Le Monde De La Photo N°116 – Juin 2019

(Chris Devlin) #1
LE MONDE DE LA PHOTO I 25

accouchement, prise au Bénin, sous une
lumière artificielle, a demandé une longue
préparation, de la recherche, une mise en
confiance, des explications, sans jamais
chercher à cacher qu’il était photographe.
« Un climat s’installe lors des discussions
dans la journée. Au bout de dix jours, une
sage-femme m’a appelé. »
Travailler pour National Geographic comme
le fait régulièrement Pascal est une dure
école, car les images doivent dire quelque
chose, sinon elles sont rejetées, quelles
que soient les qualités esthétiques
ou autres que le photographe y voit.
« Et surtout ne jamais parler de ce que l’on
a pu prendre en photo! ajoute-t-il. Dans »,
la salle de conférence, il nous a présenté
et commenté certaines de ses images.
On est frappé par sa gestion des ambiances
lumineuses et la vibrance des couleurs,
au point de se demander si elles sont
naturelles. Il affirme que « oui ». « Je travaille
beaucoup sur la couleur et la lumière. On
apprend vite que cette dernière n’est
jamais deux fois la même. Il faut se méfier
du subconscient qui est vite satisfait, alors
qu’en réalité il est toujours possible d’aller
beaucoup plus loin dans ses prises de
vues. Il faut amener la situation jusqu’à
ce qu’elle meure, par exemple quand
la nuit arrive, que le ciel est noir et que
les gens en place sont partis ou que l’on
est chassé par eux ou la police. »


LES ARCANES DE L’ÉDITING
Une autre matinée a été consacrée à
l’éditing, qui doit être empreint d’une
volonté d’exigence et d’une philosophie
orientée vers l’histoire à raconter. « Divertir,
intriguer, surprendre et surtout étonner.
Le plus grand danger est l’ennui. Crie, ne
murmure pas se plait à rappeler Pascal, »,
citant des propos du photographe russe
Alexey Brodovitch qui a longtemps dirigé
le magazine de mode Harper’s Bazaar,
pour lequel il a fait travailler Richard Avedon.
Pascal commence par vider ses cartes
et renomme les photos avec le lieu, la date
du jour et un numéro de série. Il travaille
avec Photo Mecanic, un logiciel qui sert
principalement à l’import, l’affectation de
métadonnées IPTC, au choix et classement
des photos. Il prend ensuite du temps
pour renseigner les IPTC avec le copyright,
la zone géographique, les personnes,
les légendes et des commentaires sur
l’intérêt des images. Le traitement par
lots accélère la tâche. Il garde toutes
les images et n’en supprime pas sur le
terrain, arguant « du manque de recul ».
Et donne comme exemple des photos
de détail des Bouddhas de Bâmiyân,
qui n’entraient pas dans le cadre de son
reportage, mais devenus utiles puisque
les talibans les ont fait exploser.

LA MÉTHODE CBA
Il opère un premier choix qui ne retient
qu’une dizaine de pour cent des images.
Ce choix C contient des photos liées au
travail en cours, mais aussi des photos
« étranges qui présentent un intérêt
graphique et qui remonteront peut-être à
la surface plus tard Quelques jours après ».
vient le choix B qui peut correspondre, en
quantité, à la moitié du choix C. Il opère
alors des regroupements par famille.
Ensuite vient le choix A qui en élimine
encore une bonne moitié. Les images les
meilleures de ce groupe sont transcrites
en Tiff, le Raw étant toujours conservé. La
construction du reportage – l’histoire – est
établie avec une recherche parmi le choix A
de photos de liaison. Un monteur vidéo
parlerait de plans de coupe. Cette dernière
sélection en Tiff est dupliquée, réordonnée
logiquement et renommée. L’agencement
peut relever de deux stratégies. Soit il reflète
un ordre temporel et géographique, soit il
met en avant la quinzaine des meilleures
photos, le reste obéissant au classement
temporel et géographique. Cette seconde
solution est plus déstabilisante, car elle
se compose de deux récits, l’un sur
l’enchainement des meilleures images,
l’autre plus conventionnel. L’idée générale
reste cependant de défendre une histoire
et un propos, sachant que la présence
de deux-trois photos fortes en ouverture
est impératif. L’histoire est alors montée.
Entre les deux sessions de présentation et
de discussion, deux sorties vénitiennes ont
été faites. Le groupe s’est éparpillé dans

PHOTO MECANIC 6,
DE CAMERA BITS
Vendu
139 $,
architecturé
en 64 bits
pour être
plus rapide,
Photo
Mecanic
ne se préoccupe pas de la conversion
ou de la retouche. Son but est de faciliter
l’importation sélective des photos à
partir d’une carte mémoire ou d’un
disque dur, d’un SSD, de leur appliquer
des données IPTC avec de nombreux
outils pour accélérer le travail et éviter
les saisies répétitives (par lot, copier/coller
d’ensemble de métadonnées utilisateur,
abréviations correspondant à plusieurs
mots ou phrases). Il facilite la comparaison
d’images, deux par deux, et l’application
de notes étoilées et de balises colorées.
Il dispose d’une fonction de renommage
des fichiers et gère une sauvegarde
sur un second support. L’interface
principale est celle d’une planche-
contact, assortie d’un affichage plein pot
d’une image avec ses métadonnées,
son histogramme et ses indicateurs
d’écrêtage. Des commandes de partage
sont intégrées (planche-contact, email,
sites et réseaux sociaux, diaporama, galerie,
filigrane). Une version d’essai gratuite de
30 jours est disponible.

Photo : Laurent Katz

Pascal Maître en plein commentaire de ses images. 
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