Libération - 06.03.2020

(vip2019) #1

MONDE


10 u http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Vendredi 6 Mars 2020


Priti Patel,
à Londres
le 13 février.
PHOTO TOBY
MELVILLE.
REUTERS

Royaume-Uni : Priti Patel,


une terreur chez les Tories


Les accusations
de harcèlement
à l’encontre
de la ministre de
l’Intérieur ont mené
jeudi à l’ouverture
d’une enquête
interne. Elles
révèlent des
tensions au sein
du gouvernement.

U


n classeur balancé
avec violence dans la
figure d’un conseiller,
au point de le blesser. Des in-
sultes et des pressions répé-
tées sur son entourage, au
point de provoquer la tenta-
tive de suicide d’un autre
conseiller par overdose de

part a été spectaculaire. Il l’a
annoncé devant les caméras
de la BBC. Du jamais-vu. Il
a accusé Priti Patel d’avoir
«orchestré une campagne
vicieuse de calomnie à [son]
égard» et révélé avoir reçu de
«nombreuses allégations» sur
la conduite de la ministre,
dont des accusations de «hur-
lements, jurons, de tendance
à rabaisser les gens et à for-
muler des demandes irraison-
nables».
Philip Rutnam a annoncé
avoir refusé de partir sans
faire de bruit, avec des in-
demnités, et entendait pour-
suivre le ministère en justice
pour «licenciement illégal».
Ce qui signifie que, devant un
tribunal, le détail de toutes
ces allégations sera rendu pu-
blic. Cette perspective n’em-
balle pas vraiment le gouver-
nement. Face au scandale, ce
dernier a été contraint d’ou-
vrir une enquête interne.

Mais depuis la démission de
Sir Philip Rutnam, pas un
jour ne passe sans nouvelle
révélation. Lors de son pas-
sage au ministère du Déve-
loppement international,
sous Theresa May, Priti Patel
avait déjà été contrainte à la
démission en novembre 2017
dans des conditions rocam-
bolesques, alors que l’avion
qui la ramenait d’un voyage
officiel au Kenya était suivi
à la trace en direct à la télé -
vision. Elle avait été cueillie à
sa descente de l’avion et virée
pour avoir, lors de vacances
en Israël, organisé une série
de rencontres diplomatiques
non autorisées. Le mois der-
nier, la presse britannique
avait affirmé que le MI5, les
services de renseignements
intérieurs, ne lui transmettait
pas toutes les informations
nécessaires en raison d’un
manque de confiance dans
ses compétences.

Par
SONIA DELESALLE-
STOLPER
Correspondante à Londres

contre la crimi nalité. Priti
Patel est aussi l’un des plus
fervents soutiens de Boris
Johnson, ainsi qu’une avocate
acharnée du Brexit depuis le
premier jour.

«Calomnie». Le gouverne-
ment a évidemment évoqué
un complot du Parti tra-
vailliste, et pointé des relents
sexistes dans ces accusations,
expliquant que la ministre est
«juste très déterminée» et que
personne ne relèverait cette
force de caractère si elle était
un homme. Les allégations
ont pris un tour dramatique
avec la démission
s p e c t a c u l a i r e,
samedi, du plus
haut fonction-
naire du Home Office, Sir Phi-
lip Rutnam. Des rumeurs de
désaccords entre le haut
fonctionnaire et sa ministre
de tutelle couraient depuis
quelques jours. Mais son dé-

médicaments. La ministre de
l’Intérieur, Priti Patel, est ac-
cusée depuis une semaine de
se conduire en brute harce-
leuse avec ses équipes. Ces
dérapages auraient eu lieu à
son poste actuel, mais aussi
dans ses précédentes fonc-
tions au ministère du Déve-
loppement international et à
celui du Travail.
Patel dément toutes ces allé-
gations. Pour le moment,
le Premier ministre, Boris
Johnson, lui assure sa «con-
fiance absolue». «Priti effectue
un travail formidable», a-t-il
répété à plusieurs reprises ces
derniers jours.
Elle est en charge
de la réforme cru-
ciale de la loi sur
l’immigration post-Brexit, qui
doit mettre fin à la liberté de
circulation et introduire un
système à points. Elle a égale-
ment la tâche d’embaucher
20 000 policiers pour lutter

L'HISTOIRE
DU JOUR

NICOLÁS MADURO
président de la
République
bolivarienne
AFPdu Venezuela

Née à Londres en 1972, Priti
Patel est la fille d’immigrés
indiens, passés par l’Ou-
ganda, avant de s’installer
au Royaume-Uni dans les
années 60 et d’y ouvrir des
magasins. Après des études
d’économie et de politique,
elle rejoint à 18 ans le Parti
conservateur, inspirée, a-t-
elle souvent répété, par son
héroïne, Margaret Thatcher.
Elle commence sa carrière
au sein du parti tory, où, déjà,
elle arbore fièrement son
euroscepticisme. Elle fera
ensuite un détour dans les
relations publiques, comme
consultante et lobbyiste
pour des sociétés comme
British Tobacco Company ou
Diageo.

«Fainéants». Elle se pré-
sente une première fois pour
devenir députée en 2005,
perd, mais est remarquée par
David Cameron qui l’inscrit
sur la liste des futurs espoirs
du parti. Elle est finalement
élue députée en 2010 à Wi-
tham, dans l’est de l’Angle-
terre. Elle a toujours suivi
une ligne plutôt dure, prô-
nant notamment le rétablis-
sement de la peine de mort.
En 2012, elle participe à la
rédaction d’un ouvrage au
titre prometteur, Britannia
Unchained («la Grande-Bre-
tagne libérée de ses chaînes»)
qui prône une libéralisation
complète des marchés et dé-
crit les travailleurs britanni-
ques comme parmi les plus
«fainéants au monde».
Au-delà des accusations de
harcèlement, l’affaire Patel
met en lumière des tensions
lourdes entre le gouverne-
ment et l’administration,
le premier soupçonnant la
seconde de ralentir ses réfor-
mes et d’être anti-Brexit.
Déjà, le chancelier de l’Echi-
quier, Sajid Javid, avait dé-
missionné avec fracas le
mois dernier après avoir re-
fusé de virer ses conseillers,
comme ordonné par le con-
seiller spécial de Boris
Johnson. Moins de 100 jours
après son élection triomphale
le 12 décembre, le Premier
ministre fait déjà face à un
sérieux tangage au sein de
son gouvernement. En atten-
dant le résultat de l’enquête
interne sur Priti Patel, son
mari, Alex Sawyer, s’est jeté
dans l’arène pour la défendre.
Selon le Mirror, il aurait con-
fié la surnommer «mon pi-
ranha personnel». •

Le président socialiste du Venezuela est abonné aux
déclarations saugrenues (les «maduradas», dans le
langage populaire). La dernière est du meilleur effet à
l’approche du 8 mars, journée des droits des femmes.
Nicolás Maduro a lancé cette apostrophe mercredi, en
direct à la télévision, dans un pays où le taux de nata-
lité est de 2,2 enfants par femme. Et qui a vu émigrer,
en cinq ans, 4 millions d’habitants, chassés par le ma-
rasme économique et politique.

«Accouchez!


Allez, accouchez!


Chaque femme doit


faire six enfants, pour


que croisse la patrie !»

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