GEO Histoire - 04.2019 - 05.2019

(Tina Meador) #1
Gianni Dagli Orti/Aurimages

A


u IIe siècle de notre ère, l’acerbe
Suétone brocardait les «Gaulois à
demi-barbares» fraîchement élus
sénateurs qui se perdaient dans
les rues de Rome. L’auteur des Vies
des douze Césars était de mau-
vaise foi : à l’époque, sous le Haut-
Empire, de telles promotions restaient rares pour
les étrangers. Toutefois, l’anecdote témoigne bien
du processus d’intégration des territoires extra-
italiens, initié sous la Rome républicaine. En
annexant la Sicile, en 241 av.
J.-C., la cité du Latium, déjà maî-
tresse de toute la péninsule,
avait entamé sa conquête inexo-
rable de la «terre habitée». Deux
siècles plus tard, son empire
s’étendait sur tous les rivages
de la Méditerranée. Comment
administrer cet espace colos-
sal s’étirant sur près de 3 mil-
lions de kilomètres carrés?
Selon l’historienne Mary Beard,
la domination romaine s’est
exercée sans programme préa-
lablement établi et sous des
formes très diverses «depuis des
traités de non-intervention et
d’amitié à la présence plus ou
moins permanente de troupes
et de fonctionnaires, en pas-
sant par la prise d’otages pour
s’assurer du bon comportement
des voisins», comme elle le ra-
conte dans son ouvrage S.P.Q.R.,
Histoire de l’ancienne Rome
(éd. Perrin, 2016).
Aux yeux du Sénat, en charge
de la guerre et de la diplomatie,
le système de gestion indirecte
était de loin le plus économique.
En transformant les régions sou-
mises en «simples» royaumes
clients ou en Etats vassaux,
Rome évitait de disperser ses
hommes et ses moyens. En la matière, la conquête
de l’Orient est un cas d’école : le bassin est de la
Méditerranée fourmillait de principautés «amies
du peuple romain», dirigées par des rois vaincus
maintenus dans leurs fonctions ou par des hommes
désignés directement par Rome. Hérode, le plus
célèbre de ces monarques, fut placé sur le trône de
Jérusalem en 40 av. J.-C. par décision du Sénat. Ces
partenaires privilégiés conservaient la haute main
sur leurs affaires internes et bénéficiaient de la

protection de la puissance suzeraine. En échange,
ils devaient fournir des contingents et des rensei-
gnements militaires à l’armée romaine et, le cas
échéant, servir d’Etat tampon. Toutefois, le clien-
télisme avait ses limites : il nécessitait une vigi-
lance diplomatique de tous les instants. Au Ier siècle
av. J.-C., Rome l’a appris dans la douleur quand les
coups de boutoir répétés de Mithridate VI, le roi
du Pont, ont fait souffler un vent d’insurrection en
Asie Mineure pendant plus de vingt-cinq ans.

COMMENT


L’ÉTAT ROMAIN


A MIS AU


PAS TOUTES


SES PROVINCES


Administration des territoires conquis,
pression fiscale, contrats militaires...
La Ville éternelle a usé de tous les
moyens pour gérer son développement
titanesque, de la Méditerranée à l’Asie
Mineure, à partir du IIe siècle av. J.-C.

LA COLONISATION


82 GEO HISTOIRE
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