acies : des fantassins rangés en trois
lignes, soutenus ici par la cavalerie.
La bataille commence. Le faible
centre de l’infanterie carthaginoise
avance légèrement. Les Romains se
ruent alors dessus. C’est un leurre. Sur
les ailes, les cavaliers carthaginois
attaquent ceux de Rome. Ceux de
l’aile gauche pulvérisent leurs adver-
saires. Au centre, l’infanterie romaine
avance à pas cadencés sur les Gaulois
et les Ibères qui reculent. Il est déjà
trop tard pour ces légions qui viennent
de s’enfermer dans un arc de cercle
avec les troupes africaines de Car-
thage qui se tournent alors vers elles.
Les Romains ont des ennemis sur trois
fronts! A ce moment, la cavalerie car-
thaginoise arrive à bride abattue pour
fermer le quatrième côté. Les Cartha-
ginois n’ont plus qu’à fi nir le massacre.
Selon l’historien Tite-Live, près de
50 000 Romains perdent la vie à
Cannes, contre seulement 5 700 du
côté de Carthage. Dans son Histoire
des guerres romaines (éd. Tallandier,
2017), l’historien français Yann Le
Bohec donne un autre indice de l’am-
pleur du carnage : «On dit que le frère
d’Hannibal rapporta à Carthage l’équi-
valent de 3 mètres d’anneaux d’or,
enlevés aux doigts des légionnaires
tués au combat.»
A Rome, c’est la panique. De mé-
moire de sénateur, jamais l’armée n’a
subi pareil revers. Malgré l’écrasante
défaite, la cité refuse de capituler.
Décidés à se battre jusqu’au bout, les
Romains recrutent encore plus dans
l’armée et reprennent la stratégie de
lente asphyxie de l’adversaire prônée
par «le Temporisateur»... Mais une fois
de plus, alors qu’il n’a aucun obstacle
devant lui, Hannibal ne prend pas le
chemin vers Rome. Sans doute sait-il
que son armée n’a pas les moyens
d’assiéger la ville.
Le chef militaire reste dans le sud
de la péninsule. A Capoue, durant
l’hiver 215 av. J.-C., il off re à ses soldats
une longue période du repos et de
plaisirs dans cette ville de Campanie
qui s’est ralliée à lui. Les renforts et
les alliances qu’il espère n’arrivent
pas. Progressivement, Hannibal perd
l’avantage stratégique qu’il avait ac-
quis sur son ennemi. Maharbal, l’un
de ses généraux qui plaidait pour une
attaque éclair sur Rome après Cannes,
lui aurait dit, cité en latin par l’histo-
rien antique Tite-Live : «Vincere scis,
Hannibal, victoria uti nescis.» («Tu
sais vaincre, Hannibal, mais tu ne sais
pas tirer profi t de ta victoire.»).
Treize ans après la victoire de
Cannes, Hannibal est finalement
rappelé en Afrique du Nord pour
défendre Carthage. Sans succès. La
bataille de Cannes restera tout de
même son chef-d’œuvre. Toujours
enseignée dans les écoles militaires,
sa brillante tactique aurait servi de
modèle à d’autres grandes off ensives,
comme le plan Schlieff en qui a servi
de support à l’Allemagne pour atta-
quer la France en 1914. C
Hannibal triomphant. Cette
sculpture de Sébastien
Slodtz (1655-1726) montre
le chef militaire de Carthage
contemplant sa victoire.
http://www.bridgemanart.com
Henry Guttmann Collection/Getty Images
De mémoire de sénateur, jamais les
Romains n’avaient subi un tel revers
au centre de ses lignes. Les Carthaginois encerclent alors l’ennemi par les côtés et l’arrière.
GEO HISTOIRE 59