ’instant, échoué à relever,
celui de la transition énergétique et
des lourdes retombées économi-
ques, environnementales et socia-
les qu’elle implique. La France a
pour ambition de réduire de 40 %
d’ici à 2030 ses émissions de gaz à


ENVIRONNEMENT


La convention doit « montrer une image


de la France qui soit vraie »


Propos recueillis par J. C.


Où en est la mise en place
de la Convention citoyenne
pour le climat?
Déjà les institutions qu’il fallait
créer sont installées, le comité de
gouvernance et les garants. Nous
abordons la phase pratique, celle
de la sélection des citoyens. Des
milliers de personnes vont être
appelées. Cette campagne de recru-
tement démarre le 24 août. Elle
s’appuie sur des c ritères bien d éfinis
par le comité. Ils permettront
d’inclure les moins diplômés et les
personnes en situation de précarité
sociale. Il faut montrer une image
de la France qui soit vraie. On ne
peut pas bâtir une transition éco-
logique sans leur participation. En
outre, nous avons cherché à éviter
les biais du grand débat, à savoir
une surreprésentation des person-
nes âgées et des diplômés. Les gens
doivent avoir le sentiment que c’est
sérieux. Que n ous ne sommes pas là
pour servir de justification au gou-
vernement, mais qu’il s’agit d’un
exercice qui vaut le coup. On s’en
donne les moyens en indemnisant
les personnes.


Et ensuite?
Le week-end des 4, 5 et 6 octobre
sera celui du démarrage effectif. Il
s’agit de bâtir un groupe, un collec-


tif, et d’arrêter les grands angles
des questions qui seront débattues.
Ce sont bien sûr toujours les
mêmes : les transports, l’alimenta-
tion et la fiscalité. Mais il faudra
aller au-delà, travailler s ur les sujets
qui ne font pas consensus et les
obstacles qu’on y rencontre. Après,
la convention travaillera en sous-

groupes. Si tout va bien, nous
devrions avoir achevé les travaux
à la fin du mois de janvier.

Les experts ne risquent-ils pas
d’avoir un pouvoir d’influence?
Il faut bien qu’il y ait des experts.
Mais nous avons bien veillé à ce
qu’ils ne partagent pas le même
point de vue. Certains défendent le
nucléaire, d’autres pas. En plus,
nous allons donner beaucoup de
documentation aux citoyens et il est
prévu que de nombreux échanges
se tiennent entre chaque assemblée.
Enfin, je suis persuadée que beau-
coup des membres de la convention
ont des solutions à apporter. En
France, l’esprit d’innovation sociale
est très présent, mais la société est
bloquée. Il faut voir tout ce qui
pèche. En même temps, il faudra
éviter que certains ne monopolisent
la parole. Nous allons employer des
techniques d’animation pour facili-
ter l’expression de tous.

Quel est votre rôle en tant
que coprésidente?
Pour moi et mon homologue,
Thierry Pech, la responsabilité qui
pèse sur nos épaules est politique.
A nous de veiller à ce que cette
convention soit d’une bonne tenue,
produise des résultats et que ceux-ci
soient respectés. Il faut démontrer
que ce qui est fait est sérieux.n

LAURENCE TUBIANA
Coprésidente
de la Convention
citoyenne
pour le climat

« En France, l’esprit
d’innovation sociale
est très présent,
mais la société est
bloquée. Il faut voir
tout ce qui pèche. »
LAURENCE TUBIANA
Photo Sipa

Elle a dit

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