ET AUSSI...
46 –LES ECHOS WEEK-END
CULTURE
La Seule Histoire
de JulianBarnes,traduitdel’anglais par Jean-
PierreAoustin. Folio,352 p.,8,50euros.
Une histoired’amour,une seule,
mais qu’onn’oublierajamais...
Même si elle blesseetdétruit.
En mettant en scène l’histoire
d’amour dramatiqued’unjeune
étudiant de 19ans et d’unefemme
mariéequadragénairedans
l’Angleterrecorsetée des
années 1960,JulianBarnes passe
au scanner le cœur humain. Et çafait mal.
Un roman dévastateur et déchirant du génial
écrivain british.Ph. C.
L’Usurpateur
de Jørn Lier Horst, traduit du norvégien
parCéline Romand-Monnier.Folio, 445p.,
8,50euros.
Troisième enquêtedel’ins pecteur
Wisting,toujoursépaulé parsa
journaliste de fille, Line. Leur route
croisecelle d’un serial killer
américain enfuiteàNarvik.Plus
social et moins violent que son
compatrioteJoNesbø,l’ex-flic
Horst,trèspopulaireetmultiprimé
en Scandinavie, s’impose comme l’autrestardu
polar norvégien.Àcompléter par la série
«Wisting »,Polar +.I. L.
Les grandes villes n’existent pas
de Cécile Coulon.Points,120p., 5, 60 euros.
Quatre ansavantUnebête au
paradis,laromancièrenée en
1990 dans lePuy-de-Dôme décrit
la routine dans son village natal
de 800habitants, ancrée autour
du stade, de l’école, du seul
commerce,delasallepolyvalente
et de l’église.Les26000 bourgs
françaisde moins de 1000
habitantsn’existent pas dans l’imaginaire collectif.
CécileCoulon leur prêtevie avectoutelasubtilité
de sa jeune plume.I. L.
Une douce lueur de malveillance
de Dan Chaon.Traduit de l’anglais (États-Unis) par
Hélène Fournier.Points,521 p.,8,30euros.
FinalisteduGrand prixde
littératureaméricaine 2018,ce
roman inouï dans laformecomme
dans lefond donne levertige.Des
personnages au bord du gouff re,
une intrigue horrifique où se
mêlentlesouvenir d’un carnage
familial et lesdisparitions
inexpliquéesde jeunesgens:sous
couvert d’un thrillerpsychologiqueextrême, Dan
Chaon délivreune métaphore àl’encrenoire de
l’Amérique, paranoïaqueetschizophrène.Ph. C.
EN VUE
LITTÉRATURENelly Alardne s’est jamais dit:
«Jeserai écrivain. »Pourtant, aprèsavoir
emprunté de multiplessentiers–ingénieure,
comédienne,scénariste,réalisatrice...–,
elleentre en littératureparlagrandeporte :
Gallimard.Le Crieur de nuitreçoitleprix
Roger Nimier en 2010 etMoments d’un couple
l’Interallié en 2013.La vie que tu t’étais
imaginée,«romanquête»aulong cours
sur une soi-disant«fille secrète»deSissi
est ambitieux, subtil, palpitant. Brillante élève
au lycée de Brest,Nellyserêvecomédienne :
«Quandj’étaispetite, mesactivités préférées
étaientdejoueràlaprincesse,de déclamer
desversd’“Horace”deCorneilleen jouanttous
lesrôles, et de lire.Donc je suppose que la
passiondes textesest àlabasedetout cela,
mais jene m’enrendais pascompte. J’aurais
aimé être uneprincesse,etcequi yressemblait
le plus ànotre époque était,dumoins c’est
NELLYALARD :
DE L’ÉCRANÀL’ÉCRIT
EN POCHES
ce qui me semblait alors,unevedettede cinéma.
Je voulais surtout être un personnage
de roman, etnonson auteur, je pensais n’avoir
aucune imagination. Et j’aicru que le moyen
le plus simple d’yparvenir était de jouer
ces personnages–grave erreur,lasuite
l’a démontré. »
Bac enpocheà16ans,Nelly faitmaths sup
et mathsspé àRennes.«Mon pèrequi était
très autoritaire ne voulait pasque je sois
comédienne. J’aisuivila pentenaturelle,
ma sœur est agrégéedephysique,monfrère,
ungénie méconnu,ainventéle procédé
de codagenumériquesur lequel reposent
aujourd’huileWifi,la 3G etlatéléHD.»
ReçueàCentrale,elleoptepourles télécoms,
option«image et son»dans l’espoir
d’une convergencepossibleavec lemonde
du spectacle. Elle passe le concours
du Conservatoirede Paris,lerateàune
voix près,avant d’êtrereçue l’année suivante.
«Cefut le plusbeaujour de ma vie.
Une joie absolue. Mon père? Je ne sais pas,
c’était très difficiledesavoircequi se passait
danssa tête. »
«CINQ ANNÉES D’ENFER »
Nelly Alardpeineàsefaireunnom,vit«cinq
annéesd’enfer ».Elle ades crises d’anorexie.
Insatisfaite,elle suitunmetteur en scène
américain d’avant-garde, HenryJaglom,
àqui elle consacreundocumentaire,jouedans
deux de ses filmsEatingetVenice/Venice.
Godard l’obligeàdes allers-retoursenFrance,
sans jamais donner suite.«J’en ai euassez.
Je voulaisfaireautrechose que ça.Je n’avais
pas unegrande confiance dans mon talent
de comédienne.Je ne pouvaispasme fier
àmon jugement.Enmaths, onrend la copie,
c’est vraiou faux. Là, jene savais plus. »
Elle passe un master de Création multimédia,
réalise un CD Rompour les50ans duFestival
de Cannes, devient rédactrice en chef
technique du site InternetdeTéléramatout
en continuantàécrire des scénarii et jouer les
veuves douteuses dans des sériestélé.
On demande souventàNellyAlard quelle
est la partautobiographique de ses romans.
«C’est comme unyaourtaux fruits, j’aime bien
laisser despetits morceaux deréalité dedans,
pour donner legoût de lavéritéàl’ensemble.»
LisezLe Crieur de nuit,Moments d’un couple,
La vie quetut’étais imaginée,vousdécouvrirez
une femme intelligente, sensible etdrôle.
Prenez tout, leyaourt et les fruits. Sans
modération.T. G.
La vie que tu t’étais imaginée,deNelly
Alard. Gallimard, 454 p., 21 euros.
DR
F. MANT
OVANI
/GA
LLI
MARD