Les Echos - 21.02.2020

(vip2019) #1

Les Echos Vendredi 21 et samedi 22 février 2020 PATRIMOINE// 43


J


ean Arp (1886-1966) fut sans
aucun doute un homme
d’avant-garde. Né à Stras-
bourg, allemand naturalisé fran-
çais, il a fait partie de l a grande aven-
ture du mouvement Dada d ès 1916 à
Zurich, avant de s’inscrire à Paris
dans une verve surréaliste, puis de
confirmer son engagement dans la
sculpture abstraite. Il travaillait en
étroite collaboration avec son
épouse Sophie Taeuber-Arp, avec
laquelle, entre autres, il brodait des
œuvres, preuve, s’il en est, d’un
esprit éloigné, avant la lettre, de
toute misogynie. A l’été 2019, le
musée Guggenheim de Venise lui
consacrait une exposition, « La
Nature d’Arp », qui mettait p arfaite-
ment en valeur les différentes facet-
tes de sa création puissante.
Cependant, la gestion de son
héritage n’a pas toujours été à la
hauteur de son œuvre. Après le
décès de Sophie Taeuber-Arp,
en 1943, il avait épousé Marguerite
Hagenbasch, qui sera à l’origine,
en 1979, de la création de la Fonda-
tion Arp dans la région parisienne,
à Clamart, dans l’ancien atelier du
sculpteur.


Record à 5,1 millions d’euros
Claude Gubler est surtout connu
pour avoir é té le médecin p ersonnel
de François Mitterrand, mais
comme il l’explique, l’exercice de la
médecine dans le quartier de Mont-
parnasse l’amena à côtoyer des
artistes et à devenir pendant plu-
sieurs années le président de la
Fondation Arp. Il se souvient : « Les
négligences fiscales ont amené Mar-
guerite à autoriser l’établissement
d’une autre fondation en Allemagne,
puis d’autres difficultés à créer
une troisième fondation en Suisse,
à Lugano. »
A Clamart, elle est secondée par
Greta Stroeh, qui gère, entre autres,
la masse des archives de Jean et
Sophie Arp. « Greta jouait un rôle
majeur dans la bonne marche de la
fondation », se souvient Claude
Gubler, qui conclut : « Cette épopée
épouvantable, qui a certainement
nui à la valorisation de s on œuvre, est


enfin en train de se terminer. » C’est
aujourd’hui la fille de Greta Stroeh
qui vend chez Christie’s l a collection
de sa mère, décédée en 2001. Elle est
estimée, au total, à 650.000 euros.
Aux enchères, le prix record pour
Arp a été enregistré en 2018 à l’occa-
sion de la vente d’un marbre de
forme organique, une pièce unique
conçue en 1961 de 1 mètre de haut,
adjugé 5,1 millions d’euros. Un prix
relativement bas, comparé à ceux
obtenus par les ténors du surréa-
lisme. A titre d’exemple, le prix
record pour Alberto Giacometti
s’élève à 126,1 millions, en 2015 pour
un bronze.

A partir de 200 euros
Valérie Didier, l’expert de la vente
chez Christie’s , explique que « Greta
avait entrepris de rédiger un catalo-
gue raisonné de l’œuvre de Arp. Elle
était le bras droit de Marguerite Arp-
Hagenbasch. Cette collection est
constituée de dons et d’achats. Notre
politique d’estimation est particuliè-
rement raisonnable. Nous tenons
compte du fait qu’un nombre impor-
tant d’œuvres seront proposées en
une seule fois ce 26 mars. »
Le catalogue contient 80 lots, avec
des estimations à partir de 200 euros
pour des gravures des années 1960
en noir et blanc. La pièce maîtresse,
un « Torse » de bronze, a été imagi-
née en 1931, mais fondu en 1976, bien
après la mort de l’artiste. Il mesure
46,5 centimètres de hauteur et est
estimé à 300.000 euros. Greta
Stroeh avait écrit au sujet de cette
pièce : « Arp arrive à rendre extrême-
ment vivante la matière inanimée
(plâtre, bois, bronze, pierre), leur por-
tée sensorielle est forte et nous pousse
à les toucher [...] comme pour sentir
leur souffle vital. »
Il arrivait que l’artiste, obsédé par
certains sujets, les dessine avant ou
après les avoir sculptés. C’est le cas
de son « entité ailée », qui repré-
sente au fusain et dans un « sfu-
mato » (cette technique de dessin
consiste à ombrer le contour du
sujet) un personnage qui tend vers
l’abstraction. Réalisé vers 1956, il e st
estimé 15.000 euros. « Je dessine ce

qui repose, vogue, monte, mûrit,
tombe... Ce sont des souvenirs de for-
mes végétatives, biologiques, de cou-
leurs qui s’éteignent », racontait
l’artiste.
Mais Arp fut d’abord reconnu
grâce à ses « reliefs » surréalistes,
des tableaux souvent monochro-
mes marqués par des formes en
relief incrustées dans une surface

plane. L’un de ceux-là en bois blanc
peint, créé en 1933 et retravaillé par
l’artiste e n 1964, e st estimé
100.000 euros. Marc Blondeau, mar-
chand privé à Genève, était l’expert
en 2003, à Paris, chez Calmels-Co-
hen, d ’une vente d’un groupe
d’œuvres d’Arp en provenance de la
succession de la nièce de l’artiste. Il
observe : « Pendant longtemps, les

reliefs de Jean Arp réalisés entre la fin
des années 1910 et les années 1930
étaient les plus demandés. Depuis
environ quatre ans, on assiste à un
revirement du marché, qui valorise les
bronzes et les marbres de l’après-
guerre. Il y a quinze ans, les bronzes
tardifs d’Arp, c réés en quantité, étaient
cédés en moyenne pour 250.000 à
500 .000 euros. Aujourd’hui, ils dépas-

sent couramment le million d’euros. »
Mais dans la vente du 26 mars, la
majorité des lots, des œuvres sur
papier, au plus près du travail intime
de cet artiste majeur, présentent des
valeurs estimatives de quelques cen-
taines ou milliers d’euros.
— Judith Benhamou-Huet

http://www.christies.com

en bref
Cornet

Jean - Pierre

« ÉLOGE DE LA FOLIE » EN
VENTE CHEZ ARTCURIAL
Artcurial adjuge le 25 mars à
Paris la collection du baron
Empain, « Eloge de la Folie ».
Lot phare : une huile sur pan-
neau de chêne, « Le roi boit »,
du peintre Pieter II Brueghel,
Artcurial fils de Pieter l’Ancien.

VENTE CARITATIVE
AU PROFIT DES POMPIERS
La maison Agutte vend aux
enchères le 25 février à Paris
20 œuvres contemporaines.
Les fonds seront transmis
aux pompiers qui sont inter-
venus pendant l’incendie
de Notre-Dame de Paris.

MARCHÉ


DE L'ART


Arp : la vente de 80 œuvres


du sculpteur surréaliste


Jean Arp a été l’un des sculpteurs surréalistes et abstraits marquants de la première partie du XXe siècle. A Paris, Christie’s offre


l’opportunité d’acquérir, le 26 mars, 80 œuvres de ce grand de l’histoire de l’art. A partir de 200 euros d’estimation pour des gravures.


Réalisé
vers 1956,
ce dessin
au fusain
de Jean Arp
est estimé
15.000 euros.
Photo Christie’s

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