Chasseur d’images N°414 – Août-Septembre 2019

(Michael S) #1

34 CI 414 - Août-septembre 2019


Quand et comment avez-vous
compris que vous seriez photo-
graphe et à quoi devez-vous
cette priorité pour le portrait?
Ludovic Carème —Je devais avoir
treize ans quand j’ai rencontré
Georges Tourdjman par l’intermé-
diaire d’une amie qui posait pour lui.
L’atmosphère du studio a été un
choc, je me suis dit que c’était ce que
je voulais faire. Le deuxième déclic
est venu un peu plus tard, avec la
découverte du traitement de la
photo d’auteur dans Libération. J’ai
commencé à m’intéresser à des pho-
tographes comme Eugene Smith,
Diane Arbus, Robert Frank, Richard
Avedon, Dorothea Lange. Avant ma
formation à l’ETPA à Toulouse, je
pressentais l’importance du portrait.
Par quelle porte êtes-vous par-
venu à vous imposer dans le
domaine de la presse?
Avec Libération! En 1995, je repar-
tais pour la deuxième fois en Bosnie.
Sur une idée de reportage de Jean
Hatzfeld, nous avons fait les portraits
de réfugiés de Srebrenica qui arri-
vaient à Sarajevo. J’ai alors com-
mencé à travailler comme pigiste

Renato devant chez lui,
Favela Agua Branca,
São Paulo, Brésil 2009
© Ludovic Carème 2009/Modds

Maria chez elle, Seringal Santo
Antonio, Acre, Brésil 2017
© Ludovic Carème 2017/Modds

plus régulièrement avec Fred Babin,
Violaine Joire, Luc Briand, Laurent
Abadjian, et toute l’équipe du service
photo. C’est à la suite de la publica-
tion de mes portraits des grévistes de
la faim de l’église Saint-Bernard que
Nova, Té l é r a m a, L’Express, Elle,
L’Équipe Magou encore le New York
Times ontcommencé à me contacter,
parfois pour des reportages et surtout
pour des portraits de personnalités
du milieu culturel. Je suis représenté
par l’agence Modds, créée en 2011
par Marie Delcroix et Olivia Delhostal ;
Olivia diffuse mes images depuis une
vingtaine d’années.

Qu’est-ce qui vous a dirigé vers le
Brésil et quelle a été votre pre-
mière impression?
Je travaillais plutôt bien en France
mais je voulais créer une rupture et
revenir à la photo documentaire. Je
me suis installé à São Paulo tout
en continuant à travailler pour la
presse française. Le Brésil est un pays-
continent. C’est ce que l’on ressent
quand on y vit. J’ai été choqué par le
racisme, la discrimination et la misère
dans les favelas. On connaît l’Histoire
du point de vue des vainqueurs, j’es-

Portrait


Depuis son arrivée au Brésil en 2007,
Ludovic Carème s’intéresse
aux conditions d’existence d’une partie
des habitants confrontés à la précarité,
au harassement du travail,
à la perspective des expulsions.
Entre la mégapole de São Paulo,
ses trottoirs, ses favelas et la forêt
amazonienne, Carème construit l’image
d’une population laissée au bord de
l’essor d’une des cinq économies
émergentes mondiales, telle qu’elle
apparaît dans sa vérité et sa dignité.
Entretien avec un photographe
qui du portrait fait un argument.

LUDOVIC


CARÈME


DR

São Paulo,


Amazonie,


dur Brésil

Free download pdf