Libération Mercredi 14 et Jeudi 15 Août 2019 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u V
L’envol suspendu
Eau Tout l’été, les cinq éléments revisités
par des photographes. Aujourd’hui,
Raymond Meeks et ses clichés
d’adeptes de sauts dans les cascades
de l’Etat de New York
L’
été, partout, les cascades voient dé-
filer le même ballet: des corps nubi-
les suintent dans la moiteur de l’air,
s’observent du coin de l’œil, s’avan-
cent, se ravisent, puis, le cœur battant, se jet-
tent dans le vide, étreignant la gravité.
Le photographe américain Raymond Meeks
découvre le site de Furlong par hasard,
en 2015. «C’était près de chez moi, dans l’Etat
de New York. J’avais visité les falaises pendant
les mois d’hiver, et je ne m’étais jamais ima-
giné comment l’endroit serait transformé l’été
par toute cette activité.» Fasciné par la lu-
mière des lieuxet la manière dont l’appareil
capte les formesdans les ombres opaques, il
y revient trois étés de suite. Volontairement,
il ne montre jamais la cascade, mais s’attache
plutôt à documenter cette jeunesse qui vient
confronter des corps en construction à la
pesanteur. «J’étais très attiré par l’idée de
suspension et par les formes qui révèlent des
défauts, suggèrent l’imperfection, ou même
l’échec, comme en écho à certains schémas du
monde. La beauté à travers la vulnérable im-
perfection.»
Le photographe a-t-il plongé lui aussi dans la
touffeur du vide de Furlong? «J’ai sauté, une
fois. C’était pas joli.»
TESS RAIMBEAU
RAYMOND MEEKS
né en 1963, dans l’Ohio,
vit et travaille près de Hudson, Etat de New York,
«Halfstory Halflife», éd. Chose Commune.
PHOTO/PHOTO/ ÉTÉ