18 // ENTREPRISES Vendredi 21 et samedi 22 février 2020 Les Echos
groupe devrait revoir une nou-
velle fois ses prévisions. Cette
situation liée à l’épidémie ne
remet cependant pas en cause,
selon le groupe, le plan stratégi-
que du directeur général Ben
Smith, dont l’objectif est d’attein-
dre, à moyen terme, une « marge
opérationnelle de 7-8 % », contre
5 % en 2018. D’autant qu’A ir Fran-
ce-KLM s’attend pour l’année en
cours à une baisse de sa facture
de carburant de 300 millions
d’euros.
Recul de l’activité cargo
Pour l’année passée, l’écart de per-
formance entre Air France et
KLM s’est quelque peu réduit. La
compagnie néerlandaise a généré
un peu plus de 74 % du résultat
d’exploitation du groupe, soit
853 millions d’euros, contre
280 millions pour Air France et
ses filiales, contre 80 % en
- Globalement, le bénéfice net
du groupe est en recul de 30 % sur
un an, à 290 millions d’euros, et la
recette unitaire en baisse malgré
une amélioration au quatrième
trimestre. Dans le détail, les reve-
nus d e l’activité c argo ont diminué
de 13,7 % au quatrième trimestre
et de 5,9 % sur l’ensemble de
l’année. Air France-KLM a imputé
ces résultats à la hausse impor-
tante des capacités cargo ayant
conduit, selon le groupe, « au pire
trafic depuis dix ans ».
Et contrairement à l’année en
cours, l a facture de carburant s’est
alourdie en 2019 à 5,5 milliards
d’euros, en augmentation de
550 millions sur un an. En cause,
une couverture de carburant bien
inférieure à l’an passé. Les achats
anticipés n’ont permis qu’un mai-
gre gain de 50 millions, contre
650 millions en 2018.
4
À NOTER
Le manque à gagner lié
au coronavirus pourrait
atteindre 27,8 milliards de
dollars pour les compagnies
aériennes, dont 12,8 milliards
sur le seul marché intérieur
chinois, selon une première
estimation publiée par
l’association internationale
du transport aérien (Iata).
lMalgré un chiffre d’affaires en hausse, le groupe aérien a publié jeudi des résultats marqués par une baisse
du résultat d’exploitation de 18,8 % sur un an. L’épidémie de coronavirus pèse sur les réservations.
lAir France-KLM table sur une reprise progressive du trafic de et vers la Chine en avril.
Air France-KLM chiffre entre 150
et 200 millions l’impact du coronavirus
HNA était bien trop malade pour
résister à l’épidémie de coronavirus.
Cherchant à éviter une faillite reten-
tissante, Pékin s’apprêterait à voler
au secours de l’immense conglomé-
rat chinois, incapable d’honorer ses
engagements financiers. Selon
l’agence Bloomberg, le gouverne-
ment de la province de Hainan, où
HNA a son siège, prendrait le con-
trôle du groupe pour ensuite le
démanteler et revendre ses actifs
dans l’aérien. L’information n’a pas
été confirmée mais a fait bondir,
jeudi, les titres de plusieurs filiales
de HNA, dont ceux de la compagnie
Hainan Airlines, touchant le seuil
limite de 10 %, sur les places bour-
sières chinoises.
Coup d’arrêt
HNA, dont l’un des deux cofonda-
teurs, Wang Jian, est décédé en 2018
dans le Lubéron, est en difficulté
depuis deux ans du fait d’un endet-
tement excessif. Mais l’épidémie de
coronavirus qui sévit en Chine a mis
un coup d’arrêt au secteur aérien et
du tourisme, rapprochant un peu
plus le groupe du précipice. Selon
Bloomberg, les actifs de HNA dans
le transport aérien seraient cédés
aux trois grandes compagnies
d’Etat chinoises : Air China, China
Southern Airlines et China Eastern
Airlines. Outre Hainan Airlines,
HNA possède une dizaine de com-
pagnies régionales.
S’il devait se confirmer, le déman-
tèlement de HNA signerait la fin
d’un des plus puissants et opaques
conglomérats chinois. L’aventure a
commencé en 1993 lorsque Cheng
Feng, un ancien responsable de
l’aviation chinoise, crée Hainan Air-
lines avec le soutien des autorités
locales afin d’acheminer les Chinois
sur l’île tropicale qui s’ouvre au tou-
risme.
Très vite, Cheng Feng crée ou
rachète une quinzaine d’autres
compagnies chinoises, conduisant
à la création de HNA en 2000 avec
l’idée de bâtir un groupe intégré
dans le domaine de l’aviation et du
tourisme. Hissé au quatrième rang
des transporteurs chinois, HNA se
lance alors dans une coûteuse stra-
tégie d’expansion dans l’aérien
(Swissport, Gategroup, les sociétés
de leasing Avolon, CIT commercial
Aircraft), l’hôtellerie (Hilton), la dis-
tribution (l’américain Ingram
livre « Chinacorp.2025 » (éditions
Maxima). « Surtout, sur le front
domestique, les banques qui ont
financé son expansion se font plus
regardantes et demandent des comp-
tes ».
Structure opaque
A l’étranger, la structure opaque du
capital de HNA finit par interpeller
les investisseurs. Pliant sous une
dette estimée à plus de 80 milliards
de dollars, le groupe cède peu à peu
ses participations à l’étranger et
revient sur son cœur de métier his-
torique. Mais la diminution des
revenus ne fait qu’accentuer la crise
de liquidité, contraignant HNA à
céder le contrôle de plusieurs com-
pagnies régionales chinoises (Bei-
jing Capital Airlines, Urumqi Air,
GX Airlines, West Air, Hong Kong
Express). Sa filiale Hong Kong Airli-
nes, déjà victime de l’agitation politi-
que dans l’ex-colonie britannique,
est en grande difficulté et vient
d’annoncer des centaines de licen-
ciements. Le retour de HNA à ses
activités historiques s’est finale-
ment retourné contre lui, alors que
l’épidémie a entraîné une baisse
sans précédent des vols à destina-
tion et en provenance de Chine.
—F. S.
Le géant chinois de l’aérien HNA
terrassé par l’épidémie
Cherchant à éviter une
faillite, Pékin s’apprête
à démanteler l’immense
groupe criblé de dettes.
(soit près de 80 % de la capacité),
selon le cabinet OAG Aviation
Worldwide. A Hong Kong, Cathay
Pacific, déjà touché par le retrait
des touristes chinois depuis les
manifestations anti-Pékin, a placé
27.000 employés en congés
d’office tout le mois de février.
« Aucun événement n’a eu un effet
aussi dévastateur sur les capacités
globales que le coronavirus », a
noté John Grant, analyste chez
OAG.
Exemptions de taxes
Si la crise se prolonge, les domma-
ges économiques pourraient être
considérables pour les compa-
gnies chinoises, les premières
affectées. L’Administration de
l’aviation civile de Chine (CAAC) a
d’ores et déjà annoncé quelques
mesures de soutien, comme des
exemptions de taxes ou de frais.
D’autres mesures pourraient
suivre, comme des injections de
capitaux dans les compagnies
d’Etat. Les autorités pourraient
aussi encourager à une restructu-
ration du secteur, avec l’absorp-
tion de compagnies régionales par
les grands transporteurs étati-
ques. Reste que ces derniers ont
déjà des centaines d’avions cloués
au sol en ce moment, faute de
clients.
Selon l’Association du trans-
port aérien international (Iata),
l’épidémie de SRAS avait engen-
dré un manque à gagner de 6 mil-
liards de dollars pour les compa-
gnies aériennes asiatiques.
L’ impact du Covid-19 s’annonce
bien plus lourd : non seulement
parce que les compagnies aérien-
nes étrangères ont pris des mesu-
res bien plus radicales qu’en 2002-
2003, mais aussi parce que la
Chine et les touristes chinois occu-
pent une place bien plus impor-
tante dans le secteur. L’an dernier,
la Chine a reçu 142 millions de tou-
ristes étrangers et 134 millions de
voyages à l’é tranger ont été effec-
tués par les Chinois.n
Frédéric Schaeffer
@fr_Shaeffer
— Correspondant à Pékin
Quelques jours avant les célébra-
tions des 70 ans de la République
populaire de Chine, le 1er octobre
dernier, Xi Jinping inaugurait en
personne le nouvel aéroport géant
de Daxing, au sud de Pékin, afin de
décharger celui de Pékin capitale,
arrivé largement à saturation avec
plus de 100 millions de passagers
par an. Cinq mois plus tard, les
deux aéroports sont quasi-dé-
serts, les panneaux n’affichant
plus que de rares destinations. Le
trafic aérien s’est effondré depuis
que l’épidémie de coronavirus
s’est emballée en Chine fin janvier.
Censé devenir le premier au
monde devant les Etats-Unis au
cours des prochaines années, le
marché aérien chinois est tombé
au 25e r ang mondial, plus petit que
celui du Portugal.
Dès l’annonce de la mise sous
cloche de Wuhan le 23 janvier,
l’épidémie a eu un impact considé-
rable. Une centaine de compa-
gnies aériennes étrangères ont
annoncé la suspension partielle
ou totale de leurs liaisons vers la
Chine, beaucoup tablant sur une
reprise progressive courant avril.
Dans le même temps, les compa-
gnies aériennes chinoises, malgré
les pressions des autorités pour
qu’elles continuent à maintenir
leurs liaisons régulières, ont con-
sidérablement réduit le nombre
de vols.
27.000 employés en congés
En un mois, les compagnies chi-
noises ont supprimé 10,4 millions
de sièges sur les vols domestiques,
tandis que les transporteurs
étrangers ont supprimé environ
1,7 million de sièges vers la Chine
En un mois, 1,7 million de
sièges ont été supprimés
vers la Chine par les
transporteurs étrangers.
Le trafic chinois
plus petit que celui
du Portugal
Micro), la finance (Deutsche
Bank), etc. Plus rien ne semblait
l’arrêter. En France, HNA monte au
capital d’Aigle Azur, d’Aéroport de
Toulouse, de Servair ou encore de
Pierre & Vacances. Entre 2015
et 2017, HNA dépense pas moins de
45 milliards de dollars dans des
acquisitions à l’étranger.
Mais l’ambition d’une poignée de
conglomérats privés finit par
inquiéter Pékin. « En 2017, HNA est
soumis, comme toutes les entreprises
chinoises, à la reprise en main des
investissements à l’étranger, et plu-
sieurs acquisitions, en cours, sont
abandonnées », écrit le sinologue et
directeur du cabinet DCA Chine,
Jean-François Dufour, dans son
Pliant sous une dette
estimée à plus
de 80 milliards
de dollars, le groupe
a cédé peu à peu
ses participations
à l’étranger et est
revenu sur son cœur
de métier historique.
Lucas Mediavilla
@Lucas_Medv
Pas de miracle pour Air France-
KLM. Malgré une bonne année en
termes de trafic, marquée par une
hausse de 2,7 %, avec 104,2 mil-
lions de passagers transportés et
un chiffre d’affaires en hausse de
3,7 %, à 27,2 milliards d’euros, la
compagnie aérienne franco-néer-
landaise c ontinue de voir sa renta-
bilité s’éroder. Plombé par les dif-
ficultés de sa division cargo (fret
aérien), avec une activité en baisse
de 2,2 % sur l’année, et la hausse
de la facture de carburant, le
résultat d’exploitation s’affiche en
recul de 18,8 % sur l’exercice 2019,
à 1,14 milliard d’euros. L’année
précédente, il était déjà en retrait
de près de 30 %.
Et les perspectives s’avèrent
plutôt sombres pour l’exercice en
cours, du moins si l’épidémie de
coronavirus devait s’éterniser.
Pour l’heure, le groupe a évalué
entre 150 et 200 millions d’euros l e
manque à gagner entre février et
avril 2020 lié à la suspension des
vols de et vers la Chine. Concrète-
ment, les réservations ont reculé
entre 3 et 5 % pour ces prochains
mois. Alors qu’en janvier Air
France-KLM espérait encore des
recettes unitaires à change cons-
tant en hausse a u premier trimes-
tre, elles seront en baisse, a indi-
qué Frédéric Gagey, le directeur
financier, c e qui impactera négati-
vement les résultats du groupe
franco-néerlandais.
Air France-KLM table sur une
reprise progressive du trafic en
avril. Si tel n’était pas le cas, le
TRANSPORT
Pour 2019, l’écart
de performance
entre Air France
et KLM s’est
quelque peu réduit.