LeSoir - 2019-08-14

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Page 30Mercredi 14 août 2019Mad

arts


D


es montagnes d’un noir charbonneux,
des étoiles qui traversent la nuit, des
roches volcaniques... l’univers de
Laure Winants est tout entier tourné vers la
nature. Mais pas seulement. Au Musée de la
photographie à Charleroi, la Galerie du Soir
présente une sélection du travail de cette
toute jeune artiste qui associe sa pratique
photographique à sa passion pour la re-
cherche scientifique, créant des images d’une
beauté brute et d’une poésie intemporelle.
Née à Spa, Laure Winants associe très tôt
le plaisir de la photographie à celui des
longues promenades dans les Hautes
Fagnes. Son père, photographe et peintre,
l’emmène dans ses pérégrinations. «On m’a
mis un petit appareil analogique dans les
mains pour la première fois lors de ma pre-
mière communion, raconte-t-elle. Ou
quelque chose de ce genre. Ensuite, petite, j’ac-
compagnais mon père dans toutes les exposi-
tions. J’avais mon petit carnet de note où
j’écrivais des impressions, des noms. Je de-
mandais aux artistes de me faire un petit
dessin. »
Déjà, la photographie la captive. « J’ai sui-
vi des cours du soir à l’académie à Spa, en
photo, en dessin... Après j’ai eu l’occasion de
bouger un peu et l’appareil photo était tou-
jours un bon compagnon. »

LE TEMPS ET L’ESPACE
Au moment de se choisir un avenir, elle se
tourne vers l’Ihecs où les études de commu-
nication comportent un important volet
photographique. « J’aimais bien la photo
mais aussi la vidéo, le côté recherche d’infor-
mations. Donc le côté pluridisciplinaire de
l’Ihecs me convenait. On y prête attention
aux singularités de chacun. On nous pousse
à développer notre regard. »Elle approfondit
ainsi sa pratique photo en se confrontant
notamment au reportage, au documentaire.
Pourtant, elle cherche encore autre chose.
« À la sortie de l’Ihecs, je me suis inscrite au
Kask à Gand. Il me semblait que j’avais en-
core besoin de la travailler dans une struc-
ture. Au Kask, il y avait notamment des gens
comme Dirk Braeckman et d’autres que j’ad-
mire qui sont professeurs invités. »Elle n’y
reste qu’un an avant de se lancer dans son
travail actuel. Un étonnant croisement entre
démarche artistique et scientifique. « Je fré-
quente beaucoup les scientifiques. Je suis as-
sez fascinée par leur démarche, particulière-
ment ceux qui ont un petit côté Professeur
Tournesol. Je me suis rendu compte que,
comme les artistes, bon nombre d’entre eux
partaient d’une démarche intuitive. »

Son travail se développe alors autour de la
nature, les volcans, les étoiles... «C’est tou-
jours lié à la nature, à l’environnement, à
l’engagement aussi. Et puis au temps et à l’es-
pace. Je contacte des scientifiques et je les suis
dans leurs déplacements. Pour étudier les
volcans, il faut se déplacer. Et ça prend du
temps. C’est tout cela qui m’intéresse : la
rencontre, l’image qui se construit avec le
temps. »
Pour rendre cela au mieux, elle travaille
essentiellement en argentique avant d’impri-
mer ses images en photogravure. Une tech-

nique complexe que peu de jeunes photo-
graphes abordent aujourd’hui. « C’est une re-
cherche en cours. Un travail sur le temps
comme tout travail de recherche. J’essaie de
créer un dialogue entre le fond et la forme. Il y
a une recherche de la précision, l’envie d’ex-
plorer les tons de gris et de noirs qu’on re-
trouve dans la manière noire en gravure, la
patience indispensable... Il y a aussi toutes
les irrégularités qui échappent à la démarche
scientifique, le caractère imparfait, imprévi-
sible des choses. »
De ce travail naissent des images ma-
giques, entre documentaire et poésie pure,
souvent en petit format. « C’est un processus
très long donc il vaut mieux essayer d’abord
de le maîtriser sur des dimensions réduites.
Mais par ailleurs, j’aime beaucoup le carac-
tère intimiste de ces petits formats. Il y a un
côté précieux qui me plaît. Et puis on doit se
rapprocher, plisser les yeux, avoir une atten-
tion différente à l’image... »
Et, pour le spectateur aussi, prendre son
temps...
JEAN-MARIE WYNANTS

▶ Jusqu’au 22 septembre au Musée de la photographie
à Charleroi, http://www.museephoto.be

Laure Winants entre science et poésie


© LAURE WINANTS

Photographe passionnée par


la recherche scientifique,


cette jeune artiste expose


ses images en photogravure


à la Galerie du Soir du


Musée de la photographie.


Noor et le vrai monde

Ils sont une quinzaine, venus des quatre
coins du monde, et se présentent sous le
nom de Noor, qui signifie Lumière en
arabe. Une agence dont les photographes
sont maîtres et qui permet à ceux-ci
d’aborder les sujets de leur choix avec un
but clair :« Nous racontons des histoires qui
ont un impact sur notre humanité. »Pour té-
moigner de ce travail où différentes formes
de narration visuelle montrent des facettes
du monde souvent absentes des médias,
le Musée de la photographie les invite du-
rant un an dans sa Boîte noire. Trois petits
« films » de l’agence y sont présentés ac-
tuellement dans une première session
consacrée à la fracture Nord-Sud et aux
questions migratoires. Tanya Habjouqa
s’intéresse aux femmes syriennes restées
au pays tandis que les hommes prenaient
la voie de l’exil. Francesco Zizola livre un
travail en noir et blanc impressionnant sur
les réfugiés sauvés en mer après de
longues traversées. Pep Bonet montre
pour sa part la face cachée des mines d’or
artisanales du Burkina Faso où des enfants
de plus en plus jeunes descendent au fond.

© LAURE WINANTS

© LAURE WINANTS
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