Le Monde De La Photo N°116 – Juin 2019

(Chris Devlin) #1

(^24) I LE MONDE DE LA PHOTO
ÉVÉNEMENT
Photo
: P
ascal Maître
Le maître de cérémonie de cette masterclass
est Pascal Maître. Un sacré personnage qui
a parcouru l’Afrique, une bonne quarantaine
de pays au compteur. Il n’est pas dans
l’emphase ou l’agitation. Peut-être un faux
calme, mais il dégage force tranquille et
détermination en acier, ce qui transparait
lorsqu’il évoque sa vie de photographe
et ses péripéties professionnelles. La
perception de son métier dénote une
personnalité originale : il se définit comme
un conteur d’histoires, terme qu’il affectionne.
Souvent, il ne dit pas « j’ai un projet photo
ou une commande d’images », mais « je
travaille sur une histoire » ou « j’ai une
histoire en commande... D’ailleurs, il ne »
photographie pas au quotidien, car la photo
est juste le moyen de raconter par l’image.
Il travaille essentiellement pour la presse,
National Geographic, Geo, Paris Match ou le
Figaro Magazine, entre autres. Lors de notre
périple vénitien, on l’a juste vu sortir son
téléphone, le temps de quelques clichés : il
n’avait pas d’appareil photo en bandoulière...
Parmi les lecteurs, deux « anciens » et un
nouveau. Raphaelle Monvoisin et Jean-
Joachim Crassous ont été les acteurs d’une
expérience digitale (MDLP 104) qui les a fait
crapahuter et photographier en Laponie, à
la découverte du grand froid, des étendues
neigeuses, des chiens de traineau... et
de l’EOS 6D Mark II. Pour l’expérience
vénitienne, ils ont été rejoints par Vincent
Bourchot, photographe amateur qui arpente
les rues de Paris et d’ailleurs avec son
Ricoh GR1, preuve qu’il n’est nul besoin
d’un matériel de pointe pour satisfaire sa
passion, alors que les deux autres travaillent
avec des reflex Canon, respectivement les
EOS 6D Mark II et 5D Mark IV, avec une
inclinaison pour la photo de nature.
PASCAL, L’AFRICAIN
L’atelier de deux jours a débuté par la
présentation par Pascal Maître de son
travail et de sa philosophie de prise de vue
(lire l’entretien sur le site). Sachez qu’outre
l’Afrique parcourue au début de sa carrière
de photographe, il a aussi promené son
œil en Afghanistan, en Sibérie, Irak, Iran,
Sibérie ou en Colombie du temps des Farcs.
L’entendre parler de sa manière de travailler
vaut tous les workshops du monde. Si
une photo est l’image d’un instant, Pascal
Maître ne s’en satisfait pas : sa vision est
celle d’un récit avec des photos fortes qui
s’inscrivent dans une série d’images qui
véhiculent un propos. C’est un conteur
d’histoires, un storyteller. Sa méthode de
travail constitue la trame l’atelier. Bien que
le workshop ait formellement dévié du sujet
original, son contenu appliqué à sa pratique
du reportage était loin d’être hors sujet.
Un reportage ne s’improvise pas, non
seulement pour en assurer la cohérence,
mais pour éviter de nombreux écueils. « Les
activités préliminaires constituent la moitié
du travail. Le reportage se présente comme
une énigme. Il faut trouver l’idée et l’endroit
où se feront les photos intéressantes. Je
cherche des situations. Photographier
tout le temps ne permet pas de voir les
choses. On a beaucoup d’images, mais pas
d’images qui restent. Par exemple, pour
mon travail sur le fleuve Congo, j’ai rapporté
130 000 photos, soit 1 000 par jour. 56 ont
été projetées, seulement 18 publiées. Ce qui
reste physiquement doit être exceptionnel.
Il faut consacrer toute son énergie pour les
obtenir et ne pas se disperser. »
UNE BONNE PRÉPARATION
Au choix d’un thème et d’un endroit s’ajoute
la recherche d’informations pour alimenter
un dossier et laisser le tout prendre forme
dans sa tête. J’enquête auprès des gens sur
place. « En France, on est freelance. Quand
le sujet a muri, je le propose et il faut
trouver le bon timing, montrer son intérêt,
son originalité. Il faut être libre et faire ce
qui nous passe par la tête sans contrainte,
car on dispose d’outils formidables, les
reflex numériques. C’est dans l’originalité
que l’on accroche des gens. Il faut étonner
avec le sujet, la couleur, la composition...
Le photographe n’a pas la même légitimité
qu’un journaliste. Pour un magazine, il faut
donc qu’une de ses photos puisse faire
l’objet d’une double page exceptionnelle
d’ouverture en début d’article. Pour porter
l’histoire. » « Dans un reportage, la photo-
clé correspond à une prise de risque », pas
forcément physique. « C’est une piste qui
peut ne pas aboutir. Cela consomme du
temps pour quelques images. » Il raconte
que pour son reportage Quand l’Afrique
s’éclairera, l’emblématique photo d’un
Consacré à l’Afrique subsaharienne,
Afrique noire, paru aussi sous le
titre Incroyable Afrique, reflète
trente années de parcours
photographique, couvrant le
continent sous de nombreux
aspects : les paysages, mais aussi
la politique, les traditions et les
conflits (Édition R&CO).
La composition reflète bien
l’activité de la lagune où
s’entremêlent les gondoles,
le célébrissime vaporetto,
le bus aquatique de Venise
et les vedettes. 
Canon EOS R avec RF 24-105 mm
f/4L IS USM à 24 mm, f/4,
1/5 000s, 160 Iso
Photo
:
Raphaëlle Monvoisin

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