Les Echos - 02.03.2020

Les Echos Lundi 2 mars 2020 FINANCE & MARCHES// 31

François Tajan,

président délégué

d’Artcurial

La nouvelle a bouleversé le monde de l’art : François
Tajan est mort, terrassé par une intoxication alimentaire.
Le commissaire-priseur, fils de Jacques Tajan et prési-
dent délégué d’Artcurial, s’est éteint quelques jours après
avoir dégusté des morilles achetées sur un marché. Il
avait 57 ans. « La maison de ventes a perdu trop tôt l’un de
ses piliers, a déploré Guy Boyer, directeur de la rédaction
de « Connaissances des arts ». C’était un homme brillant,
avenant et éminemment sympathique. » Ce fan de cinéma,
fou de rock, batteur à ses heures, collectionneur, éclecti-
que et courtois, avait su rester simple. François Tajan, fils
d’un commissaire-priseur emblématique et d’une mère
galeriste, s’était pourtant fait un prénom. Crinière
d’argent, regard clair, il était connu et reconnu comme un
spécialiste de l’Art déco, des montres et des bijoux. Et,
dans ce milieu plutôt conservateur, ne semblait jamais à
court de créativité. « François était innovant, il avait des
idées t out l e temps, tout e n étant a ttaché a u métier tradition-
nel de commissaire-priseur », a confié Nicolas Orlowski,
PDG d’Artcurial, au journal « Le Monde ».
Chez Artcurial, qu’il avait rejoint en 2005, il a fondé
les départements BD, joaillerie, Art déco, orientalisme,
et contribué à hisser la jeune « maison du rond-point »
dans la cour des grands aux côtés de Christie’s et de
Sotheby’s. Il a œuvré à son essor à l’étranger, notam-
ment a u Maroc ou encore à Monaco, rocher d e ses ancê-
tres, où Artcurial orchestre, chaque année, des ventes
de joaillerie, haute horlogerie et Hermès Vintage,
rappelle C éline L efranc, dans « Connaissance d es arts ».

« L’homme des palaces »
A Pa ris, il était surnommé « l’homme des p alaces » car il
avait, à son actif, les dispersions du Crillon, du Plaza
Athénée, du Ritz ou encore du George V, en 1997, avec
son père. Au Crillon, en 2013, il avait ainsi adjugé pour
311.594 euros l e bar réalisé par l e sculpteur César. Mais il
avait aussi dirigé la vente Hergé, le père de Tintin, qui a
engrangé 5,3 millions d’euros en 2015. L es experts citent

aussi la vente de la collection du marchand Félix Marcil-

hac et celle de la collection de l’avocat Paul Lombard en

2017 (pour 6 millions d’euros)...

Né à Evreux, le jeune homme se destinait à un tout

autre destin. François Tajan avait 8 ans lorsque ses

parents ont troqué la banlieue chic du Vésinet pour Saint-

Germain-des-Près, haut lieu d’effervescence culturel des

années 1970. Il opta d’abord pour le droit. Avant de jeter

l’éponge, en quatrième année. Après un court passage

dans une étude notariale, il se lance dans le cinéma.

Grâce à son père, il rencontre le producteur Claude Berri.

Il sera stagiaire régie pour le film « Hôtel de France » de

Patrice Chéreau, officiera sur le plateau de « L’Ours »

de Jean-Jacques Annaud... Mais l’homme est anxieux,

trop, comprend-il, pour le monde aléatoire du spectacle.

A 28 ans, alors qu’il s’apprête à devenir père, il rejoint le

sien. « Deux ans plus tard, François Tajan qui “ne se voyait

pas à la tribune” à cause de sa timidité change d’avis », rap-

porte « Le Figaro ». Les deux hommes travailleront main

dans la main durant quinze ans.

Dans l’étude paternelle, François Tajan fait ses armes à

la tête des départements Art nouveau, Art déco puis arts

moderne et contemporain. Licencié en droit, il décroche

son diplôme d e commissaire-priseur en 1997, passe asso-

cié en 1998, puis devient président. Entre-temps, l’étude

Tajan est revendue à Bernard Arnault (propriétaire des

« Echos ») puis, en 2004, à la femme d’affaires américaine

d’origine roumaine Rodica Seward. C’est le moment,

pour François Tajan de rejoindre une jeune maison,

créée deux ans plus tôt, et baptisée, « Artcurial ». Trois

enfants et deux mariages plus tard, il en était devenu, fin

2015, le président délégué. « Les qualités humaines de

François, reconnues de tous, nous manqueront ainsi qu’à

l’ensemble du marché de l ’art », a déclaré, à l’annonce de sa

disparition, Nicolas Orlowski, dans un communiqué.n

ARKÉA

Laurie Lemoine

est promue directrice

du marché immobilier social

et aménagement

d’Arkéa Banque Entreprises

et Institutionnels.

Laurie Lemoine, 35 ans, est titu-

laire d’un master 2 en conten-

tieux privé de l’université de

Caen et d’un master 2 chargée

d’affaires entreprises et institu-

tions de l’IUP BFA de Caen. Elle a

rejoint en 2001 le groupe Arkéa

comme chargée de clientèle ins-

titutionnelle c hez Arkéa Banque

Entreprises et Institutionnels.

Trois ans plus tard, elle s’est

orientée vers le marché des

acteurs du logement social et

de l’aménagement du territoire.

Depuis 2018, elle était directrice

adjointe du marché immobilier

social et entreprises publiques

locales (EPL).

d’année, indique Refinitiv, les opé-

rations de M&A soutenues par des

fonds ont presque quadruplé en

volume par rapport à la même

période en 2019, pour atteindre

leur plus haut niveau en cinq ans, à

36,7 milliards de dollars. Les tran-

sactions de plus de 500 millions de

dollars ont franchi leur pic depuis

2015. A titre de comparaison, aux

Le tandem formé par les fonds Cinven et Advent s’est engagé

au maintien des sites et de l’emploi de la division ascenseurs

de Thyssenkrupp pour « sept ans et un mois ». Pho to Marcel Kusch/AFP

moyennant 17 milliards d’euros à

Blackstone ou encore de Nestle

Skin Health à EQT pour 10 mil-

liards. « Il y a dix ans, la norme ne

dépassait pas les 2 à 3 milliards,

puis l es 10 milliards. On peut légiti-

mement penser que les 20 mil-

liards d’euros vont devenir le futur

horizon du marché en Europe

pour le “private equity” », se féli-

cite Nicolas Paulmier, senior

adviser de Cinven.

Hausse des transactions

Les fonds sont aujourd’hui assis

sur un record de 830 milliards de

dollars de « poudre sèche » à

déployer pour des acquisitions,

dont un peu moins de la moitié en

Europe, selon le cabinet de conseil

Bain. « Compte tenu de la taille des

véhicules récemment levés et de la

volonté de grands fonds souverains

et de fonds de pension d’investir en

direct sur ces dossiers, nous conti-

nuerons à voir d e grosses opérations

réalisées par des fonds », appuie

également Philippe Poletti, le CEO

d’Ardian France et responsable du

« buy-out » du groupe de capital

investissement. En ce début

Etats-Unis, tant en volume qu’en

nombre, les opérations des fonds

ont diminué de 40 % et 35 %.

Les effets du coronavirus sur les

Bourses mondiales n’ont pas

refroidi les banquiers prêteurs. « Ils

ont au contraire convaincu Thyssen-

krupp d’abandonner la piste d’une

introduction e n Bourse », analyse un

conseil de la transaction.

Cessions d’industriels

La cession du conglomérat alle-

mand vient ainsi confirmer la mon-

tée en puissance du non-coté par

rapport aux marchés actions. « La

cotation n’est pas adaptée aux entre-

prises qui ont besoin d’une gouver-

nance forte. L’évolution très rapide

des risques suppose des réactions

agiles, que n’offre pas toujours

l’adossement à un actionnariat pas-

sif de gros fonds indiciels », estime

un acteur du capital-investisse-

ment. Depuis 2000, les actifs des

fonds ont cru 3,5 fois plus vite que

les marchés cotés.

La tendance n’est pas près de

s’essouffler, estime l e responsable

d’un autre gros fonds européen.

Sanofi étudie ses options pour la

cession de son pôle grand public

valorisé autour de 30 milliards de

dollars. Une introduction en

Bourse dans l’environnement

actuel paraît complexe. De son

coté, Air Liquide examine sa sor-

tie de l’allemand Schülke, un lea-

der dans le domaine de l’infec-

tion, de la prévention et de

l’hygiène.

Dans ces transactions, les

fonds tirent leur épingle du jeu,

car ils effraient moins les syndi-

cats qu’un concurrent industriel

plus tenté de couper dans les

effectifs redondants. « C’est ce qui

a fragilisé Kone face aux consor-

tiums de fonds », explique un

gérant. Le tandem Cinven-Ad-

vent s’est engagé sur « une garan-

tie des s ites e t de l’emploi pour s ept

ans et un mois », s’est félicité le

syndicat IG Metall.

Compte tenu de la déroute des

marchés et du pic atteint par le

secteur, certains restent néan-

moins prudents : « On ne sait pas

si le deal Thyssenkrupp est le der-

nier d’une série ou le premier

d’une nouvelle à plus grande

échelle. »n

Anne Drif
@Anndrif

Le « private equity » européen
entre dans une nouvelle ère. Le
conglomérat allemand Thyssen-
krupp a annoncé jeudi soir la vente
pour un record de 17,2 milliards
d’euros de sa division d’ascenseurs
à un consortium d’investisseurs
menés par le fonds britannique Cin-
ven et l’américain Advent.
Du jamais-vu depuis 2010,
selon les données du cabinet spé-
cialisé Preqin. Les dernières plus
grosses transactions du secteur
étaient la vente du britannique
Refinitiv par Thomson Reuters

CAPITAL-
INVESTISSEMENT

Le britannique Cinven
et l’américain Advent
ont remporté les
enchères sur la divi-
sion d’ascenseurs de
Thyssenkrupp pour
17,2 milliards d’euros.

« Private equity » : la course aux méga-deals

franchit un nouveau cap en Europe

,

Envoyez vos nominations à

[email protected]

carnet

DISPARITION

par Laurance N’Kaoua
@LauranceNKaoua

Lionel Bonaventure/AFP

ENTREPRISES

CYRUS

Christophe Mianné

rejoint , ce lundi, le groupe

Cyrus en tant que directeur

général.

Christophe Mianné, 56 ans,

ancien élève de l’Ecole centrale

de Paris, fut notamment à la

Société Générale membre du

comité de direction du groupe

de 2001 à 2017. Il a piloté la direc-

tion des marchés jusqu’en 2012.

Il fut, entre autres, directeur

général délégué de la banque

de financement et d’investisse-

ment, et a été l’un des fondateurs

de Lyxor. Il était directeur géné-

ral délégué de Primonial et

directeur général de La Finan-

cière de l’Echiquier de juin 2017

à septembre 2019.

fr

+

Ils sont nés

un 2 mars

• François Abrial, d^ irecteur
  général Asie Pacifique
  d’Air Liquide, 58 ans.


• Jean-Paul Alibert,^
  président de T-Systems
  France, 59 ans.


• Marc Batave, directeur
  général (banque commercia-
  le/assurance) de La Banque
  Postale, 62 ans.


• Jon Bon Jovi,
  musicien, 58 ans.


• Abdelaziz Bouteflika,^
  ex-président de la République
  algérienne démocratique
  et populaire, 83 ans.


• Alain Chamfort,^
  chanteur, 71 ans.


• Jean-Frédéric Chapuis,
  champion de ski cross, 31 ans.


• Daniel Craig, acteur, 52 ans.


• Elisha Karmitz,
  directeur général du groupe
  MK2, 35 ans.


• Dai Sijie, écrivain
  et réalisateur, 66 ans.


• Mikhaïl Gorbatchev,
  ex -président de l’URSS,
  89 ans.


• John Irving,^
  écrivain, 78 ans.


• Edmund McMillen,
  concepteur de jeux vidéo,
  40 ans.


• Sébastien Petithuguenin,
  directeur général
  de Paprec Group, 42 ans.


• Aurélie Robineau-Israël,^
  secrétaire générale de la Ville
  de Paris, 46 ans.


• Diane Segalen,^
  fondatrice de la société
  Segalen & Associés, 54 ans.


• David Skrela,
  rugbyman, 41 ans.

l

Disparition

Marseille pleure son plus

grand bâtisseur. L’entrepre-

neur Marc Pietri s’est éteint

brutalement vendredi en ren-

trant de voyage. Il avait 73 ans.

Cet enfant de la libération, né

en août 194 6, avait rejoint le

groupe immobilier Construc-

ta en 1973 en tant que secrétai-

re général, devenant action-

naire majoritaire, 15 ans plus

tard. « Bâtir était sa passion »,

confie un proche : à Marseille,

sur la Côte d’Azur, à Paris et

bientôt outre-Atlantique. Di-

rection Miami où il réalise son

premier coup de maître en dé-

crochant sur Ocean Drive la

construction de CocoWalk,

un centre commercial festif

conçu à la manière d’un villa-

ge. Sa fortune est faite : il était,

en 2019, la 287e fortune fran-

çaise. Son style mêlant audace

et vision s’est imposé de New

York à Chicago, où il a érigé

des Sofitel, puis à Marseille où

ses programmes – des Docks

Village à La Marseillaise, pre-

mière tour écologique haute

de 135 mètres – ont décroché

les prix les plus prestigieux.

Lui sera élevé au rang de com-

mandeur de la Légion d’hon-

neur par le Premier ministre

Manuel Valls en 2017. « C’est

une récompense pour la ville »,

avait-il alors remercié. Sa

générosité y était légendaire.

Ses voisins de quartier avaient

tous la clé de son jardin

conduisant à une petite crique

face au large.

Paul Molga

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