GEO Histoire - 04.2019 - 05.2019

(Tina Meador) #1
L’ancien compagnon de César est devenu l’ennemi
de la République. Leur confrontation a lieu sur mer,
en 31 av. J.-C., au large d’Actium, sur la côte occi-
dentale de la Grèce. Deux cent mille hommes au
total, près de 300 navires de part et d’autre, les forces
sont équilibrées. Mais les talents militaires du pro-
videntiel Marcus Agrippa auront raison de la fl otte
égyptienne. Marc Antoine et Cléopâtre se replient.
L’année suivante, lorsque les armées romaines
pénètrent dans Alexandrie, les deux amants, vain-
cus, se donnent la mort. Octavien devient seul
maître de l’avenir de Rome. Comme l’observe sobre-
ment l’historien Yann Le Bohec :
«La République avait vécu.»
La suite se déroule sans plus de
heurts. Nul coup d’éclat pour celui
qui allait asseoir son ascendant
sur Rome : il réunit progressive-
ment entre ses seules mains tous
les pouvoirs qui existent déjà dans
les institutions républicaines. En
28 av. J.-C., il reçoit les titres d’im-
perator, consacrant ses victoires
militaires, et de princeps sena-
tus, qui l’autorise à parler le pre-
mier au Sénat quel que soit le
sujet abordé. En 27 av. J.-C., le
16 janvier, on lui octroie la qua-
lité d’Augustus (Auguste), accor-
dée d’ordinaire aux divinités. En
23 av. J.-C., il se fait attribuer la puissance tribuni-
tienne, qui assure l’inviolabilité de sa personne.
Dix ans plus tard, il est pontifex maximus, c’est-
à-dire qu’il incarne l’autorité suprême en matière
de religion... Sans que cela n’ait jamais été dit,
Octave est devenu le premier empereur de Rome.

P


our autant a-t-il été un grand empereur?
Dès sa mort, en l’an 14 de notre ère, on a
vanté le siècle d’Auguste, ses réformes, son
sage gouvernement, l’épanouissement
des lettres et de l’art monumental, la Pax Romana...
La ville de brique était devenue ville de marbre,
selon les mots que Suétone attribue à Auguste,
mais la vraie richesse, pour le peuple, était avant
tout le retour à l’ordre et à la stabilité. Y avait-il
une nécessité historique, impérative, à cette sor-
tie de crise? Les choses auraient-elles tourné
autrement avec Sylla, César ou Marc Antoine?
L’historien ne peut avoir qu’une certitude : après
Auguste, Rome, sous sa forme impériale, allait
exister durant des siècles, jusqu’en 476, pour pro-
pager sa culture à travers le monde. C
PIERRE ANTILOGUS

gande. Jouant de la superstition de ses concitoyens,
il se sert de l’apparition d’une comète lors de céré-
monies données en l’honneur de César, pour faire
croire au peuple que le grand disparu revenu du
domaine des dieux le salue, lui, son héritier. Il
obtient du Sénat que César soit déifi é, ce qui le
hausse lui-même à la dignité de fi ls d’un dieu. Il
distribue aux troupes l’argent des ennemis pros-
crits afi n de gagner leur soutien. Plusieurs des
légions de Brutus et Cassius passent ainsi dans
son camp, avec 40 éléphants de guerre, les «chars
lourds» de l’époque. Pour faire main basse sur les
250 navires de combat que détient Sextus Pom-
pée, un général rebelle – le fi ls du grand Pompée –,
Octave va même jusqu’à épouser Scribonia, une
de ses parentes. Ce sera peine perdue.

L


a mort de César, en 44 av. J.-C., a plongé
l’empire dans le chaos. Les partisans du
dictateur aff rontent ses meurtriers... Tout en
se déchirant pour sa succession. Car Octave


  • qui se fait désormais appeler César Octavien –
    n’est pas le seul à se revendiquer héritier du grand
    homme. Il a face à lui Marc Antoine, fi dèle et popu-
    laire lieutenant de César. Les deux adversaires
    s’aff rontent militairement une première fois en
    43 av. J.-C., lors de la guerre de Modène. Puis la
    même année, et contre toute attente, ils scellent
    un accord pour éliminer les «conjurés». Comme
    César l’avait fait avec Pompée et Crassus, Octave
    et Antoine constituent un triumvirat avec Lépide,
    maître de la cavalerie romaine. Dotés de pouvoirs
    exceptionnels pour cinq années renouvelables, ils
    se proclament «triumvirs pour le rétablissement
    de la République». Sur un îlot du fl euve Lavinius,
    en présence de leurs légions prêtes à en découdre,
    les trois magistrats se partagent le monde. A Antoine
    la Gaule et la Cisalpine, et bientôt l’Orient, à Lépide
    la Narbonnaise et l’Hispanie, à Octave l’Afrique, la
    Sicile et la Sardaigne... L’alliance sera éphémère.
    En 36 av. J.-C., Lépide, qui profi te d’une victoire sur
    Sextus pour s’emparer de la Sicile, est exclu du jeu.
    Ne restent qu’Octave et Marc Antoine, l’«héritier
    testamentaire» contre l’«héritier spirituel», ambi-
    tieux et irréconciliables rivaux. Le choc était iné-
    vitable. Arrivé à expiration en 33 av. J.-C., le trium-
    virat n’est pas reconduit. Auréolé de la victoire qu’il
    a remportée contre les puissantes armées de Sextus
    Pompée, Octavien reçoit les honneurs de Rome.
    Fort de son audience, il multiplie les attaques ver-
    bales contre son adversaire. Marc Antoine, replié
    en Orient où il offi cialise sa liaison avec Cléopâtre,
    reine d’Egypte, est accusé de brader les intérêts
    romains au profi t de ses ambitions personnelles.


Il se sert du


passage d’une


comète pour


prétendre que


César l’a choisi


pour héritier


GEO HISTOIRE 111
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