traitement de saveur
Iode àlamer.
Tous les goûTssonTdans la naTure. en cuisine, ils sonT légion.
PrésenTdansl’eau,la flore eT lafaune mariTimes, ceT oligoélémenT
donneauxPoissons,coquillages eT algues leur inimiTablesaveur océane.
un inconTournable Pour les chefs amoureuxdularge.
parCamille labro—photobenjamin SChmuCk
paletteorganoleptique marineimprégné edepoésie.
Pour HervéBourdon,auPetit HôtelduGrand Large,à
Quiberon,c’est «lesouvenir desplagesdel ’enf ance,des
galets ch auds et salésqu’on léchait, despromenadesà
maréebass e,dessensationssolaires et marines». Son
amourdel ’iode s’incar ne dans unplat de palour des, aux
«saveursàlaf oisterreuses,végétalesets alin es», qu’il
ouvrecrues et fume rapidementdansunbouquetde
romarin.L’iode est égalementomniprésent àlat able du
Coquillage, le restaurant familial dontHugoRoellinger
areprisles rênesilyacinqans,après unepremière
carriè re dans la marinemarchande.Amoureux de la mer,
le jeunechefentametoujours sonmenupar un petitplat
puretpercuta nt,qui se boit autant qu’ilsemange,
intitulé l’Estran.Une entrée en matièrequi mêledes
textures et dessaveurs océa nes, nettoie laboucheet
fait écho au paysagequi encadreler estaurant,perché
surlab aie cancalaise –ses grandesmarées, sesrécifs,
sesembruns,ses parcsostréicoles. «L’iodefaitpartie
de mon ADN, explique Hugo Roellinger. Ceplat associe
différen tesnuancesiodéesdem on un ivers,celletrès
vive de l’huître sauv age,l’iode végétaldes alguesetd es
plan teshalophyte s,le côté animal avecl’ormeau,qui est
un peuleg ibie rdelamer,uni odeassez floral,légère-
ment sucré,avecles oursins,ou encore la nuance saline
et tourbéeduw hisky.» CommeMichel Bras quia
retranscrit sonterroir végétaldansson célèbregar-
gouillou,lec hefbretonrésumeici sonterroir marin
dans unbol. Mais c’est aussiune écritu re culin aire très
métaphor ique. «C’est la première bouchéedur epas,
et aussiune référence àlad ernière gorgéedu noyé :
un hommageauxdisparusenm er,comme uneretrans-
cription de ce ttesensation un iverselledep long er la tête
sous l’eau,pour se re conne cter auxsensationsprimaires,
sentirlef roid,las érén ité,l’immensité.C’estleg oûtdu
silence de la mer.» Un goûtqui prend le la rge.
Le Petit Hôtel du Grand Large, 11, quai Saint-Ivy,56510 Saint-Pierre-Quiberon
Le Coquillage, la table des Maisons de Bricourt au château Richeux,
Le Buot, 35350 Saint-Méloir-des-Ondes
lorsquel’on décriT un PlaTcomPosé d’ingrédienTsmarins
–Poissons, algues,coquillages ou crusTacés–onévoque sou-
venT dessaveurs iodées. Pourtant,l’iode n’est pasungoût.
C’est un ol igoélémentessentiel,dontlac arence comme
l’excèspeuvent entraîner divers problèmes, alle rgiesou
pathologies. Élémentchimique desymbole Ietde
numéroatomique 53,appartenantàlafamilledes
halogènes (commelefluor,lec hlore ou le brome),assez
rare dans la nature,l’iode doit sonnom augrec iôdês ,
quisignifie«auxrefletsviolets». Au ssivital que létal, il se
prés ente sous formedepaillettesgrise sbrillantes, et se
volatiliseenvapeurs violacées,irritantespourles voies
respir atoires.Son goûtest fortementmétallique.Les en-
tirdanssaboucheest pl utôt mauvaissigne,car il peut
indi querune prés ence en quan tité excessivedansl’orga-
nisme. Se lonlechercheuretgastronomeChristophe
Lavelle, identifier le goûtiodé quandonest fin gourmet,
c’est surtout «une façondef airelad istinction entre les
bonnesetl es mauvaisessaveursmarines». Carl’iode ou
plutôtses sels (les ioduresetl es iodates) sont particuliè-
rementprésentsdansles écosystèmescôtiersetmarins,
l’eau,laf aune et la flore maritimes. Ce qui«sent bon
la mer et l’iode»seréfèreaux poissons,alguesou
coquillages pleins de vieetdefraîcheur.Maislorsque
cela «pue le poisson»,loin de toutedélicatesse saline,
c’est la fauteaux triméthylami nes, molécules dérivéesde
l’ammoniac, sécr étéespar lesanimaux marinslorsqu’ils
commencent àsedégrader. «Lafrontièreest fineentre
lesbonnesetl es mauvaisesodeurs, note le chercheur,
tout commeellel’est entre lesbonsetl es mauvaisgoûts:
il ne s’agit so uventque d’uneaffairedec oncentration.»
Àmoins que cela ne soitune questiondesensibilité phy-
siologique,commedanslec as de l’ étrangemollu sque
méditerranéenappelévioletoubiju, de sonnom savant
Microcosmu ssabatieri, auxsaveurs marines iodées ultra-
puissantes–intolérables pourcertainspalais, délec-
tables pourd’autres.
Ce n’est donc pasdel’élémentchimique dont on parle
lors que l’onse réfère au goûtiodé,maisplutôtd’une
Scénographie :Scénographie
:Nicolas Mur
MLemagazine du Monde — 10 août 2019