Les Echos - 02.03.2020

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A Valenciennes, Toyota a annoncé la création de 500 nouveaux emplois. Phot o Eliot Blondet/Pool/Sipa

lLes Hauts-de-France figurent


sur la première place du podium


en matière de baisse du chômage.


lUne diminution portée par


le dynamisme du secteur tertiaire


et aussi de certaines activités


industrielles ou de la logistique.


Emploi : pourquoi les Hauts-de-France

veulent croire à la fin du cauchemar

Guillaume Roussange
— Correspondant à Amiens


Et si, après avoir été saigné à blanc
par la crise, le marché de l’emploi
dans les Hauts-de-France relevait
enfin la tête? Dans la région, beau-
coup veulent y croire, enhardis par
la baisse significative du chômage
enregistrée en 2019.
La baisse du chômage a atteint
–5,5 % l’an dernier, ce qui classe les
Hauts-de-France en tête des régions
françaises devant Provence-Alpes-
Côte d’Azur (–4,9 %) et Nouvelle-
Aquitaine (–4,8 %) et bien au-dessus
de la moyenne nationale (–3,1 %).
Tous les salariés et tous les territoi-
res sont concernés par cette diminu-
tion. Y compris les demandeurs
d’emploi de longue durée et les
seniors, pour lesquels cette baisse,
modeste, avoisine tout de même
0,5 % aux deux derniers trimestres.
« Malgré cette embellie, la région
ne rattrape pas son retard », tempère
Nadine Crinier, directrice régionale
de Pôle emploi. En moyenne, le
nombre de chômeurs plafonne en
effet à 10,5 %, deux points de plus
que la moyenne nationale. En outre,
ces chiffres ne sauraient refléter la
situation réelle des différents terri-
toires. « Par exemple, dans l’ex-Picar-
die, les créations stagnent. Dans
l’Oise, elles reculent. La diminution
du chômage s’explique par la démo-
graphie et l’évasion des salariés, qui
vont travailler en dehors du terri-
toire », affirme ainsi Patrick Le
Scouëzec, analyste à l’Insee Hauts-
de-France et délégué CGT.


Montée en qualification
Reste que les signaux encoura-
geants n’ont jamais été aussi nom-
breux, comme le révèlent les son-
dages d’intentions d’embauche
réalisés par Pôle emploi auprès des
entreprises de la région. Les der-
niers font figurer dans le Top 15 des
métiers recherchés, les fonctions
d’ingénieurs ou de responsable
R&D, métiers historiquement
absents du classement. Ainsi 6.000
de ces postes ont déjà été créés
l’année dernière pour alimenter des
entreprises aussi diverses que celles
d’e-commerce, avec des enseignes
comme Showroomprive.com, La
Redoute, ou de l’industrie aéronau-
tique, comme Stelia Aerospace, à
Méaulte (Somme). Dans le ferro-
viaire, Alstom a ainsi annoncé, fin
janvier, un plan de recrutement de
90 personnes, dont la moitié de


CHÔMAGE


l’offre de formation. Les
employeurs font part des besoins
en compétences, des offres
d’emploi, pour que les acteurs
publics puissent orienter la
demande d’emploi ou développer
les formations ad hoc. Ces SPEL
doivent également proposer des
actions concrètes pour favoriser les
relations école-entreprise ou l’ani-
mation locale, via le job dating par
exemple. « L’objectif est de “détecter
les signaux forts, tels que les oppor-
tunités économiques, mais aussi les
signaux faibles” du territoire »,
expliquaient Xavier Bertrand, pré-
sident de région, et Michel L alande,
préfet de région, lors du lancement
du dispositif, en juillet 2016.

Savoir-être des candidats
à l’embauche
Ces diagnostics locaux doivent
donc permettre de révéler des pro-
blématiques qui, souvent, passent
sous le radar des professionnels de

l’emploi. Ainsi, les réunions orga-
nisées dans le Douaisis ont mis en
lumière un manque d’information
des petits patrons vis-à-vis des
mécanismes d’aide et aussi des dif-
ficultés liées non pas aux savoir-
faire mais au savoir-être des candi-
dats à l’embauche. Idem dans
l’Aisne, où le SPEL de Thiérache,
réuni en février 2019, a permis

d’identifier des réponses possi-
bles, comme le recours au recrute-
ment par simulation.
« Souvent, il s’agit simplement de
permettre aux gens de se parler.
Nous avons par exemple fait le lien
entre Renault, qui recherchait des
salariés en vue d’une augmentation
de la production de boîtes de vitesses
automatiques, et un lycée profes-
sionnel proche qui ne remplissait
pas ses formations », explique
Philippe Lamblin, délégué aux
emplois à pourvoir de la préfec-
ture et de la région.
Selon les chiffres de la région, le
nombre de personnes formées
pour trouver ou retrouver un
emploi a augmenté de 42,3 %, pour
franchir, en 2019, la barre des
52.000 personnes, soit un budget
de 330.000 millions d’euros cha-
que année. Difficile pour autant de
mesurer la participation des SPEL
à ce résultat, a ucun bilan ne semble
en avoir été f ait depuis 2016. —G. R.

L’ Etat et les Hauts-de-France partagent


une stratégie de proximité


Une mesure « exemplaire ». C’est
l’adjectif employé par le ministère
du Travail à l’issue du Tour de
France des solutions en début
d’année, pour qualifier la stratégie
de dynamisation des services
publics pour l’emploi local (SPEL)
adoptée dans les Hauts-de-France.
Si elle n’e st pas révolutionnaire et
s’ajoute aux nombreux dispositifs
existants pour l’emploi, la méthode
a au moins le mérite du pragma-
tisme. Une fois par an, dans c hacun
des 26 bassins de vie de la région,
un élu régional et le préfet d’arron-
dissement se réunissent avec les
acteurs économiques locaux pour
analyser le tissu local, ainsi que

Po ur favoriser l’adéquation
entre offre et demande
d’emploi, la région
Hauts-de-France tente
de travailler au niveau
des bassins de vie et de
mobiliser les entreprises.

Olivier Ducuing
— Correspondant à Lille


Les entreprises nordistes familiales
étaient réputées pour leur réticence
particulière à ouvrir leur capital.
L’époque a manifestement changé.


En 2018, 123 sociétés de la région ont
réalisé une levée de fonds pour un
total de 393 millions d’e uros (don-
nées France Invest). A comparer à
un nombre de dossiers inférieur de
moitié cinq ans plus tôt.
Si les projets accompagnés sont
majoritairement petits, avec deux
tiers d’opérations en deçà du million
d’euros, les conséquences économi-
ques n’en sont pas moins très per-
ceptibles. Sur la seule année 2018,
France Invest a mesuré la création
de 2.500 emplois parmi les entrepri-

ses régionales ayant ouvert leur
capital. « Globalement, les entrepri-
ses accompagnées grandissent plus
vite et créent plus d’emplois que les
autres », analyse Christophe Deldy-
cke, président de Turenne Capital.

Un arsenal de fonds
toujours plus dense
Le c as sans doute le plus e mblémati-
que est celui de la société Cooptalis,
qui vient de lever 14 millions d’euros
(Idinvest, Crédit Mutuel Equity,
Finorpa et IRD), en plus de 6 mil-

lions de dette bancaire. La jeune
entreprise née en 2014, spécialiste
de la mobilité internationale, crée
des emplois par centaines, sans
compter de multiples acquisitions
dans le monde. Elle compte déjà
650 emplois pour un chiffre d’affai-
res de près de 50 millions d’euros et
vise les 1.000 salariés à court terme.
Mais tous les secteurs sont concer-
nés, du service à l’industrie, en pas-
sant par le biomédical, à l’exemple
d’AlzProtect, qui s’est ouvert à Xerys
pour accélérer son candidat médi-

cament contre la maladie d’A lzhei-
mer. Il faut dire que les outils finan-
ciers sont de plus en plus nombreux
en Hauts-de-France. Aux « histori-
ques » IRD, Finorpa et Picardie
Investissement se sont agrégés
beaucoup de nouveaux venus, qui
ratissent largement le marché du
private equity régional. Au premier
rang se trouve Nord Capital Parte-
naires, qui gère le portefeuille de
participations du Crédit Agricole
Nord de France, soit 220 millions
d’euros d’actifs. Mais bien d’autres

se sont implantés, tels Capital Crois-
sance, CapHorn Invest ou encore
NCI, pour les grosses opérations. Et
le conseil régional vient de complé-
ter doublement le dispositif : en
nouant l’an dernier un accord avec
le fonds Isia de financement des
équipements de production, qui
devrait mobiliser 150 millions
d’euros en trois ans ; puis en créant
fin 2019 un fonds de retournement,
Reboost, appelé à entrer comme
minoritaire dans les entreprises qui
traversent un trou d’air passager.n

Le capital-investissement dope l’emploi nordiste


Les ouvertures de capital
se multiplient dans les
Hauts-de-France. Les en-
treprises accompagnées ont
créé 2.200 emplois en 2018.


cadres et d’ingénieurs pour son site
de Petite-Forêt, non loin de Valen-
ciennes, qui produit des wagons
pour les RER d’Ile-de-France ou le
métro marseillais, par exemple.

Industrie et logistique
« Ces activités de haut niveau jouent
un rôle central car elles viennent sou-
tenir nombre de filières. Je pense que
la dynamique constatée dans les
Hauts-de-France repose sur le déve-
loppement de ces secteurs très quali-
fiés, mais aussi basés sur la
main-d’œuvre », reprend Nadine Cri-
nier. Dans le domaine industriel, les
exemples se sont multipliés au cours
des derniers mois. Comme à Valen-
ciennes, où Toyota a annoncé la
création de 500 nouveaux emplois,
qui porteront à 4.500 les effectifs de
son usine d’Onnaing. Ou à Beauvais,
où le fabricant de tracteurs Agco va
recruter 200 personnes dans une
nouvelle extension de son usine.
Des annonces qui ne sauraient
faire oublier, qu’en trente ans le
nombre de salariés dans l’industrie a
diminué de plus de 40 % pour passer
sous la barre des 290.0000 salariés.
« Même si Pôle emploi et la région
accompagnent réellement les entre-
prises, par exemple dans l’apprentis-
sage, l’industrie régionale reste assez
traditionnelle. Nous figurons en bas
de tableau pour les investissements en
R&D », déplore Patrice Pennel, pré-
sident du Medef Hauts-de-France
et dirigeant du groupe REG.
Si l’industrie patine, le secteur
transport et de la logistique, lui, ne
semble s’être jamais aussi bien
porté. Près de 40 % des d irigeants du
secteur prévoient de recruter en
2020, selon les prévisions de la CCI
Hauts-de-France. « Il s’agit d’un sec-
teur intéressant qui offre des proposi-
tions d’emploi à des populations qui
n’en avaient pas depuis parfois deux
générations. A condition, toutefois, de
leur permettre d’acquérir des savoirs
fondamentaux, y compris en infor-
matique », insiste Nadine Crinier.


  • 5 , 5 %


LA BAISSE DU CHÔMAGE
En 2019, les Hauts-de-France
se classent en tête des régions
françaises devant Provence-
Alpes-Côte d’Azure (–4,9 %)
et Nouvelle-Aquitaine (–4,8 %)
et bien au-dessus de la
moyenne nationale (–3,1 %).

« Souvent, il s’agit
simplement
de permettre
aux gens
de se parler. »
PHILIPPE LAMBLIN
Délégué aux emplois
à pourvoir de la préfecture
et de la région.

PME & REGIONS


Lundi 2 mars 2020Les Echos

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