Le Monde De La Photo N°116 – Juin 2019

(Chris Devlin) #1

(^30) I LE MONDE DE LA PHOTO
ÉVÉNEMENT
Comment avez-
vous commencé la
photographie?
J’ai commencé par des
études en littérature et à
26 ans, j’ai acheté mon
premier appareil, un
Mamiya C330. J’ai pris des
photos pendant quelques
années tout en faisant une
maîtrise d’art, mais je suis
autodidacte. En 1990, grâce
à une bourse Fulbright, j’ai
pu aller au Pays basque
où j’ai réalisé mon premier
reportage.
Pourquoi le Pays basque
comme premier lieu
d’exploration?
Je née dans l’Idaho, il y
a beaucoup d’immigrés
basques là-bas. J’ai grandi
avec leur danse, leur
musique et leur nourriture
parfois très épicée. Mon
grand-père me parlait aussi
souvent d’eux et surtout
de leur langue qu’il trouvait
mystérieuse. Ça m’a toujours attirée.
En grandissant, j’ai voulu découvrir la
culture basque à la source.
Parlez-moi de ce travail commencé
il y a 30 ans...
Je suis arrivée à Bayonne où j’ai pris le
train pour le terminus, Saint-Jean Pied
de Port. À mon arrivée, je ne parlais pas
français, en dehors de quelques mots
appris au lycée. J’ai pris quelques mois
avant de commencer les prises de vues,
car j’ai voulu m’imprégner des lieux
et des gens avant. Au fil des jours, j’ai
rencontré les habitants qui m’ont invitée
dans des festivals où dans leurs fermes.
C’est seulement à ce moment-là que j’ai
commencé à photographier. Je n’ai pas
voulu imposer mon appareil, mais faire
quelque chose qui me semblait juste, ce
qui nécessite du temps.
Qu’avez-vous voulu montrer du
Pays basque?
J’ai voulu montrer la richesse de la
culture basque, mon amour pour les
gens qui sont devenus des amis et de
la famille. J’y retourne d’ailleurs deux
fois par an, afin d’y voir mes amies, mes
sœurs et ma grand-mère basque. J’ai
aussi voulu montrer une façon de vivre,
très rurale. Des gens liés à la terre et à la
nature qui vivent au rythme des saisons
et une culture qui respecte beaucoup
l’environnement. J’ai aussi photographié
les gens qui travaillent, et leur vie
quotidienne. J’ai pris des paysages,
mais aussi de nombreux portraits
lorsque j’avais le courage de sortir mon
appareil devant les habitants.
En dehors de cette timidité des débuts,
avez-vous rencontré des difficultés
pour prendre ces portraits?
À cette époque, ça a été facile. Les
habitants m’ont très bien accueillie. Pour
mon premier Noël, par exemple, alors
que j’étais triste parce que mon époux
était aux États-Unis, au détour d’une
balade je suis tombée sur une grande
maison que j’ai cru abandonnée. Mais
en arrivant, un homme qui ressemble à
Picasso, a ouvert la porte et m’a invitée
à manger un grand repas avec toute la
famille, les enfants et les grands-parents
comme, dans un film de Bergman. Je me
suis sentie très bien et gâtée dans cette
région!

Les Basques sont très attachés à leur culture
et à leur langue et ne veulent pas se laisser
absorber par les cultures dominantes, française
ou espagnole

Par
Sandrine
Dippa
Photo
:
Miriam Rodriguez
DU PAYS BASQUE
AUX TOWNSHIPS
À l’occasion de la quatrième édition du Festival du Regard prévue du 24 mai
au 14 juillet, Anne Rearick présentera Township et Pays basque, deux séries
réalisées sur le long terme visibles à la Tour EDF de Cergy. Pour l’occasion,
la photographe, originaire de l’Idaho, nous parle de ces images répondant
à la thématique de cette année : « Habiter ».

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