MadMercredi 14 août 2019Page 31arts
A
u Louvre-Lens, même en
l’absence de grande exposi-
tion temporaire (celle
consacrée à Homère vient de se
terminer et la suivante qui nous
emmènera en Pologne est prévue
pour la rentrée) il y a toujours
quelque chose à découvrir.
Bien sûr, il y a la formidable
Galerie du Temps avec ces in-
nombrables objets et œuvres
d’art nous faisant voyager de la
préhistoire à nos jours. Mais au
bout de celle-ci, le visiteur est dé-
sormais happé par un espace qui
semble sorti de nulle part.
C’est que le vaste pavillon qui
accueille la fascinante exposition
de Hicham Berrada est long-
temps resté figé dans une forme
que les architectes de Sanaa
n’avaient pas prévue. « Cette
grande salle est restée marquée
par les trois espaces circulaires
qui y avaient été répartis à l’ou-
verture et qui abordaient la ques-
tion du temps,explique Marie
Lavandier, directrice du Louvre-
Lens. Il nous a semblé intéressant
de retrouver l’espace vide. Il s’agit
d’un magnifique pavillon deverre dont les trois “bulles” occul-
taient la merveilleuse vision sur
le parc.
On voulait rendre à nouveau
visible ce geste architectural pur
de Sanaa. »DES PAYSAGES GÉNÉRÉS
PAR LES MATHÉMATIQUES
Une fois l’espace dégagé, res-
tait à lui trouver des propositions
artistiques en harmonie avec
cette ouverture sur l’extérieur.
Celle de Hicham Berrada joue
avec cette transparence dans un
parcours libre où chaque pièce
ouvre de nouveaux horizons sur
les suivantes. À commencer par
l’immense tirage photogra-
phique de 150 m^2 installé le long
de la façade vitrée et jouant avec
la vue extérieure.
L’artiste franco-marocain a eu
le temps de découvrir les lieux
dans le cadre d’un séjour dans la
résidence d’artistes lancée par
François Pinault dans l’ancien
presbytère de la Cité 9, à
quelques encablures du musée.
À l’issue de celle-ci et dans le
cadre d’une collaboration avec Le
Fresnoy à Tourcoing, il a conçu
un ensemble d’œuvres formant
une seule grande installation
dont chaque élément semble se
développer de manière orga-
nique. Pourtant, tout ici a été gé-
néré par ordinateur, imprimante
3 D et autres manipulations...
Des aquariums renferment
d’étonnants paysages en muta-tion nés de la cire puis sculptés
dans différents métaux selon la
méthode ancestrale de la cire
perdue. Ces concrétions créées
par l’homme s’altèrent ensuite
sous l’action de l’eau et d’un cata-
lyseur, semblant animées d’une
vie propre. Des formes d’une
blancheur éclatante se déploient
comme autant de petits univers
en expansion. Elles sont créées
en impressions 3D en résine à
partir d’algorithmes composés
d’un ensemble infini de poly-
gones. On découvre ceux-ci en
observant de près chacune de ses
pièces dont certaines semblent
sortir d’un Jurassic Park nouveau
modèle.
Le plus fascinant est toutefois à
venir avec l’installation vidéo
360 oPrésage. Cinq vidéoprojec-
teurs synchronisés plongent le vi-
siteur au cœur d’une architecture
circulaire où on a l’impression
d’assister à la naissance de l’uni-
vers en accéléré. Le spectacle est
superbe et d’autant plus in-
croyable qu’il est en réalité filmé
dans un bocal de... 10 cm de dia-
mètre où Hicham Berrada sème
à intervalles réguliers divers
composants chimiques qui vont
s’influencer l’un l’autre et trans-
former totalement un paysage
dont l’expansion semble infinie.
Magique, chimique et poétique!
JEAN-MARIE WYNANTS▶ Jusqu’au 1erseptembre au Louvre-Lens,
http://www.louvrelens.frEt Hicham Berrada
créa un nouveau monde
Dans l’installation vidéo 360° « Présage », le visiteur se trouve entouré par un large écran circulaire
où des formes d’apparence végétale ou marine ne cessent de croître et de se transformer. L’artiste a filmé
le tout dans un bocal de... 10 cm de diamètre. ©D.R.Le Pavillon de verre
du Louvre-Lens ac-
cueille Hicham Ber-
rada dont les formes
organiques naissent
par ordinateur et
autres manipulations
technologiques.
Les « augures mathématiques » de Hicham Berrada se développent
aussi bien en impressions 3D que sous la forme d’une gigantesque
photographie transparente de 250 m^2 jouant avec les surfaces vitrées
du pavillon. ©D.R.
l’expo
DE LA
SEMAINE