Mardi 6 août 2019SUD OUEST
Jean-Denis Renard
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M
ême au cœur de l’été, Brune
Poirson fait le métier. Alors
que sa ministre de tutelle, Éli-
sabeth Borne, donne surtout le senti-
ment de réciter l’annuaire téléphoni-
que, la jeune secrétaire d’État à la Tran-
sition écologique a coutume
d’enrober sa communication d’ac-
cents de conviction. Elle les a emportés
dans ses bagages, hier à La Seyne-sur-
Mer (Var), où elle présentait la charte
d’engagement « Une plage sans dé-
chets plastique pour des communes
littorales éco-exemplaires ».
De quoi s’agit-il? En gros, de sous-
crire à tout ou partie de quinze ac-
tions concrètes déclinées par ce do-
cument pour mieux lutter contre
le fléau de la pollution plastique sur
le sable. Pêle-mêle, on citera la mise
en place d’une information tous pu-
blics à l’entrée des plages, la forma-
tion du personnel aux bonnes pra-
tiques du nettoyage manuel de l’es-
tran (1), l’équipement en containers
de tri des espaces publics en sortie de
plage, l’obligation du zéro plastique
pour les événements organisés au
bord de l’eau, l’expérimentation du
retour de la consigne sur les conte-
nants alimentaires, etc. Les commu-
nes qui respecteront cinq, dix ou la
totalité de ces engagements pour-
ront espérer en bénéficier en ter-
mes d’image.
« La lutte contre la pollution plas-
tique est une priorité que nous me-
nons sur tous les fronts. Le niveau
local est primordial », a appuyé
Brune Poirson, au bord de la Médi-
terranée, la mer la plus polluée d’Eu-
rope si l’on en croit les conclusions
présentées, il y a une semaine, par
Ifremer, l’Institut de recherche pour
l’exploitation de la mer.
Et le Pavillon bleu alors?
Reste à évaluer la pertinence de
cette louable initiative. Controversé
- il est géré par une association –
mais connu du plus grand nombre,
créé dès 1985 sur le littoral français, le
Pavillon bleu récompense déjà l’ex-
cellence environnementale des
communes qui candidatent. Il
prend en compte la mise à disposi-
tion des poubelles de tri comme la
sensibilisation du public. Est-il bien
nécessaire d’empiler les labels?
Surtout, l’échelon de proximité
s’avère essentiel pour la qualité des
eaux de baignade, le critère de base
du Pavillon bleu. L’efficience des ré-
seaux locaux d’assainissement des
eaux usées reste le premier des pa-
ramètres. En matière de pollution
plastique, la réalité est bien plus
compliquée.
Tributaires des vents et des cou-
rants, les déchets marins s’échouent
sans égard pour les limites commu-
nales. Quand ils proviennent de la
terre, ce qui est le cas le plus cou-
rant, leur gestion s’entend à l’échelle
d’un bassin versant, qu’il s’agisse
d’un petit fleuve côtier comme
l’Uhabia – dont l’embouchure se si-
tue dans le Pays basque, à Bidart –
ou d’un estuaire de la taille de la Gi-
ronde. Exemple assez parlant, le bar-
rage flottant qui a officié un temps
sur l’Adour, à hauteur de Urcuit,
dans le Pays basque. Avant son dé-
mantèlement, il a collecté
18 000 m³ de déchets en tous genres
en l’espace de cinq ans...
Le plus grave est invisible
Le fléau des déchets marins en plas-
tique entretient par ailleurs un
point commun avec les icebergs :
l’essentiel est invisible. Il stagne au
fond des océans ou entre deux eaux.
Surtout, le plastique est fragmenté au
point de disparaître à l’œil nu et de
former une soupe plus ou moins
concentrée dans
la colonne d’eau.
C’est tout le pro-
blème des micro-
particules, voire
des nanoparticu-
les de plastique,
qui véhiculent des
agents pathogè-
nes (bactéries, pa-
rasites) dans le milieu océanique et
entrent dans la chaîne alimentaire.
Seule la réduction à la source du
plastique vierge serait susceptible
de ralentir la machine infernale. Ain-
si que la récupération des déchets
qui stationnent dans les sols depuis
le début de l’ère du plastique – en
gros, les années 1950 – et qui vont
graduellement se déliter en particu-
les fines, être captés par le ruisselle-
ment des eaux puis finir dans les
océans quelques décennies plus
tard.
Selon Nathalie Gontard, directrice
de recherche à l’Inra (Institut natio-
nal de la recherche agronomique)
et spécialiste de la question, les re-
buts plastiques présents dans le mi-
lieu marin ne représentent pas plus
de 3 % du total. La quasi-intégralité
de ces déchets est stockée dans les
sols de tous les continents peuplés.
Une bombe à retardement.
(1) Partie du littoral périodiquement
recouverte par la marée
Des ramassages de déchets sont régulièrement organisés sur les plages de la région. ARCHIVES J.-M.D.
POLLUTION L’État lance une charte
nationale à destination des communes
littorales. L’objectif : lutter contre les
déchets en plastique sur les plages.
Quelle sera son efficacité réelle?
Le défi impossible des
Le fait du jour
La quasi-
intégralité
de ces
déchets
est stockée
dans les sols
Depuis plus de vingt ans, Jean-
Louis Léonard est le maire (LR) de
Châtelaillon-Plage, une commune
littorale au sud de La Rochelle, en
Charente-Maritime.
« Sud Ouest » Comment gérer
les déchets sur les plages?
Jean-Louis Léonard Il faut diffé-
rencier ce qui arrive par la mer de
ce qui résulte de l’activité estivale.
Sur le second registre, je constate
quand même une diminution des
déchets, qu’il s’agisse du plastique
ou des canettes de bière. La popu-
lation a développé une certaine
conscience de son environne-
ment, il y a une évolution positive
des comportements. On a un peu
de mal avec les mégots de cigaret-
tes, on doit bien en ramasser plus
de 500 kilos à l’année sur nos trois
kilomètres de plage. On a tenté
d’offrir des cendriers mais on les
retrouvait dans le sable eux aussi...
Et sur les déchets échoués?
Là aussi, j’ai l’impression qu’il y a
du progrès. Le temps des décharges
espagnoles qui se déversaient
dans la mer est terminé depuis
longtemps.
Quel dispositif mettez-vous en
place pendant l’été?
La commune utilise deux machi-
nes qui tamisent quotidienne-
ment le sable sur 10 cm. Nous
avons aussi des poubelles, qu’il
faut veiller à vider souvent. Nous
n’avons pas attendu une charte
pour nous occuper de la propreté
de nos plages.
Recueilli par J.D.R.
« Nous n’avons pas attendu
une charte pour nous occuper
de la propreté de nos plages. »
ARCHIVES JEAN-CHRISTOPHE SOUNALET/ « SO »
CHÂTELAILLON-PLAGE (17) Le maire, Jean-Louis
Léonard, a le sentiment que les estivants respectent
mieux l’environnement balnéaire qu’auparavant
« Une évolution positive »
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