Le Monde - 03.03.2020

(Grace) #1
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MARDI 3 MARS 2020 culture| 21

Le Louvre creuse encore à Saqqara


Le sérapéum, nécropole du dieu­taureau Apis, en Egypte, n’a pas livré tous ses secrets


ARCHÉOLOGIE


V

incent Rondot en rêvait
et, avec lui, tout le dé­
partement des antiqui­
tés égyptiennes du
Musée du Louvre, qu’il dirige.
« C’est sidérant, d’avoir la possibilité
de réaliser un tel programme !, s’ex­
clame­t­il, tout feu tout flamme.
Prendre la succession de Mariette,
cela nous ramène aux origines de
l’archéologie scientifique en
Egypte, et cela n’a pas de prix. Le site
lui­même est un des lieux mythi­
ques de l’archéologie égyptienne. »
Ce cri du cœur résume l’émotion,
mais aussi le stress, à la veille du
départ pour Le Caire, comme l’im­
patience, de rouvrir les fouilles du
sérapéum de Saqqara, sur les tra­
ces de son découvreur, Auguste
Mariette (1821­1881).
Après trois années de négocia­
tions avec le ministère des antiqui­
tés égyptien, Vincent Rondot a
donc reçu le feu vert pour la
reprise des fouilles dans les petits
souterrains du sérapéum, arrêtées
net en 1854, dans l’urgence. Ces ga­
leries creusées dans une veine cal­
caire de mauvaise qualité avaient
cédé sous le poids du sable, et les
plafonds effondrés obligèrent Ma­
riette à interrompre les travaux.
En 1985 et 1986, l’archéologue
égyptien Mohammed Ibrahim Ali,
alors responsable du site, avait re­
pris à son tour la fouille, avant
d’être de nouveau stoppé par les
infiltrations de sable impossibles à
maîtriser. Vincent Rondot a mis en
place un mécénat de compétences
pour consolider les plafonds avec
Vinci Construction Grands Projets,
qui travaille au Caire à la construc­
tion du métro.

Sur la route de Memphis
La fragilité du sérapéum dit la
complexité du chantier à venir,
auquel se prépare Vincent Ron­
dot, avec Hélène Guichard, con­
servatrice en chef, son adjointe au
Louvre, familière du sérapéum de
Saqqara, et Mohammed Ibrahim
Ali, associé à ce nouveau défi. Un
projet ambitieux, réalisé en colla­
boration avec les universités de
Lille et Ain Shams d’Héliopolis
(Egypte), et l’Institut français d’ar­
chéologie orientale du Caire.
Début mars, toute l’équipe sur
place commencera à dégager la
porte et le chemin d’accès, afin de
localiser les orifices par lesquels le
sable s’infiltre. Un chantier d’une
quinzaine de personnes, auxquel­
les s’ajoute une quarantaine
d’ouvriers égyptiens. De Mariette

restent les croquis des petits sou­
terrains. Les deux tiers de ces ga­
leries sont encore à fouiller.
Envoyé en Egypte par le Louvre,
le jeune Mariette, qui devait sa pas­
sion pour l’égyptologie à la momie
exposée à Boulogne­sur­Mer, sa
ville natale, deviendra « directeur
des travaux d’antiquités en
Egypte », nommé à ce poste par le
vice­roi d’Egypte, Saïd Pacha.
En 1850, il mettra au jour, à Sa­
qqara, la fameuse nécropole des
taureaux sacrés, évoquée par l’his­
torien grec Strabon. Y était honoré
en grande pompe le taureau Apis,
bovin géant momifié, considéré
de son vivant comme l’incarna­
tion terrestre du dieu Ptah, le créa­
teur, « celui qui donne forme ».
Suivant la description du séra­
péum par Strabon, Mariette va
repérer dans le désert l’allée des
sphinx à tête humaine, ou dro­
mos. Le complexe lui­même, avec
temple, enceinte, chapelles et
tombeaux souterrains, a disparu,
enfoui sous les sables. Au début
du XIXe siècle, les savants, embar­

qués avec Bonaparte dans l’expé­
dition d’Egypte l’avaient en vain
cherché. Mariette le découvrira,
cinquante ans plus tard ; il dégage
l’allée des grands souterrains aux
sarcophages monumentaux
taillés et sculptés dans la pierre,
qui, aujourd’hui, se visitent. Une
avancée majeure pour la connais­
sance de l’ancienne Egypte. Car la
richesse des tombes en objets fu­
néraires et les innombrables stè­
les gravées du sérapéum livrent,
par le menu, les chroniques roya­
les des souverains et des dynas­
ties, renseignent sur les croyances
religieuses et sur le fonctionne­
ment de Memphis, la capitale ad­
ministrative, économique et poli­
tique située à la pointe du delta du
Nil, à 20 kilomètres du Caire.
Plaque tournante stratégique du
commerce de l’Egypte antique,
Memphis n’en demeurait pas
moins un grand centre religieux,
pôle de culture et d’activités intel­
lectuelles. Sa nécropole s’étendra
sur la rive ouest du Nil jusqu’à Sa­
qqara. Il resterait 80 % des 25 kilo­
mètres carrés à explorer. « Saqqara
est un piège, observe Vincent Ron­
dot. Chaque fois qu’on creuse, on
trouve quelque chose. » La fouille
du Louvre, opérée par l’archéolo­
gue Christiane Ziegler, au pied de
la pyramide de Djoser, a ainsi été
refermée en 2007, une fois abou­
ties les recherches permettant de
documenter le mastaba exposé au
musée parisien, chapelle poly­
chrome vendue en 1903 par
l’Egypte à la France, récemment

restaurée grâce à une campagne
de dons. A l’époque, ces ventes of­
ficielles étaient une manière pour
l’Egypte de pallier les pillages sau­
vages des trésors enfouis.

Opulent trousseau funéraire
Le sérapéum, lui, siège sur les
pentes du plateau de Saqqara.
Après avoir laissé la pyramide de
Djoser derrière soi, il faut partir
sur près de 2 kilomètres à travers
les sables dans une lumière aveu­
glante. Dissimulé par les dunes,
le sérapéum se fait désirer.

Depuis le Nouvel Empire et le
règne d’Aménophis III (vers 1388­
1349 av. J.­C.), grand­père de Tou­
tankhamon, et jusqu’à l’époque
ptolémaïque des successeurs
d’Alexandre le Grand (332­30 av.
J.­C.), les Egyptiens vénéraient au
sérapéum le taureau Apis comme
un dieu. Les prêtres étaient char­
gés de sélectionner les bêtes du
cheptel portant les marques divi­
nes : triangle blanc sur le front,
vautour aux ailes déployées sur
l’échine, scarabée sur la croupe. Le
jeune élu était alors conduit au

temple de Memphis pour le culte.
A sa mort naturelle, momifié, il
était placé dans un sarcophage au
sérapéum, avec un opulent trous­
seau funéraire, comme en témoi­
gnent, au Louvre, ces grands vases
canopes en albâtre où sont
recueillis leurs viscères, ces centai­
nes de figurines et innombrables
stèles gravées encastrées dans les
parois rocheuses des galeries. Ces
pièces seront de nouveau présen­
tées en 2021, bicentenaire de la
naissance d’Auguste Mariette.
florence evin

La richesse
des tombes du
sérapéum livre
les chroniques
royales des
souverains et
des dynasties

Le site du sérapéum, isolé dans
le désert de Saqqara. Au loin,
la pyramide à degrés de Djéser.
MUSÉE DU LOUVRE/HÉLÈNE GUICHARD

Coronavirus : des concerts annulés


Les salles de plus de 5 000 personnes sont concernées


L


a mesure a été annoncée,
samedi 29 février, à l’issue
d’un conseil des ministres
extraordinaire : l’annulation, en
raison de l’épidémie de coronavi­
rus, des rassemblements de plus
de « 5 000 personnes en milieu
confiné ». Ce qui, dans le domaine
de l’industrie du spectacle et des
concerts, devrait avoir un impact
sur les près de cent salles même si
nombre d’entre elles peuvent
aussi avoir des configurations
inférieures.
Ainsi la compétition de danse
hip­hop, dimanche 1er mars, à l’Ac­
corHotels Arena, à Paris (capacité
d’accueil maximale, 20 000 per­
sonnes), a été maintenue, mais
sans être ouverte au public. Pour
le chanteur Gims, pas de concert
le 7 mars, au Zénith de Nantes­
Métropole (9 000 places), qui affi­
chait complet, et celui du Zénith
d’Orléans (6 900 places), le
8 mars, devrait être reporté selon
La République du Centre. En re­
vanche, celui du 10 mars, à la
Halle Tony­Garnier, à Lyon

(17 000 places), figurait toujours,
dimanche soir, au programme.
L’évolution possible des directi­
ves gouvernementales, à la baisse
ou à la hausse, incite les responsa­
bles de salles et les producteurs à
ne pas décider trop vite d’une an­
nulation, qui ouvre droit à rem­
boursement, quand des solutions
de report à une autre date ne sont
pas possibles.

Annonces au jour le jour
Les annonces devraient donc se
faire au jour le jour et le plus tard
possible. Par exemple, La Nuit de
la Bretagne, prévue samedi
7 mars dans la plus grande salle de
France, Paris La Défense Arena, à
Nanterre (40 000 places), était di­
manche toujours à l’affiche et
ouverte à réservation. Idem pour
les concerts à l’AccorHotels Arena
de Ninho, prévu le 12 mars, Tryo,
le 13, et M Pokora le 14.
Sur certains sites de salles, des
messages préviennent que la si­
tuation pourrait toutefois chan­
ger. Sur la page d’accueil du

Zénith de Paris (6 290 places) il est
indiqué « sous réserve d’éventuel­
les évolutions à venir dans les me­
sures gouvernementales relatives
aux lieux recevant du public,
aucun concert ne sera annulé dans
les 15 prochains jours ».
Pourquoi 5 000 et pas 4 500, ou
2 000 voire 1 000, comme l’a dé­
cidé l’Office fédéral de la santé pu­
blique suisse, vendredi 28 février,
mesure qui pour l’heure court
jusqu’au 15 mars? Des « recom­
mandations de scientifiques »
auraient été évoquées, sans plus
de précisions. C’est pourquoi le
Prodiss, le syndicat national qui
regroupe les producteurs, diffu­
seurs, salles et festivals, dans un
communiqué diffusé le 29 février,
demande « urgemment au gou­
vernement qu’il nous fasse connaî­
tre le texte officiel donnant le cadre
de la mise en œuvre de cette déci­
sion d’annulation » et que soit ra­
pidement organisée « une réu­
nion de crise avec les ministères de
la santé et de la culture ».
sylvain siclier

LA COMMUNION

UN FILM DEJAN KOMASA

PROVOCATEUR. PRÊCHEUR. IMPOSTEUR.

GRAND PRIX / PRIX DU PUBLIC
FESTIVAL KINOPOLSKAPARIS 2019

PRIX DU SYNDICAT FRANÇAIS
DE LA CRITIQUE DE CINÉMA
RENCONTRES CINÉMATOGRAPHIQUESCANNES 2019

INTERPRÉTMENTION SPÉCIALEATION MASCULINE
FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILMINDÉPENDANT DE BORDEAUX

“ÉLU MEILLEUR
FILM EUROPÉEN”

NOMMÉPOUR
L’OSCAR®
DU MEILLEUR FILM
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L’OSCAR
DU MEILLEUR FILM
INTERNATIONAL

AU CINÉMA LE 4 MARS
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