SAMEDI 10 AOÛT 2019 international| 3
chambres, dont il a déjà rencontré, quelques
heures plus tôt, les deux présidents.
M. Conte souhaite que cette crise « soit la
plus transparente de l’histoire de la Républi-
que ». Mais les révolutions de palais peuvent-
elles se passer au grand jour? Alors que les
heures de son équipe semblent comptées,
Giuseppe Conte a donc cherché à réaffirmer
la légitimité de sa législature et de son tra-
vail. Un travail qui, précise-t-il dans une nou-
velle pique à son ministre de l’intérieur, « ne
se fait pas à la plage ».
Alors que M. Conte s’exprimait depuis la
capitale, Matteo Salvini était, lui, loin de
Rome. A Pescara (Abruzzes), sur les bords de
l’Adriatique, continuant une « tournée des
plages » estivale qui ressemble de plus en
plus à un début de campagne. A 22 heures, le
ministre de l’intérieur est monté triom-
phant sur la scène, dans la peau de l’homme
enfin libre d’assumer toutes ses ambitions.
Pendant quarante-cinq minutes, il a galva-
nisé ses partisans sur ses sujets fétiches :
attaque contre l’ONG espagnole de sauve-
tage des migrants Proactiva Open Arms, cri-
tique de l’Europe d’Angela Merkel et d’Em-
manuel Macron ainsi que de la gauche ita-
lienne, mais aussi des Roms ou de certains
membres de l’Eglise catholique, qui n’ont
pas fait mystère de leur inquiétude après
l’adoption mardi, au Sénat, de la nouvelle
version de son décret antimigrants.
NOUVEAU GOUVERNEMENT TECHNIQUE
Devant une foule compacte, le ministre de
l’intérieur a réglé ses comptes avec le
Mouvement 5 étoiles, précisant que l’Italie n’a
« pas besoin de ministres qui bloquent les tra-
vaux publics ». Une référence limpide à Danilo
Toninelli, premier pourfendeur de la ligne
Lyon-Turin et bête noire favorite des parti-
sans du chantier.
Alors qu’à Rome on se perdait encore en
conjectures sur le devenir du gouverne-
ment, Matteo Salvini a, une fois de plus, un
coup d’avance. Plus tôt dans la journée, la Li-
gue n’a cessé d’inviter à pousser sur l’accélé-
rateur pour conduire l’Italie à des élections
anticipées. « Chaque jour qui passe est un
jour de perdu » , pouvait-on lire dans un
communiqué officiel de la formation d’ex-
trême droite publié le matin. « Pour nous ,
précisait le parti, la seule alternative à ce gou-
vernement est de redonner la parole aux Ita-
liens avec de nouvelles élections. »
Ce coup de force a aussitôt électrisé toutes
les formations politiques du pays. Luigi Di
Maio, le chef de file du Mouvement 5 étoiles,
Matteo Salvini
devant le Sénat,
à Rome, le 7 août.
REMO CASILLI/REUTERS
a d’abord rendu publique une note prenant
acte de la situation de blocage du pays assu-
rant que sa famille politique était prête au
vote et qu’elle ne cherchait pas à s’accrocher
à tout prix au pouvoir. Mais comme à
chaque fois depuis les élections européen-
nes du 26 mai, M. Di Maio, dont le parti est
largement discrédité, a surtout semblé cher-
cher à gagner du temps, espérant faire voter
début septembre le projet de loi de suppres-
sion de 345 parlementaires, l’une de ses pro-
messes de campagne. Un vœu pieux au re-
gard de la gravité de la crise.
Les appétits se sont aussi aiguisés chez les
post-fascistes de Fratelli d’Italia, forts de leur
score honorable aux élections européennes
(6,5 %). Sa meneuse Giorgia Meloni a invité à
son tour à des élections pour donner aux
Italiens le « gouvernement souverain » qu’ils
méritent selon elle, et se rêve en force d’ap-
point de la Ligue, défendant une ligne d’op-
position absolue à Bruxelles et à l’euro.
En milieu d’après-midi, le Parti démocrate
(PD), par la voix de son secrétaire général,
Nicola Zingaretti, a aussi répondu au minis-
tre de l’intérieur, s’estimant « prêt à relever
le défi » des urnes. Le PD, qui dénonce « le
cauchemar » du gouvernement et renvoie
dos à dos M. Salvini et M. Di Maio, se dit prêt
depuis plusieurs semaines à tourner la page
politique en cours et à rassembler « toutes
les forces qui ont l’intention d’arrêter les
idées et les personnes dangereuses ».
Les états-majors des partis, réunis en hâte,
ont commencé dès jeudi à échafauder des
plans de bataille, alors que des élections lé-
gislatives anticipées, faute de majorité alter-
native, paraissent inéluctables. En ces heu-
res dramatiques, chacun guette les moin-
dres oracles du Quirinal. Pour l’instant, la
présidence de la République reste muette.
C’est que l’équation est particulièrement
complexe. En effet, en cas de dissolution, la
Constitution impose un délai de campagne
électorale de soixante jours. Il faudrait donc
voter en octobre, au beau milieu d’une
discussion budgétaire qui semblait déjà im-
possible à tous les observateurs, et dans le
meilleur des cas, le nouveau gouvernement
ne sera pas à pied d’œuvre avant la mi-no-
vembre. Faudra-t-il dans ce cas-là constituer
un nouveau gouvernement technique,
chargé de réaliser l’impossible, un budget de
rigueur en pleine campagne électorale?
Dans un tel contexte, Matteo Salvini n’aurait
même plus besoin de faire campagne.p
olivier bonnel
et jérôme gautheret
L’économie de la Péninsule
est à l’arrêt et surendettée
La dette publique dépasse les 134 % du PIB, et le pays, englué dans
la stagnation, ne sait comment résoudre l’équation du budget 2020
A
Bruxelles, Paris, Franc-
fort, le scénario hante les
esprits depuis des mois.
Celui d’une crise de la zone euro,
déclenchée par les turpitudes de
la vie politique italienne. Et sur-
tout par l’imposante dette publi-
que du pays, dont le montant dé-
passait les 134 % du produit inté-
rieur brut (PIB) au premier tri-
mestre, selon Eurostat. En valeur
absolue, il est le plus élevé de
l’union monétaire (2 350 milliards
d’euros), loin devant celui de la
Grèce (337 milliards). « Dans le cas
extrême où l’Italie frôlerait la
faillite, personne ne sait si les pare-
feu créés dans l’union monétaire
après la crise de 2008 suffiront à
éviter une contagion », résume
une source européenne.
Si nous n’en sommes pas là,
l’éclatement de la coalition popu-
liste au pouvoir depuis juin 2018
a, jeudi 8 août, ravivé les craintes.
Dans la foulée des déclarations de
Matteo Salvini, homme fort du
gouvernement qui a appelé à « al-
ler tout de suite au Parlement » , le
« spread » (l’écart entre les taux
souverains à dix ans italiens et al-
lemands) a bondi de 200 à
235 points de base. Considéré
comme le baromètre du risque
sur les marchés, il est encore loin
de la barre symbolique des
300 points, franchie en octobre
lors des tensions entre Rome et
Bruxelles autour du budget. Mais,
ces prochains jours, il sera suivi
de près par les investisseurs, alors
que les Bourses européennes se
remettent à peine du plongeon
déclenché début août par le re-
gain des tensions commerciales
entre Pékin et Washington.
Croissance au point mort
Les inquiétudes vont désormais
se concentrer sur le calendrier
politique – celui de la possible te-
nue d’élections anticipées et de
l’éventuelle composition d’un
gouvernement technique –, puis
sur la question brûlante du bud-
get pour 2020. Celui-ci devait être
présenté par la coalition entre la
Ligue (extrême droite) et le Mou-
vement 5 étoiles (antisystème) à
la Commission européenne en
septembre, et les négociations
s’annonçaient houleuses. « Pour
tenir la cible de 2 % du PIB de défi-
cit public 2020 fixée avec Bruxel-
les, il manque plus de 20 milliards
d’euros : le gouvernement n’a ja-
mais dit comment il comptait les
trouver », explique Nicola Nobile,
chez Oxford Economics, à Milan.
Si cette équation budgétaire dé-
licate n’est pas tenue – quelle que
soit l’équipe au pouvoir qui la
présentera –, la TVA doit en théo-
rie augmenter automatique-
ment au 1er janvier, pour ren-
flouer les caisses publiques de
23 milliards d’euros supplémen-
taires. Une mesure que la coali-
tion avait promis de ne pas met-
tre en œuvre. « Toute la difficulté
est qu’une telle hausse ampute-
rait la consommation des ména-
ges d’au moins 0,5 point de pour-
centage, et le PIB de 0,3 point »,
calcule M. Nobile.
Or, la croissance est déjà au
point mort. Elle a été nulle au
deuxième trimestre, après avoir
progressé de 0,1 % seulement sur
les trois premiers mois de l’an-
née, et reculé de 0,1 % sur les
deux derniers trimestres de 2018.
« Le pays est englué dans la sta-
gnation depuis de longs mois »,
résume Lorenzo Codogno, pro-
fesseur à la London School of
Economics. Selon lui, il pourrait
plonger en récession cette année.
Ces difficultés tiennent en par-
tie à la guerre commerciale et
aux turbulences traversées par
l’automobile allemande : le tissu
industriel du nord de la pénin-
sule, très ouvert aux exporta-
tions, est particulièrement af-
fecté. « Mais le pays souffre sur-
tout de problèmes structurels de
long terme, particulièrement dif-
ficiles à résoudre », explique
Patrick Artus, économiste chez
Natixis. Plutôt efficace dans les
années 1970, son modèle écono-
mique, reposant notamment sur
des PME travaillant en réseau,
s’est érodé dès les années 1980, et
a subi de plein fouet la concur-
rence de la Chine, après son en-
trée dans l’Organisation mon-
diale du commerce en 2001.
Le spectre d’une sortie de l’euro
Face à ces difficultés, les entrepri-
ses n’ont pas suffisamment mo-
dernisé leurs outils de produc-
tion et innovent trop peu. S’ajou-
tent à cela la forte division entre
le Nord, encore dynamique, et le
Sud du pays, plus pauvre, ainsi
que la lenteur de la bureaucratie
et les dysfonctionnements de la
justice. En outre, la population
active décline, du fait du vieillis-
sement démographique et de
l’émigration des jeunes diplô-
més, pesant sur le dynamisme de
l’activité.
Résultat : la croissance poten-
tielle est aujourd’hui proche de
zéro, rendant le fardeau de la
dette publique particulièrement
lourd. Certes, celle-ci est détenue
pour l’essentiel par les résidents
italiens, ce qui est plutôt rassu-
rant. De plus, la politique accom-
modante de la Banque centrale
européenne, qui s’apprête à re-
lancer ses rachats de titres pu-
blics, limite les risques d’une en-
volée spéculative. Il n’empêche :
certains économistes proches de
la Ligue agitent régulièrement le
spectre d’une sortie de l’euro,
susceptible selon eux de permet-
tre au pays de reprendre le con-
trôle de son économie. Un tel scé-
nario aurait surtout pour effet
d’entraîner l’ensemble de l’union
monétaire dans le chaos.p
marie charrel
LES DATES
4 MARS 2018
Lors des élections générales,
le Mouvement 5 étoiles (M5S) fait
une percée avec 32,7 % des voix.
La Ligue (extrême droite) de
Matteo Salvini en obtient 17,4 %.
18 MAI
La Ligue et le Mouvement 5 étoi-
les se rapprochent et annoncent
un programme de gouverne-
ment. Quelques jours plus tard,
ils choisissent Giuseppe Conte
comme chef du gouvernement.
16 OCTOBRE
Le président de la Commission
européenne, Jean-Claude Junc-
ker, annonce qu’il rejette le
projet de budget de la coalition
italienne. Après un bras de fer,
Bruxelles et Rome finissent tou-
tefois par s’entendre le 19 dé-
cembre sur un budget amendé.
7 AOÛT 2019
Le Sénat italien vote pour
le projet de TGV Lyon-Turin,
en dépit de l’opposition du M5S.
Matteo Salvini se saisit
de cette occasion pour faire
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