Le Monde - 05.03.2020

(Tina Meador) #1
DOSSIER
LE MONDE·ARGENT
JEUDI 5 MARS 2020 | 5

Groupama Asset


Management


triplement distingué


T


riplé gagnant pour Grou­
pama Asset Management,
qui, en plus d’être la
meilleure société de ges­
tion française et européenne pour
la catégorie de 41 à 70 fonds, rem­
porte un trophée Fundclass pour
la régularité de sa gestion sur
sept ans. La filiale de l’assureur
Groupama gère au total 105,3 mil­
liards d’euros à fin 2019, dont
23,7 milliards d’euros pour compte
de tiers, c’est­à­dire pour des clients
en dehors de sa maison mère.
Cette activité de distribution
auprès d’investisseurs institution­
nels, de grandes entreprises et de
particuliers par des accords de
distribution, a collecté 1,2 milliard
d’euros en 2019, principalement
sur les gestions obligataires et
monétaires. « Nous avons lancé
en 2019 de nombreux nouveaux
produits pour compléter nos gam­
mes. En obligataire, il s’agissait de
concevoir des offres permettant de
répondre à l’environnement de
taux d’intérêt de plus en plus fai­
bles », relate Gaëlle Malléjac, direc­
trice des gestions actives. Grou­
pama AM a notamment lancé des
fonds de performance absolue,
des produits investis sur les obli­
gations crédit et des solutions sur
mesure destinées à la gestion de
l’actif général des compagnies
d’assurance. Car à 65 % du total
des encours sous gestion, l’obliga­
taire reste le terrain de jeu favori
de la société. Mais l’innovation
produit n’est pas en reste dans les
autres classes d’actifs. « Nous
avons lancé de nouveaux produits
sur les obligations convertibles in­
ternationales, un fonds d’actions
internationales investi dans des
entreprises innovantes et plusieurs
fonds gérés selon une approche en­
vironnementale, sociale et de gou­
vernance », précise Mme Malléjac.

Car la gestion responsable
constitue un axe de développe­
ment stratégique pour la société
de gestion, signataire dès 2006
des Principes pour l’investisse­
ment responsable des Nations
unies. Ainsi, les questions envi­
ronnementales, sociales et de
gouvernance (ESG) sont prises en
compte dans la gestion pour plus
de 70 % des actifs. « L’analyse ESG
est totalement intégrée au process :
ce sont les mêmes analystes qui
étudient les entreprises et les émet­
teurs obligataires à la fois sous l’an­
gle financier et extra­financier »,
confirme Gaëlle Malléjac.

Des fonds labellisés ISR
Groupama AM développe par
ailleurs de véritables fonds ISR
(investissement socialement res­
ponsable), pesant au total 2,6 mil­
liards d’euros, à la fois à travers des
fonds généralistes et des produits
thématiques et d’impact. Deux
produits bénéficient déjà du label
public ISR, et d’autres fonds se­
ront labellisés dans les prochaines
semaines. « Nous travaillons à
élargir notre offre de fonds labelli­
sés dans les classes d’actifs que
nous couvrons, à la fois en actions,
en obligations, en monétaire et en
gestion diversifiée. C’est un critère
important dans le cadre des nou­
velles obligations prévues par la loi
Pacte pour les contrats d’assuran­
ce­vie », explique la directrice des
gestions actives. En effet, ce texte
impose aux compagnies d’assu­
rance de proposer une unité de
compte dotée du label public ISR
dès cette année, ainsi qu’un fonds
solidaire et un fonds vert ayant
obtenu le label public sur la transi­
tion écologique et énergétique à
partir de 2022. De quoi accélérer la
collecte sur ces produits.
A. LA.

La filiale de la compagnie d’assurances fait


une entrée remarquée dans le classement


33
QUESTIONS À

Serge Pizem
responsable du multi-asset
d’Axa IM

« NOUS RESTONS POSITIFS MALGRÉ


LE CHOC DU CORONAVIRUS »


Quelle est la réaction des
marchés face à l’épidémie
de coronavirus?
Nous avons pu constater par le
passé que les marchés réagissent
fortement aux crises sanitaires et
aux catastrophes naturelles, avec
des baisses drastiques puis un re­
bond important une fois la catas­
trophe passée. Ce fut le cas avec
l’épidémie de SRAS en 2003, celle
de la grippe aviaire et avec l’acci­
dent nucléaire de Fukushima
en 2011. La situation est différente
cette année. Dans un premier
temps, les marchés n’ont que peu
réagi aux événements en Iran et
au début de l’épidémie du corona­
virus concentrée en Chine. Pour­

tant, le poids de la Chine dans
l’économie mondiale est passé de
7 % en 2003 à 18 % aujourd’hui.
Toutefois, depuis la découverte
d’un foyer important en Italie,
nous constatons une période de
stress sur les marchés actions ca­
ractérisée par des corrections for­
tes et une hausse sensible de la
volatilité. Ainsi, l’indice européen
Eurostoxx 50 recule désormais de
plus de 5 % depuis le 1er janvier.

Quel est votre sentiment
pour les prochains mois?
Nous sommes confiants. Les
marchés bénéficient de mesures
de soutien à la fois monétaires
et fiscales. Comme en 2019, l’in­
fluence des banques centrales
restera primordiale. La Réserve
fédérale américaine, la Banque
centrale européenne et la Bank of
Japan mettent en œuvre au total
plus de 1 100 milliards d’euros de
soutien monétaire. Sans compter
les mesures qui seront prises par
la Chine pour aider ses entrepri­
ses à remonter la pente après
l’épidémie. Nous restons donc
positifs à la fois sur les actions
américaines et européennes mal­
gré le choc du coronavirus.

Quels types de valeurs
privilégiez-vous en Europe?
On évoque une baisse ponctuelle
de chiffre d’affaires de 8 % à 10 %
pour les sociétés européennes,
mais une partie de ce retard peut
être rattrapée dans les prochains
mois : pour les biens de consom­
mation, par exemple, il s’agit
plus d’un décalage de chiffre
d’affaires dans le temps que
d’une perte sèche.
Dans ce contexte, nous privilé­
gions les valeurs affichant une
croissance de leur bénéfice par
action largement supérieure à
celle des indices. Nous recher­
chons des valeurs affichant de 8 %
à 10 % de croissance des bénéfices
contre de 4 % à 5 % en moyenne
pour le marché. Il s’agit, par exem­
ple, de valeurs de consommation
et de technologie comme les logi­
ciels, les jeux vidéo et les services
de paiement. Au­delà de cet axe
stratégique sur la croissance, nous
diversifions nos portefeuilles sur
des titres plus cycliques qui pour­
ront bénéficier d’éventuelles bon­
nes nouvelles sur l’ampleur de la
reprise en Europe.
PROPOS RECUEILLIS PAR
AGNÈS LAMBERT

« Mieux vaut ne pas se focaliser


sur l’actualité pour investir »


Comment les marchés gèrent-ils les risques rares et nouveaux, comme le coronavirus?


Entretien avec Mickaël Mangot, spécialiste de la finance comportementale


A


ttaques du 11­Septembre ou du
13­Novembre, SRAS, et corona­
virus aujourd’hui : les événe­
ments imprévus à même de
faire paniquer les Bourses sont légion.
En cause, des mécanismes souvent plus
psychologiques que des risques réels,
explique Mickaël Mangot, économiste
spécialiste de la finance comportemen­
tale et auteur de Psychologie de l’investis­
seur et des marchés financiers (Dunod,
réédition 2008).


Les marchés sont-ils hystériques
face aux crises soudaines?
Le marché est à voir comme un giga­
carrefour où se croisent de multiples
intervenants, particuliers et institution­
nels. Or, dans ce genre de crises, les com­
portements des investisseurs institu­
tionnels diffèrent de ceux des particu­
liers. Les attentats du 11 septembre 2001
en sont un exemple. A la réouverture de
Wall Street après les attaques et la se­
maine qui a suivi, les institutionnels
étaient plutôt acheteurs mais les inves­
tisseurs particuliers ont vendu en masse,
provoquant une chute des cours. Mais un
rattrapage est rapidement survenu.
En ce qui concerne le coronavirus, les
marchés chinois ont également réagi en
« V » après la fermeture de la Bourse de
Shanghaï pour le Nouvel An chinois
début février. D’abord les particuliers ont
vendu massivement, entraînant une
baisse de 9 %, puis les institutionnels ont
racheté à bon compte et fait remonter
les cours. Les marchés dans leur ensem­
ble surréagissent en général moins que
les particuliers.


Quels sont les mécanismes
psychologiques en cause
chez les investisseurs particuliers?
Il y a deux étapes dans la réaction de l’in­
vestisseur face au risque : la perception
du risque, puis la prise en compte de cette
perception dans sa décision. Toutes deux
sont affectées par des biais. Au moment
d’évaluer les risques, on surestime ceux
facilement disponibles à l’attention et à la
mémoire. C’est le biais de disponibilité. Si
le sujet est nouveau et qu’en plus les


médias l’évoquent chaque jour en dé­
comptant les morts, on lui donne une
importance excessive par rapport au
risque réel. Comme si le fait que tout le
monde en parle rendait le risque objec­
tivement élevé. Très volatile, l’attention
collective passe en réalité vite d’un ris­
que à l’autre. Dans un second temps, on
surpondère les risques rares et extrê­
mes, au­delà encore de leurs probabili­
tés perçues. La décision se base alors
souvent sur le scénario du pire : ce qui
arriverait si rien n’était fait, si les ban­
ques centrales n’existaient pas, si les
Etats ne réagissaient pas.
Les possibilités de gains extrêmes
pèsent d’ailleurs aussi démesurément
dans nos décisions. C’est pour cela
qu’on joue à l’Euromillions! Ou qu’on
adore investir lors d’introductions en
Bourse ou dans les jeunes entreprises
de la tech, là où l’on peut gagner plu­
sieurs fois sa mise en pariant sur le
« futur Google », malgré une probabi­
lité objective infime.

Faut-il donc fuir le journal télévisé?
On n’analyse plus les probabilités quand
le risque nourrit de fortes émotions. En
débranchant notre circuit rationnel, ces
dernières nous incitent à suivre des
comportements plus intuitifs d’évite­
ment et de fuite. Si vous avez un ours à
vos trousses, vous ne soupesez pas les
scénarios possibles, vous courez!
Or, l’économie n’est jamais un long
fleuve tranquille. Si vous attendez le

moment idéal, vous n’investirez jamais.
Avant le coronavirus, il y a eu le Brexit,
la guerre commerciale sino­américaine,
les tensions avec l’Iran, les grèves, les
« gilets jaunes »... et pourtant, ces deux
dernières années, les marchés ont
monté. Mieux vaut donc ne pas focali­
ser sur l’actualité. Si à court terme, le
marché voit se succéder des moments
d’irrationalité collective et de retour à la
raison, à long terme on assiste plutôt au
triomphe des optimistes : malgré les
chocs, l’économie avance, les bénéfices
des entreprises cotées et la Bourse aussi.

Quelles autres leçons en tirer
pour la gestion de son portefeuille?
Le souci, c’est qu’avoir conscience des
biais pesant sur les décisions n’empê­
che pas d’y succomber. Pour nous pré­
munir de la tentation de céder à nos
émotions face au risque, on peut auto­
matiser le processus en utilisant les
options d’investissement programmé,
disponibles dans certains contrats d’as­
surance­vie. On décide de placer la
même somme chaque mois, peu im­
porte les images du JT. Arrêter nécessi­
tant une démarche fastidieuse, il y a
peu de chance que ce soit fait.
Quand les cours chutent, il faut en
outre se demander si la valeur fonda­
mentale des entreprises a diminué
d’autant. Celle­ci dépend notamment
des bénéfices attendus des entreprises
sur le long terme. Or, les travaux de l’éco­
nomiste Robert Shiller, Prix Nobel 2013,
montrent que la valeur fondamentale
du marché dans son ensemble pro­
gresse quasi linéairement dans le temps,
elle fluctue assez peu avec les événe­
ments économiques, même sévères.
Le coronavirus pèsera vraisemblable­
ment fortement sur les bénéfices des
entreprises mondiales en 2020, mais
pas durant des dizaines d’années. Ainsi
les baisses importantes, quand elles
surviennent, sont des points d’entrée
intéressants pour l’investisseur de long
terme. Le risque est parfois aussi une
opportunité...
PROPOS RECUEILLIS PAR
AURÉLIE BLONDEL

« AVOIR


CONSCIENCE


DES BIAIS PESANT


SUR LES


DÉCISIONS


N’EMPÊCHE


PAS D’Y


SUCCOMBER »




STÉPHANE KIEHL
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