Les Echos - 02.03.2020

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« entre 2018 et 2019, la proportion de
femmes qui exercent des fonctions opéra-
tionnelles est passée de 24 à 35 % ; c’est le
cœur du sujet ». D’autant, analyse
Michel Ferrary, qu’« il était beaucoup
plus compliqué de trouver des adminis-
tratrices. Dans les entreprises des sec-
teurs réputés très masculins, déroule-t-il,
passer du seuil de 10 à 20 % signifie qu’il
ne faut trouver que deux ou trois femmes.
Ce devrait être possible sur les centaines
et plus de femmes cadres supérieures »,
assure Michel Ferrary. Quant aux entre-
prises plus féminines, et notamment
celles du luxe, « où les femmes représen-
tent plus de 60 % des cadres, de nombreu-
ses femmes sont d’ores et déjà patronnes
de divisions et pourraient être nommées
du jour au lendemain », souligne-t-il par
ailleurs.
Cinq femmes membres d’un comité
exécutif ou d’un comité de direction,
issues de secteurs d’activité variés,
réagissent au projet de loi et témoignent
de leur parcours.

tent qu’ils peuvent parfaitement atteindre
ces seuils s’ils ont un peu de temps », confie
l’un des membres de la commission.
Pour l’heure, sur les 60 plus grandes
entreprises cotées (CAC 40 + 20),
aucune femme n’est PDG. La loi Copé-
Zimmermann a introduit un quota de
40 % de femmes dans les conseils
d’administration, mais sur l’échantillon,
deux présidentes, Sophie Bellon et
Anne-Marie Couderc, siègent. In fine,
les femmes occupent 3,33 % des
120 postes potentiels de président et/ou
directeur général, selon l’Observatoire
Skema de la féminisation – qui intégrait
encore Isabelle Kocher dans ses calculs.
Et elles représentent 17,49 % des comex,
pour un tiers de la population cadre.
« Les viviers existent pourtant », assure
Michel Ferrary, chercheur affilié à la
business school qui mène l’étude depuis
plusieurs années et s’attache à analyser
la corrélation avec la performance
économique. D’ailleurs, note Florence
Ferraton, chez Russell Reynolds,

agir lorsqu’il y a des disparités. Mais c’est
un autre aspect de l’égalité profession-
nelle femmes-hommes qui interpelle
aujourd’hui davantage les cercles patro-
naux. Le rapport du Haut Conseil à
l’Egalité (HCE) entre les hommes et les
femmes sur « L’accès des femmes aux
responsabilités » a préconisé un recours
aux quotas pour les comités exécutifs et
de direction des sociétés cotées.
L’échéance pourrait être courte : 40 % de
femmes en 2024, avec une étape à 20 %
en 2022. D’aucuns avancent aussi l’hypo-
thèse d’une autre répartition : 40 % d’ici
à 2025 et 20 % dans les comex de plus de
8 membres d’ici à 2023.

Plafond en verre trempé
Que sera-t-il retenu dans le projet de loi?
La pente risque d’être un peu raide pour
certaines organisations. L’Afep et le
Medef défendent un code de bonne gou-
vernance et quotas volontaires. Mais
au-delà de cette opposition de principe,
« les représentants des entreprises admet-

Les Echos Executives


D


epuis le 1er m ars, toutes les entre-
prises de 50 salariés et plus
devront avoir calculé et publié
leur index de l’égalité professionnelle et
l’avoir transmis, avec le détail des cal-
culs, à leur direction régionale de la
concurrence, de la consommation, du
travail et de l’emploi (Direccte). L’outil
met en évidence les points sur lesquels


Quelques jours avant la Journée


internationale des femmes


du 8 mars, cinq dirigeantes


réagissent au projet de


féminisation des comités exécutifs


et témoignent de leur parcours.


A


l’heure où, à l’échelle mondiale, 20 % des
organisations ont déjà mis en place des
solutions d’intelligence artificielle (IA), selon
une étude conjointe du Boston Consulting Group
(BCG) et du MIT, chacun prend conscience de
l’importance et de l’urgence qu’il y a à adopter, dans la
société en général et au sein des entreprises en
particulier, une démarche inclusive. L’IA, qui va
révolutionner des pans entiers de notre existence,
doit donc elle aussi y veiller, faute de quoi la moitié de
la population – les 51 % de femmes dans le monde –
pourrait en pâtir. De quoi méditer d’ici au 8 mars,
journée internationale des femmes.
Or pour l’heure, l’intelligence artificielle œuvre dans
un univers majoritairement masculin. Si l’on


considère cette seule donnée, issue d’une toute
récente enquête de BCG Gamma, l’entité d’IA du
Boston Consulting Group : seuls 15 % des data
scientists dans le monde sont des femmes, alors
qu’elles représentent près de 35 % de la population
étudiante en science, technologie, ingénierie et
mathématiques (STEM). Un manque d’information
sur la réalité de ce métier en est la principale
explication : 75 % des étudiantes en sciences jugent
ce domaine trop théorique, relevant d’une culture
geek beaucoup trop compétitive et sans impact
concret sur la vie réelle. Un comble quand on sait
que l’IA va, cela ne fait aucun doute, de plus en plus
s’immiscer dans des pans entiers de notre existence,
qu’il s’agisse d’éducation, de santé, de justice ou

encore de processus de recrutement en entreprise.
Or si les femmes ne participent pas à son élaboration
et si les données qui lui sont fournies sont univoques
et biaisées, tout raisonnement encodé – lié au genre,
à l’éthique, etc. –, puis automatisé pourrait à terme
avoir un impact extrêmement négatif, voire
catastrophique. Une bonne raison d’inciter les filles,
jeunes filles et femmes de notre entourage à se
rendre aux rencontres et ateliers d’information et de
démystification des algorithmes organisés cette
semaine, notamment – à Paris – l’initiative « La Tech
pour toutes » des Digital Ladies & Allies, du 6 au
8 mars, à l’Ecole 42, ou encore « She can Code »
chez l’accompagnateur de start-up The Family,
le 8 mars.n

GOUVERNANCE


L' ÉDITO de Muriel Jasor


Talents féminins et data science : pourquoi un tel désamour?


Sophie Boissard
directrice générale de Korian
« La loi Copé-Zim-
mermann a vrai-
ment fait bouger les
lignes au sein des
conseils d’adminis-
tration et a permis
d’ouvrir leurs portes
à toute une généra-
tion de femmes, dont j’ai fait partie. Mais
je ne suis pas sûre que l’imposition de
quotas législatifs généraux soit le bon
moyen de promouvoir la mixité au sein
des comités exécutifs ou de direction, car,
ces instances n’ayant pas de caractère
obligatoire, il existe autant de modèles
d’organisation que d’entreprises. Il vaut
mieux demander aux entreprises de
s’imposer à elles-mêmes des règles con-
traignantes quant à la féminisation du top
management. Et il existe déjà un arsenal
relativement complet. Ainsi, le code
Afep-Medef, qui est appliqué par toutes
les grandes entreprises de la place, préco-
nise depuis cette année de définir et de
rendre publiques de telles règles. Et puis
il y a aussi l’indice Pénicaud, qui évalue
notamment les entreprises sur la part des
femmes dans les 10 premiers salaires de
l’entreprise. Le train est parti, les choses
évoluent et vont encore évoluer au sein
du CAC 40 et dans tout le SBF120, sous la
pression des investisseurs, des proxy, et
de toutes les parties prenantes. Je viens
d’être renouvelée à la direction générale
de Korian pour cinq ans et j’ai la chance
de pouvoir y mener un plan de dévelop-
pement ambitieux pour construire le
premier groupe européen au service du
grand âge et des fragilités. Le Top 100 de
Korian compte 46 femmes issues de six
pays (Allemagne, Belgique, Espagne,
France, Italie et Pays-Bas) et l’objectif que
nous nous sommes fixé est de parvenir à
un ratio de 50/50 d’ici à 2023. Et quand
nous y serons parvenus, tout l’enjeu va
être de maintenir cet équilibre. Le 11 mars
prochain, à Berlin, je réunis les 46 fem-
mes du Top 100 pour un.
../...

Exercice du pouvoir :

5 femmes prennent la parole

Laurence Barthès,
Dassault Systèmes

Christel Heydemann,
Schneider Electric

Mari-Noëlle
Jégo-Laveissière,
Orange

Sophie Boissard, Korian
(en haut) et Gaëlle Olivier,
Société Générale

EXECUTIVES

BUSINESS.LESECHOS.FR LUNDI 2 MARS 2020

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