Le Prince de Bel-Air
Hip hip-hop aura
Les nostalgiques retrouvent la sitcom
des années 90, désormais disponible
sur Netflix, et la jeunesse découvre un
Will Smith jouant un ado des quartiers
accueilli chez son oncle richissime. Malgré
les rires en boîte et quelques ringardises,
la série, parfois méta, parfois émouvante, et
visionnaire sur son acteur, n’a pas mal vieilli.
«C’
était super, mais ça doit avoir
sacrément vieilli...»anticipe
avec nostalgie une ex-fan des
bons mots de Will Smith et de la famille Banks
qu’elle piochait au hasard des multidiffusions
duPrince du Bel-Airet de ses 148 épisodes au
mitan des années 90. Elle serait étonnée d’ap-
prendre que, depuis sa mise en ligne par
Netflix en début d’été, les ados se passionnent
pour cette sitcom, avec tout ce que le terme
peut pourtant comporter de désuet pour une
jeunesse nourrie àStranger Things: rires en
boîte, intérieurs de studios et gros canapés
fleuris pour tout horizon.
Mais il suffit de s’y pencher un peu pour per-
cevoir intacte l’audace du geste d’origine: à la
toute fin des années 80, Quincy Jones s’asso-
cie avec Benny Medina (jeune producteur
prodige de la Motown dont c’est peu ou prou
l’histoire) pour proposer à NBC, chaîne
mainstreamen diable, une série qui voit un
jeune des quartiers de Philadelphie recueilli
par une branche fortunée de sa famille domi-
ciliée à Bel-Air, le quartier le plus huppé de
Los Angeles. Dans la vraie vie, Medina avait
été accueilli par des Blancs, mais ils décident
que les Banks seront une famille de Noirs
richissimes. Pour le héros, leur choix se fixe
sur Will Smith, 22 ans, jeune rappeur auréolé
d’un succès tout frais grâce au duo qu’il forme
avec son ami Jeff Townes, DJ Jazzy Jeff and
The Fresh Prince, responsable d’un hip-hop
sympathique et plutôt commercial, mais c’est
déjà bien assez transgressif pour la chaîne qui
n’en mène pas large.
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La sitcom, outre son timing comique au cor-
deau et ses petites ringardises obligatoires, ne
cessera de ressasser avec esprit la question
des racines(«Je ne suis pas moins noir que toi
parce que j’ai grandi dans les beaux quar-
tiers»),des convictions (le célèbre oncle Phil
a beau voter Reagan, il a un passé d’activiste
et de fidèle de Malcolm X), des différences de
classe au sein de la communauté noire, etc.
Le tout évidemment entre deux vannes
bien balancées par l’inénarrable majordome
crypto-gay, ou par Will Smith, dont le poten-
tiel crossover s’impose assez vite.
Politique à sa façon, méta à l’occasion («Qui
joue la mère cette année ?»se moque un per-
sonnage faisant référence au changement
ParCLÉLIA COHEN d’actrice d’un des rôles principaux en milieu
24 u http://www.liberation.fr ffacebook.com/liberation t@libe Libération Samedi10 et Dimanche11 Août 2019
Dans lePrince de Bel-Air,il y a, concernant Will Smith, ce truc de cadre qui est là dès ledébut : ce type semble bien trop grand pour la télé.PHOTOS AURIMAGES. PHOTO 12 ET NETFLIX