C’EST PEUT-ÊTRE
UN DÉTAIL POUR VOUS...MAIS PAS POUR MARC BEAUGÉ.
LE SARS-COV-2 N’AURA PAS EU RAISON DE LA
FASHION WEEK DE PARIS QUI A BIEN EU LIEU JUSQU’AU
3 MARS. FAISANT DÉFILER LES ÉLÉGANTES, COMME
LE MANNEQUIN TIFFANY HSU, JUSQUE DANS LA RUE.
CETTE PHOTO EN DIT PLUS QU’UN LONG DISCOURS.
1- CONTRECHAMP DE FOIRE.
Avant toute chose, interro-
geons-nous. Où réside
l’intérêt de cette image?
Dans la tenue de cette
jeune femme prenant
la pose? Dans cette horde
de photographes, concen-
trés, obnubilés, regroupés,
comme si le moment était
historique? Ou dans l’idée
même d’un photographe
photographiant ses
confrères photographiant
cette jeune femme? C’est
évidemment l’addition de
ces différentes strates
qui confère à cette image
son surréaliste intérêt. Et sa
beauté déprimante. Car
qu’y a-t-il de plus déprimant
qu’une session de street
styling, mode de rue en
français? Évidemment,
une photo d’une session
de street styling.
2 - HISTOIRE DE L’ART.
Profitons tout de même
de l’occasion pour
remettre les choses dans
leur contexte. Si le phéno-
mène de street styling
semble être la matérialisa-
tion parfaite de l’époque
(ce n’est pas un compli-
ment), il est né en réalité
il y a bien longtemps.
Ainsi, en 1909, les trois
frères Séeberger eurent
l’idée de photographier, à
New York, les mondaines
et les élégantes, dans la
rue et dans leurs propres
tenues, pour valoriser
le travail des maisons de
couture. Par la suite, leurs
photos se retrouvèrent
dans des revues telles que
Vogue, Harper’s Bazaar,
Le Jardin des modes ou
Femina... Car, à l’époque,
on n’avait pas encore
Instagram.
3 - NI VUE NI CONNUE.
Cette jeune femme cher-
chait-elle vraiment à être
photographiée au sortir
du défilé Dries Van Noten
à l’Opéra Bastille? Même
s’il s’agit du mannequin
Tiffany Hsu, permettez-
moi d’imaginer qu’elle
passait là incognito, vêtue
en toute simplicité d’une
veste aux finitions marine
(historiquement, le bavolet
dorsal était censé
protéger les marins en cas
de chute de bouts lors
des manœuvres), d’une
ceinture rouge à la taille,
portant un sac de la
même couleur à la main
et chaussée d’une
ordinaire paire de bottes
en vinyle. La tenue idéale
pour être sûre de ne pas
se faire remarquer.
4 - ÂME SLAVE.
Si l’intérêt stylistique
de la tenue de la jeune
femme photographiée est
grand, ne négligeons pas
celui de la tenue de cette
photographe, chaussée
d’une paire de bottes
blanches, vêtue d’un
trench-coat et coiffée,
surtout, d’un foulard.
En effet, la mode s’est
récemment approprié
ce gimmick stylistique
caractéristique des
babouchkas, les grands-
mères russes, pour en
faire une véritable ten-
dance. Et pour vendre des
foulards. Accessoirement.
5 - QUE DALLE.
En pleine campagne
des municipales, et alors
que le débat sur l’état de
saleté et de délabrement
de Paris fait rage, cette
image tombe bien. Elle
nous permet de constater
que le parvis de l’Opéra
Bastille est loin d’être
impeccable et qu’il y
manque même une dalle.
Suffisant pour causer
la chute de cette jeune
femme perchée
sur des talons hauts?
Certainement. Suffisant
pour provoquer égale-
ment la chute d’Anne
Hidalgo? Il ne faut pas
totalement l’exclure.
Christian Vierig/Getty Images