KURIAT KURIAT LES ÎLESLES ÎLES
Les gardiens
Depuis , l’association Notre Grand Bleu protège les îles Kuriat,
petit paradis au large de la Tunisie. Rencontre avec une bande
de pionniers dont les actions rayonnent dans toute la Méditerranée.
Lorraine Rossignol
Photos Nicolas Fauqué
« Il faut passer une nuit sur les îles Kuriat pour com-
prendre », con e, avec un sourire radieux, Manel Ben Is-
mail. Les yeux de la jeune biologiste brillent de mille
étoiles, re ets du ciel nocturne au-dessus de cet archipel
qu’elle adore. Situées au large de Monastir — la ville qui vit
naître Bourguiba (-), héros de l’indépendance —,
dans l’est de la Tunisie, les Kuriat ont un petit côté « para-
dis préservé ». Eaux turquoise transparentes, plages de
sable blanc, absence de construction — à l’exception d’un
phare, sur la plus grande des deux îles. « La nuit, reprend
Manel, les goélands se taisent, le silence qui règne alentour est
véritablement magique. On entend juste le frôlement des va-
gues qui e eurent la ceinture de posidonies (plantes marines)
entourant l’archipel. C’est alors que les tortues caouannes —
les îles Kuriat sont leur lieu de nidi cation le plus stable en Mé-
diterranée — sortent de l’eau pour pondre dans le sable. »
C’est pour ce lieu hors du temps, pourtant facilement
accessible car situé à une vingtaine de kilomètres de la côte
et desservi par un système de navettes privées, qu’elle a dé-
cidé de cofonder, avec une bande d’amis — pêcheurs, plon-
geurs, naturalistes —, l’association Notre Grand Bleu, en
. On était au lendemain de la révolution de jasmin, qui,
après avoir fait tomber le président Ben Ali et son régime
policier, t sou er sur la Tunisie un vent fou d’espoir et de
liberté. A l’époque, les rats noirs, espèce invasive arrivée
d’Asie par bateaux, avaient, en quelques années, envahi
l’archipel, comme nombre d’autres îles méditerranéennes
où on les trouve parfois encore. Redoutables prédateurs
pour les œufs de goéland, pour les lapins, et même pour la
végétation, ces rongeurs l’étaient plus encore pour les
œufs des tortues caouannes, dont ils commencèrent à dé-
cimer la population. Avec ses amis amoureux comme elle
de l’environnement, Manel se lança dans une campagne de
dératisation sans précédent, parvenant à délivrer l’archi-
pel de ce éau. L’aventure de Notre Grand Bleu, qui allait
jeter les premières bases d’une conscience écologique par-
tagée en Tunisie, ne faisait que commencer.
Aujourd’hui, le petit local de l’association, situé juste à
côté de la marina de Monastir, ne désemplit plus : tout au
long de la journée, des dizaines de bénévoles — parmi les-
quels de nombreux étudiants, et de plus en plus d’étu-
diantes — y passent comme à la maison, entrent, sortent,
se réunissent, discutent joyeusement des multiples pro-
grammes et projets en cours (les « actions », comme ils
disent : plus de sept cents menées à ce jour !). Car si les îles
Kuriat continuent de les inspirer, le champ d’intervention
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