DES ÉLUS DE TOUS LES DANGERS.
Texte Stéphanie MARTEAU
des Français de l’étranger » par Lesfrançais.press, un site des-
tiné aux expatriés. L’ex-socialiste vient d’ailleurs de publier
Déconstruire la haine. Deux ans au Palais-Bourbon (Alma
éditeur) : « On ne fait pas notre travail de contre-pouvoir face
à l’exécutif. C’est ce qui explique la haine que les électeurs
finissent par concevoir à notre égard. »
Sa collègue Paula Forteza, élue par les Français établis en
Amérique latine et aux Caraïbes, n’a pourtant rien d’une dépu-
tée godillot : elle vient de quitter le groupe LRM avec pertes et
fracas pour soutenir Cédric Villani aux municipales à Paris.
Alors membre de la commission des lois, Forteza s’était mon-
trée très discrète en début de mandat lors des débats sur la loi
de moralisation de la vie publique qu’elle était pourtant censée
animer. « On a une responsable de texte qui est inexistante,
c’est comme si elle était à Nouméa sur une chaise longue »,
avait asséné Yaël Braun-Pivet, la présidente LRM de la
commission, ignorant que les micros étaient ouverts.
L’unique député des Français de l’étranger à n’être pas issu
du groupe La République en marche n’en est pas moins
controversé. Au seul mois de février, Meyer Habib, élu
Les Constructifs d’une circonscription englobant Chypre,
la Grèce, Israël, l’Italie, Malte, Saint-Martin, la Turquie et le
Vatican, a embrasé Twitter à deux reprises : la première fois en
traitant les élues de gauche Clémentine Autain, Elsa Faucillon,
Manon Aubry et Esther Benbassa, qui participaient à une
manifestation dansante contre le gouvernement, de « petites
connes » (des propos réitérés dans l’Hémicycle), la seconde
lors de la mort de l’ancien président tunisien Ben Ali, qualifié
de « dictateur certes! comme tous les dirigeants arabes »...
Proche de la droite ultraconservatrice, le député, dont c’est
le deuxième mandat, se présente ouvertement comme le
« défenseur des valeurs de la Torah » et l’émissaire de
Benyamin Nétanyahou en France. « Bonheur! Immense victoire
populaire de @netanyahu », a-t-il tweeté le lundi 2 mars, après
les législatives en Israël. Pas vraiment la réserve attendue d’un
parlementaire français à la suite d’élections à l’étranger...
Pour justifier les errements de certains de ces élus, le député
européen Stéphane Séjourné, ex-responsable, avec Jean-Paul
Delevoye, de la commission d’investiture de LRM, rappelle les
conditions acrobatiques dans lesquelles il a fait son casting au len-
demain de la présidentielle de 2017 : « Nous avons eu un mois et
demi pour sélectionner 577 candidats parmi 20 0 00 dossiers.
Nous n’avions pas de cadres politiques à envoyer sur le terrain,
nous avons choisi des gens qui vivaient sur place. » Créées en
2012, les circonscriptions législatives de l’étranger ont d’abord
été largement occupées par des cadres de l’UMP ou du PS en
mal de point de chute. « Ceux investis par En marche! en 2017 ne
sont pas des politiques professionnels parachutés de France »,
revendique Stéphane Séjourné. Ils sont médecins, proviseure de
lycée ou gestionnaire de l’un des plus gros fonds de pensions
nord-américain, tel Roland Lescure. Élu du Canada et des États-
Unis, le demi-frère de Pierre Lescure préside aujourd’hui la
commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
« La commission nationale d’investiture (CNI) a privilégié ceux qui
s’étaient investis dès le début, comme Roland Lescure, l’un des
principaux contributeurs financiers de la campagne d’Emmanuel
Macron, ou Joachim Son-Forget, référent d’En marche! pour
la Suisse pendant la présidentielle », confie l’un des membres
de la CNI. Des profils à double tranchant. « Ce sont des gens qui
ont fait de belles carrières, qui vivent dans les pays dont ils sont
élus. C’est ce qui explique qu’il y ait chez eux une forme de
distance, d’autonomie vis-à-vis du parti et des règles... », estime
Stéphane Séjourné, qui relativise la portée de son casting :
« De toute façon, ils ont tous en tête, parce qu’ils ont de belles
carrières dans le privé, de faire ça cinq ans et de s’arrêter. » Plus
que deux ans à compter les bévues...
Polémiques, ingérables, dissidents...
Pour la plupart investis par LRM,
plusieurs députés des Français
de l’étranger embarrassent la majorité.
ILS NE SONT QUE ONZE, MAIS ILS FONT BEAUCOUP DE
BRUIT. Un sortant de droite et dix parlementaires qui, à l’origine,
soutenaient la majorité : voici les députés des Français de
l’étranger. Une équipe de foot, en somme, dont on s’interroge
sur la présence d’esprit du sélectionneur. Car, après bientôt
trois ans de mandat, le palmarès de la plupart de ces élus
jet-lagués – quatre femmes, sept hommes, neuf novices en
politique – se résume à leurs frasques et aux polémiques qu’ils
provoquent. « Comme si le groupe de députés des Français
de l’étranger produisait un microclimat toxique... », observe un
membre de la majorité.
Cas emblématique : Joachim Son-Forget, 36 ans, qui représente
les Français de Suisse et du Liechtenstein, devenu un « troll »
multirécidiviste. Après avoir démissionné du groupe LRM à
l’Assemblée, rejoint l’UDI, créé son propre parti, flirté avec
Marion Maréchal et tenté de recruter Alexandre Benalla comme
assistant parlementaire, il vient d’annoncer chez Cyril Hanouna
sa candidature à la présidentielle de 2022. « Joachim a pété les
plombs en 2018. On l’a réalisé quand il a commencé à poster des
vidéos où il était déguisé en Dark Vador... », lâche l’une de ses
collègues. Son-Forget est par ailleurs mis en cause pour avoir
diffusé des vidéos intimes de Benjamin Griveaux. L’ex-candidat
LRM à la Mairie de Paris a déposé une plainte contre X.
Il n’est pas le seul à avoir maille à partir avec la justice. M’jid
El Guerrab, député des Français du Maghreb et d’Afrique de
l’Ouest, est renvoyé en correctionnelle pour « violence volon-
taire avec arme », à la suite d’une altercation à coups de casque
avec le socialiste Boris Faure en 2017. Il a quitté le groupe
majoritaire et siège désormais au sein de Libertés et territoires.
Mais son manque de sang-froid ne l’a pas empêché de garder
l’oreille de l’Élysée ni d’être classé en 2018 « meilleur député
Représentant des
Français établis
en Suisse et au
Liechtenstein,
Joachim Son-
Forget (ici, le
20 mars 2018,
dans l’Hémicycle)
multiplie les
frasques.
30
LA SEMAINE
Karim Daher/Hans Lucas