Les Echos - 02.03.2020

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38 // Lundi 2 mars 2020 Les Echos


Saint-Gobain moissonne les fruits de
sa transformation sous la tempête boursière.

« To nnerre hors saison, mauvais temps hors raison. » Saint-Gobain ne peut
rien faire d’autre que se consoler avec le dicton lorsque se réveille
un aquilon boursier qui gèle même une livraison annuelle des plus
réchauffantes. Entre une France, son premier marché, en bonne forme
(+3 % l’an dernier), une Amérique du Nord qui manie joyeusement
la truelle et des débouchés industriels encore solides dans l’adversité,
rarement l’ancienne Manufacture royale n’avait réuni une telle galerie
d’indicateurs au vert qui aurait dû faire fondre la glace en Bourse. Pierre-
André de Chalendar, son PDG, signe le deuxième meilleur bénéfice net
courant de l’histoire (1,9 milliard d’euros), la marge opérationnelle (8 %)
et la rentabilité des capitaux avant impôts (11,1 %) les plus élevées depuis
huit ans. La réorganisation de la compagnie plus que tricentenaire,
orchestrée depuis quinze mois par le numéro 2, B enoit Bazin, dans le cadre
du plan « Transform & Grow », a induit un changement de régime qui se lit
dans les réductions de coûts, plus du double de celles prévues pour 2019.
Mais avant même les interrogations sur le cycle économique, le champion
de l’isolation n’avait pas réussi à vaincre l’enfermement des investisseurs
qui réclament des « trophées ». Même si les désengagements de Pont-à-
Mousson et Lapeyre, pesant moins de 40 % de l’aération du portefeuille
l’an dernier, semblent moins cruciaux pour changer d’atmosphère...

Un e question d’atmosphère


Chaque année, c’est la même
chose. Les estimations de bénéfi-
ces par action (BNPA) des sociétés
cotées, trop optimistes, sont
revues à la baisse au cours
de l’exercice, sauf cas particulier,
comme la réforme fiscale améri-
caine en 2017. Le millésime 2020
va connaître l’atterrissage attendu,
mais quelque peu en catastrophe
pour cause de coronavirus. Les
experts de Citi tablent désormais
sur une stabilité au lieu d’une
hausse de 4 % auparavant, là où
la moyenne des confrères est enco-
re proche de 9 %. Leur prédiction
de croissance du PIB mondial
(+2,5 %) cadrait avec une légère
hausse, de 2 %, mais les risques
non quantifiés poussent à la
prudence. Avec une croissance
mondiale de 2 %, les BNPA
baisseraient de 10 %. Pour rester
de marbre, les indices devraient
accepter une nouvelle expansion
des multiples de capitalisation
des bénéfices, après celle de l’an
dernier : un peu osé.

La Bourse doit faire atterrir ses estimations de bénéfices par action de l’année.
Départ lancé

Veolia livre un nouveau plan stratégique
solide à une Bourse qui l’est moins.

To ut le savoir-faire de Veolia pour adoucir les eaux municipales
n’y peut rien. Le leader mondial de l’eau et des déchets n’a pas évité
le « coup de calcaire » boursier (–3,3 %) le jour de la présentation
de son nouveau programme « Impact 2023 ». Car les chiffres 2019
et objectifs 2020, supérieurs aux attentes, n’o nt pas fait oublier
les nuages sur l’économie mondiale, malgré la prise en compte
du coronavirus (moins de 1 % de l’Ebitda à ce stade). Et pourtant,
le rythme de l’excédent brut d’exploitation doit rester soutenu à moyen
terme (+4,5 % par an, soit +20 % en 2023 par rapport à 2019).
Des refinancements de dette à taux plus bas doivent permettre un bond
encore plus marqué du bénéfice net courant (+30 % environ en quatre
ans, comme précédemment), de quoi conserver le tempo du dividende.
Cette ambition de performance renouvelée, alimentée par une bonne
dose de rotation d’actifs, a l’avantage de se faire « départ lancé ».
Un tiers du montant des cessions budgétées a, en effet, déjà été signé
à la fin de 2019 – les réseaux de chaleur aux Etats-Unis – rien à voir avec
les désengagements de Suez qui mettent la patience des investisseurs
à l’épreuve. Veolia s’offre comme un support naturel pour jouer
la montée en puissance des enjeux environnementaux (« ESG »).
La politique de bonus des cadres dirigeants le signale, où les critères
financiers compteront pour 50 % seulement. Encore faudra-t-il les at-
teindre pour défendre la solide cote boursière de l’ex-Générale des Eaux.

// Budget de l’Etat 2020 : 39 9,2 milliards d’euros // PIB 2019 :2. 47 9,4 milliards d’euros courants
// Plafond Sécurité sociale :3.428 euros/mois à partir du 01-01-2020 // SMIC horaire : 10 ,15 euros à partir du 01-01-202 0
// Capitalisation boursière de Paris : 1.827,78 milliards d’euros (au 06-01-2020)
// Indice des prix (base 100 en 2015) : 10 3,55 en décembre 2020 // Taux de chômage (BIT) :8,6 % au 3e trimestre 2019
// Dette publique : 2.415,1 milliards d’euros au 3etrimestre 2019

=
Les chiffres de l’économie

D’une épidémie à l’autre


crible


EN VUE


Naomi Seibt


E


ntre le coronavirus, le court-
métrage « hot » de Benjamin
Griveaux et François Hollande
qui veut revenir, les catastrophes
s’enchaînent et ce n’est pas fini. On
avait Greta Thunberg et c’était déjà
pénible. Voici Naomi Seibt sacrée par
le « Washington Post » « Anti Greta »,
ce n’est pas mieux. L’une est climatos-
ceptique, l’autre pas. L’une est pile,
l’autre face. De q uoi donner envie de res-
ter sur la tranche. Greta a 17 ans, Naomi
Seibt en a 19. Voici encore peu Naomi
végétait, il eût été regrettable de se pas-
ser d’un tel phare de la pensée. C’est un
think tank américain qui est allé la cher-
cher sur la Toile pour allumer un
contre-feu à Greta.
Naomi, fille d’une avocate alle-
mande, aurait commencé à s’interro-
ger en 2015 (elle avait donc 14 ans) sur
le climat, la crise migratoire. Sa parti-
cipation à quelques meetings plus ou
moins proches de l’AfD, l’extrême

droite allemande, dont sa mère a
défendu certains politiciens, a sans
doute laissé penser au Heartland Ins-
titute que bon sang ne saurait mentir.
La preuve n’est pas encore établie.
Naomi n’oppose que des milliers de
followers sur YouTube aux millions
de Greta.
La voici donc confrontée à un
ex-futur prix Nobel de la paix.
N’oublions pas, en effet, qu’une poi-
gnée de députés nordiques du Parti
de gauche avaient suggéré le nom de
Greta au jury suédois. Chacun ses
mélenchonistes, on se sent moins
seuls. Naomi en tout cas n’a guère de
chance pour le Nobel scientifique. Du
haut de ses 19 ans, elle juge l’impact
des émissions de gaz à effet de serre
très surestimé : « Les émissions de CO 2
d’origine humaine ont-elles autant
d’impact sur le climat? Je pense que
c’est ridicule de le croire. » Chaud
devant!

Pire semaine depuis 2008 à Paris



  • Le CAC 40 vient de traverser sa
    pire semaine (–12 %) depuis novem-
    bre 2008, alors que la propagation
    du coronavirus menace la crois-
    sance mondiale. Vendredi, l’indice
    phare de la Bourse de Paris a clôturé
    en baisse de 3,38 % à 5.309,9 points,
    dans un volume d’échanges élevé de
    10,9 milliards d’euros. Le Footsie bri-
    tannique a perdu 3,39 % et le DAX
    allemand a chuté de 3,86 %. L’indice
    EuroStoxx 50 a cédé 3,66 %.
    L’affolement des investisseurs les
    conduit à privilégier les actifs jugés
    les plus sûrs. Le rendement du Bund
    allemand à 10 ans a fini à un plus bas
    de clôture de cinq mois à -0,615 % et
    celui de l’OAT française à 10 ans a ter-
    miné à –0,287 %.


Quasiment toutes les valeurs ont
terminé la journée dans le rouge à
l’exception de LVMH. Avec des per-
tes supérieures à 6 %, TechnipFMC
(–7,17 %), Bouygues (–6,14 %), Engie
(–6,09 %) et Airbus (–6 %) figuraient
dans le peloton de queue du CAC 40.
Les valeurs bancaires ont été pénali-
sées par les taux bas, les perspectives
économiques et leur exposition à
l’Italie à l’image de Société Géné-
rale (–4,23 %), Crédit Agricole
(–4,80 %) et BNP Paribas (–3,53 %).
Lanterne rouge du STOXX 600,
Lagardère (–9,74 %) est tombée à
un plus bas depuis mai 2013, les
investisseurs s’inquiétant des effets
de l’épidémie sur l’activité des bouti-
ques d’aéroports.
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