Les Echos - 02.03.2020

(nextflipdebug2) #1
Les cours de l’or noir continuent de
couler sur fond de propagation de
l’épidémie de coronavirus et de
déroute des marchés actions. Sur la
semaine, les d eux i ndices o nt reculé
de près de 15 %. Vendredi, le WTI,
référence américaine, a lâché jus-
qu’à 7 %, à 43,85 dollars, un plus bas
depuis la fin du mois de décem-
bre 2018. Le brent a décroché jus-
qu’à 4,08 % testant la barre des
50 dollars, son niveau de 2019
quand l’Opep avait annoncé de nou-
veaux quotas.

Le silence assourdissant
de la Russie
« En d’autres termes, c’est retour à la
case départ pour l’Opep », consta-
tent les analystes de Commerz-
bank. « Cela rend d’autant plus
importante la réunion de l’Opep et de
ses partenaires (Opep +) la semaine
prochaine. » Aux yeux du marché, il
est impossible que cette alliance
entre le cartel pétrolier et la Russie
ne prenne pas de mesures drasti-
ques pour enrayer la chute.
L’entente entre Riyad et Moscou
n’est cependant pas au beau fixe. La
dernière réunion technique il y a

quelques semaines préconisait une
coupe à hauteur de 600.000 barils
par jour. La Russie avait opposé à
cette recommandation un silence
radio qui est devenu assourdissant.
La crise sanitaire du coronavirus
bat son plein, notamment en Chine,
premier importateur de brut au
monde.
Le marché n’a guère de doute
sur la volonté de l’Arabie saoudite.
Selon le « Financial Times », le
royaume plaide même pour
réduire la production de 1 million
de barils par jour. A l’approche de
la réunion, ce sont donc tous les
faits et gestes de Moscou qui
seront observés et analysés de
près. « Comme nous l’avons vu par
le passé, c’est la Russie qui doit être

convaincue quand il est question de
quotas », rappellent les analystes
d’ING. L’économie r usse étant plus
diversifiée que celles des pays du
Golfe, elle est moins sensible aux
prix du pétrole. Face à l’inquiétude
des investisseurs et après plu-
sieurs séances de baisse marquée,
le ministre russe de l’Energie
Alexandre Novak a pris la parole
pour rassurer les marchés.

At ténuer l’hypervolatilité
Cité par des agences de presse
locales, il a assuré être « satisfait »
de l’alliance avec l’Opep et « vou-
loir continuer à coopérer davantage
non seulement dans le cadre des
relations multilatérales de l’Opep +,
mais également en bilatéral » avec

Riyad. L’alliance « renouvelle son
engagement de trouver un consen-
sus pour une action conjointe afin
d’atténuer l’hypervolatilité des
cours », a affirmé le secrétaire
général de l’Opep Mohammed
Barkindo. L’Arabie saoudite
devrait en assumer le principal
effort. « Ce qu’elle a déjà commencé
à faire », soulignent les experts de
Commerzbank.
En mars, le royaume devrait révi-
ser à la baisse ses envois de brut vers
la Chine à hauteur de 500.000 barils
par jour en réponse à la faible
demande des raffineries chinoises.
Parmi les analystes, toute décision
de quotas inférieurs à
600.000 barils par jour accélérerait
la dégringolade. — E. Go.

La pression monte sur l’Opep et la Russie


pour soutenir le pétrole


L’or noir a reculé de près
de 15 % en une semaine.
A l’approche de la réunion
de l’Opep et de ses
partenaires, les discussions
se tendent. L’Arabie
saoudite plaide en faveur
d’une réduction de 1 million
de barils par jour.

les questions qui se posent


« Il faut s’attendre à une baisse


significative des investissements »


Quelles sont les conséquences
de l’épidémie pour
les entreprises?
Les résultats seront forcément
affectés par le choc de demande et
la détérioration de l’environne-
ment macroéconomique. Si l’on
ajoute l’effet boursier de la baisse
des capitalisations, on peut s’atten-
dre à une réduction significative
des dépenses d’investissement.
Individuellement, les entreprises
peinent à fournir des prévisions
très précises car, dans un second
temps, elles pourraient très bien
bénéficier d’un report de la
demande.

Que peuvent faire les banques
centrales?
C’est grâce à leur présence qu’il n’y a
pas de crise de liquidité à l’heure
actuelle. L’action des banques cen-
trales rend la panique des marchés
relative. En revanche, elle ne per-
mettra pas de compenser les effets
négatifs de l’épidémie sur l’écono-
mie. C’est le rôle de la politique
budgétaire. En Asie, plusieurs pays
ont déjà annoncé des mesures de ce
type-là, comme la Malaisie, qui a
débloqué une enveloppe équiva-
lente à 4,3 milliards d’euros. Par
ailleurs, avec la baisse du prix des
matières premières, l’inflation
devrait ralentir. La baisse des taux
réels permettra aux banques
centrales de baisser à nouveau
leurs taux.
Propos recueillis par S. Ro.

tendance actuelle, on ne peut pas
faire l’économie d’un scénario noir
dans lequel le monde ne parvien-
drait pas à contrôler l’épidémie et
où la situation se dégraderait, en
particulier dans les pays en déve-
loppement, avec un taux de décès
élevé. Dans ce cas, le taux de crois-
sance annuel moyen serait
ramené à – 1,4 % aux Etats-Unis, à –
3,3 % en Europe et à 1,5 % en C hine.
Dans l e scénario actuel – les straté-
gies de confinement entraînent
des coûts, mais la maladie est con-
tenue et disparaît au bout d’un tri-
mestre –, la croissance post-coro-
navirus atteindrait 1,5 % aux Etats-
Unis, 0,3 % en Europe et 5,1 % en
Chine.

Les échanges mondiaux
seront-ils durablement
marqués par le coronavirus?
Les ruptures qui sont en train de se
produire dans les chaînes d’appro-
visionnement risquent d’accentuer
la régionalisation de l’économie
mondiale. Autrement dit, non pas
une démondialisation, mais un
repli sur soi par grande zone géo-
graphique. Ce sera d’autant plus
fort que, depuis la guerre commer-
ciale avec les Etats-Unis, l’Asie
cherche à prendre plus d’autono-
mie. Le mouvement est en réalité
enclenché depuis 2008. La crise
financière qui a fragilisé l’Europe et
les Etats-Unis a joué, mais c’est sur-
tout à partir de 2010 et de la mise en
œuvre de l’accord de libre-échange
entre la Chine et l’Asean que le PIB
potentiel de la zone a explosé. Les
flux d’échanges vont continuer à
augmenter mais à l’intérieur de
chaque zone.

MATHILDE LEMOINE
Cheffe économiste
du groupe Edmond
de Rothschild

« Avec la baisse
du prix
des matières
premières,
l’inflation devrait
ralentir. »

Comment expliquer
la détérioration de la situation
sur les marchés la semaine
dernière?
L’emballement des marchés
s’explique par le fait que l’épidé-
mie de coronavirus n’est pas un
risque quantifiable pour les mar-
chés, mais plutôt une incertitude
au sens de Franck Knight [l’éco-
nomiste américain, fondateur de
la première école de Chicago et
auteur en 1921 de Risk, Uncer-
tainty and Profit, NDLR]. Cepen-
dant, il faut bien voir que ce sont
surtout les emprunts d’Etat amé-
ricains qui ont profité de leur sta-
tut de valeur refuge, e t les actions,
qui ont été touchées. Les marchés
réagissent à un choc à la fois
d’offre et de demande qui
impacte les p erspectives de crois-
sance à la baisse. Lors d’une véri-
table crise de marché, l’e nsemble
des actifs financiers sont orientés
à la baisse, y compris les obliga-
tions, comme on a vu lors de la
crise de liquidité de 2008.

Peut-on évaluer l’impact
macroéconomique de la crise
sanitaire?
Ce n’est pas un exercice classique
de prévision. En plus du scénario
central qui consiste à prolonger la

« Les ruptures
qui sont en train
de se produire
dans les chaînes
d’approvisionnement
risquent d’accentuer
la régionalisation
de l’économie
mondiale. »

La Banque des règlements interna-
tionaux (BRI) consacre une large
part de sa dernière revue trimes-
trielle à la tempête Covid-19. Tout
en analysant le choc de marché,
l’institution qui avait, on s’en sou-
vient, exprimé de fortes inquiétu-
des sur les « subprimes » améri-
cains en 2007-2008, salue la
résistance du système financier
mondial.
« Malgré les turbulences e t
l’inquiétude, le fonctionnement des
marchés et l’intermédiation finan-
cière ont bien résisté », souligne
Claudio Borio, le responsable du
département économique et
monétaire de la BRI. Pour lui, les
leçons de la crise d e la chute de Leh-
man Brothers ont été tirées. « Les
réformes réglementaires post-crise
destinées à renforcer les institutions
financières portent leurs fruits. »

Une crise boursière,
mais pas financière
Au trement dit, la crise boursière
n’a pas muté en crise financière.
C’est également ce que font remar-
quer certains professionnels de
marchés. Si les banques ne se fai-
saient plus confiance les unes aux
autres, le système se serait grippé

Modalités de miseàdisposition ou de consultation des informations
relativesàl’assemblée générale mixte du 20 mars 2020
La société EliorGroup,dont les actions sont admisesaux négociationssur Euronext Paris, annonce que l’assemblée
générale mixte (ordinaire et extraordinaire)deses actionnaires se tiendra le 20 mars 2020à9h00 au siègesocial de la
société Elior Group,situé 9/11 allée de l’Arche–92032 Paris La Défense (l’entrée se feraau 17 avenue de l’Arche).
L’avis deréunionaété publié auBulletindes Annonces Légales et Obligatoires (BALO)du12février2020 et misàjour le
26 février 2020.L’avis de convocation serapublié au BALO du2mars 2020.
Par ailleurs, conformémentàlar égle mentation en vigueur, l’avis deréunion initial et misàjour ainsi que la brochurede
convocation de l’assemblée généraleincluant notamment l’ordredujour,les projets derésolutions ainsi que les modalités
de participation et de vote peuvent êtreconsultés, depuis le 26 février 2020, sur le siteinternet d’Elior Group,àl’adresse
suivante:www.eliorgroup.com dans larubriqueFinance/Actionnaires/Assemblée générale des actionnaires2020.
Les informations mentionnéesàl’article R.225-83ducode de commerce sont intégrées dans la brochuredeconvocation
ainsi que dansled ocument d’enregistrement universel2018/2019, égalementdisponible sur le site internet d’Elior Group
àl’adresse suivante:www.eliorgroup.com, dans la rubrique Finance/Actionnaires/Assemblée générale des actionnaires
2020.
Les documents etrenseignements préparatoiresrelatifs àl’assemblée générale mixte sont tenusàladisposition des
actionnairesselonles dispositions légales etréglementaires applicables,ausiège sociald’EliorGroup, et peuvent être
consultés sur le site internet de la sociétéàl’adresse suivante:www.eliorgroup.com dans la rubrique
Finance/Actionnaires/Assemblée générales desactionnaires 2020.
Dans leslimites permisespar la réglementation en vigueur, les actionnairespourront, surdemandeécrite adressée à
BNP Paribas-CTO Assemblées Générales-Les Grands Moulins de Pantin 9, rue du Débarcadère-93761 Pantin Cedex
par voie postale ou par télécopie au 01 40 14 58 90, dans lesdélais légaux, demander que cesdocuments leur soient
adressés directement.

AVIS FINANCIERS

et les taux interbancaires seraient
montés en flèche comme il y a
douze ans. Au lieu de cela, le Libor
à 3 mois – à l’instar d’autres taux
de référence du marché moné-
taire – a plongé de 11,8 points de
base vendredi, sa chute la plus
forte depuis décembre 2008. La
raison de ce phénomène? Depuis
la fin de la semaine, les marchés
s’attendent à trouver le soutien de
la Fed sous la forme de baisses de
taux. Plus fondamentalement, les
circuits ne se grippent pas car les
banques centrales garantissent
aux banques un accès quasi illi-
mité à la liquidité.
Dans son rapport, l’institution
analyse « le réveil brutal des mar-
chés », à partir du moment où la
propagation du virus s’est révélée

plus rapide et de plus grande
ampleur qu’attendu. « Les attentes
d’un rebond rapide de la croissance
sont alors apparues comme totale-
ment irréalistes. »

En attendant de toucher
le fond
« Les marchés sur lesquels s’échan-
gent les actifs risqués ont plongé
comme si aucun point bas n’était
envisagé : plus personne ne veut
acheter avant que le fond ne soit tou-
ché », poursuit-elle, estimant que
« désormais, l’incertitude règne ».
Dans ce contexte, une seule chose
est sûre, « les marchés financiers
vont continuer à danser au gré des
nouvelles sur le virus et des réponses
apportées par les autorités ».
— S. Ro.

Le système financier tient le choc,


estime la BRI


Pour la Banque
des règlements
internationaux, les leçons
de la crise financière
de 2008 ont été tirées.

Davantage de risques
hors du système bancaire

Les risques sortent du système bancaire et migrent
vers des zones moins régulées et moins transparentes
de la sphère financière, prévient une nouvelle fois
la BRI. En témoigne le développement du marché du
« private credit », sur lequel se financent des entrepri-
ses la plupart du temps trop petites pour avoir accès au
marché obligataire, et dont le risque de défaut est élevé.
Ce marché de 800 milliards de dollars a vu les stan-
dards associés aux prêts se détériorer. « Une fixation
des prix opaque et peu fréquente, en réduisant artificielle-
ment la volatilité des rendements, a attiré toujours plus
d’investisseurs vers ces prêts », prévient la BRI.

Les Echos Lundi 2 mars 2020 FINANCE & MARCHES// 29

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