16 AOÛT 2019
ELLE.FR 39
AGLAÉ BORY ; LE PACTE.
ELLE MAG / REPORTAGE
croisent des jeunes talents comme les deux
créatrices textiles du Studio Hydra et la
population du quartier populaire du Pile.
Chaque année, s’y tiennent aussi des festi-
vals courus, par exemple la Braderie de l’ar t,
orchestrée par l’une des figures locales,
Fanny Bouyagui. De son côté, à la manière
de Détroit aux États-Unis, la ferme du Trichon
espère réhabiliter une vaste friche indus-
trielle en ferme urbaine et coopérative bio à
bas prix. Mais il y a un revers de la médaille
et cette course au changement va de pair
avec une certaine politique de la « tabula
rasa » encouragée par les institutions
locales : bureaux, centres commerciaux,
campus, logements rutilants sortent de terre,
parfois au prix d’expropriations des popula-
tions précaires relogées plus loin. Une réno-
vation urbaine agressive dénoncée dans le documentaire « Pile :
permis de démolir », de Lucas Roxo et Simon Pillan.
Il y aurait donc un Roubaix à deux vitesses? C’est le prix
à payer pour retrouver un nouveau souffle, diront certains. D’autant
que cette bouffée d’oxygène provoque bien un appel d’air : la ville
regorge désormais d’initiatives et d’institutions autour du design et
de la mode at tirant une nouvelle génération de créatifs. On peut ainsi
citer la très réputée école Esmod ou le programme Maisons de
Mode qui facilite l’implantation de créateurs – tels le duo KNGB,
qui conçoit des lampes made in France, et le designer de baskets
ayant fui la Syrie, Daniel Essa. Sans oublier la bourse Anti_Fashion x
La Redoute, qui ouvre les portes d’Esmod à des jeunes en difficulté.
Dans une même dynamique, nombre d’ar tistes plébiscitent des lieux
bruts comme les Ateliers Jouret, des bâtiments de négoce de tissu
transformés en une trentaine d’espaces de travail. Graffiti et street
art, autres spécialités roubaisiennes, ne sont pas en reste avec l’ins-
tallation de JonOne, l’un des graffeurs les plus cotés depuis qu’il a
été découvert par Agnès b. « Ce renouveau, j’y crois, et les Roubai-
siens aussi, confesse Arnaud Desplechin. Derrière la misère appa-
rente, il existe ici une richesse cachée, une vitalité incroyable. Ceux
qui vivent ici le savent. » Une possible rédemption dont le commis-
saire Daoud, le personnage principal de son film, ne doute pas :
« Comment faites-vous avec la misère? » lui demande un jeune col-
lègue dans l’une des dernières scènes. « C’est rien ça, répond
Daoud. Parfois, on ne sait pas pourquoi, tout s’illumine... » ■
UN POLAR SIGNÉ DESPLECHIN
Tout commence une nuit de Noël : une voiture flambe et c’est
le prétexte pour entrer dans le quotidien du commissaire
Daoud (Roschdy Zem, imperturbable), qui a grandi à Roubaix
et ne l’a jamais quittée. Flanqué d’un inspecteur ayant
longtemps hésité entre le séminaire et l’école de police,
Daoud fait preuve d’une grande humanité. On reconnaît là
la patte Desplechin, avec ses interrogations religieuses et
philosophiques. Le chemin de croix de Daoud? Une enquête
sur le meurtre d’une vieille dame, auquel des voisines
(formidables Léa Seydoux et Sara Forestier) pourraient
être mêlées. Le réalisateur les traite avec une infinie
douceur, comme si
leur parcours semé
d’embûches les excusait
de tout. Mais l’amour du
prochain a cependant
ses limites... F.D.
« ROUBAIX, UNE LUMIÈRE »
(1 h 59), avec aussi Antoine
Reinartz. En salle le 21 août.
Le quartier
populaire du Pile.
Roschdy Zem
et Léa Seydoux.
La famille de Florence
Duriez, récemment
installée à Roubaix,
participe aussi au défi.
La famille
Deleporte, qui
participe au
défi Zéro
déchet.