Emmanuel Schafroth
@EmSchaf
L
e dynamisme du secteur de
la gestion d’actifs en France
ne se dément pas. Après
avoir touché un point bas en 2018,
les agréments accordés à de nouvel-
les sociétés de gestion par l’Autorité
des marchés financiers (AMF) ont
fortement r ebondi en 2019. L e nom-
bre d’acteurs repart à la hausse
après plusieurs exercices de stagna-
tion, même si le nombre exact de
retraits d’agréments décidés par
l’AMF l’an dernier reste inconnu.
« A de rares exceptions, les retraits
ont lieu à la demande de la société
elle-même, parfois à l’occasion de
réorganisations internes », précise
Didier Deleage, directeur adjoint de
la gestion d’actifs à l’A MF. Côté nou-
veaux entrants, la mission du régu-
lateur ne change pas. « Notre objec-
tif est de nous assurer que la société
candidate sera capable d’aligner les
ressources, les moyens humains –
notamment deux dirigeants répon-
dant aux critères d’honorabilité – et
les processus adéquats à l’activité
envisagée » , e xplique Didier
Deleage.
« Vérifier les procédures »
Mais elle s’exerce aujourd’hui sur
de nouvelles typologies d’acteurs.
Ainsi, seules 10 des 44 sociétés nou-
vellement agréées en 2019 le sont
pour la gestion d’OPCVM classi-
ques, quand 35 sont habilitées à
gérer des fonds d’investissement
alternatifs relevant de la directive
AIFM, souvent dans le domaine du
capital investissement (Yotta Capi-
tal Partners) ou de l’immobilier
(Osae Partners, Brickvest REIM), ce
qui suppose pour le régulateur des
vérifications spécifiques.
« Nous sommes par exemple ame-
nés à vérifier les procédures prévues
par la société de gestion pour la valo-
risation des actifs, ce qui est un point
de vigilance de la directive AIFM,
explique Didier Deleage. Dans le cas
du capital investissement, il arrive
que les dirigeants s’engagent à ne pas
démarrer l’activité s’ils n’atteignent
pas un certain seuil d’engagement de
la part de leurs investisseurs. » Autre
sujet d’intérêt pour le régulateur :
au-delà de la capacité de la société à
gérer les produits qu’elle entend
proposer, il s’agit d’analyser le
réseau de commercialisation ima-
giné, alors que la gestion d’actifs
reste un secteur très concurrentiel,
GESTION D’ACTIFS
1 THEMATICS AM
Miser sur
les grandes
tendances
chez Natixis
La genèse de Thematics AM
est assez symptomatique de
l’air du temps, avec son capi-
tal réparti entre une équipe
de gestion et un grand groupe
financier, puisque l’entreprise
est un des nouveaux affiliés
de Natixis IM. « Cela permet
de conjuguer une grande
liberté entrepreneuriale et la
robustesse d’un acteur finan-
cier important », précise
Mohammed Amor, directeur général de la boutique.
L’équipe à la tête de la gestion a fait ses classes chez Pictet
AM, acteur reconnu et pionnier de la gestion thématique.
« Ces dernières années, cette gestion a pris son essor avec
le besoin de sens des clients, souligne Mohammed Amor.
Elle permet de cultiver une vision responsable de long terme
et de capter une croissance séculaire. »
Le soutien de Natixis a non seulement permis de ne pas
démarrer de zéro – 100 millions d’euros de « seed money »
ont été apportés –, mais aussi de construire plus vite l’his-
torique de performance, les premiers fonds ayant été
lancés dès la fin 2018 sous l’ombrelle du groupe, avant
d’être transférés chez Thematics AM après l’obtention de
son agrément en mai 2019. Sans compter le support en
matière juridique ou administrative, qui permet à Thema-
tics AM de se focaliser sur la gestion. Cinq stratégies ont
été lancées à ce jour, pour un montant géré de l’ordre de
700 millions d’euros : quatre monothématiques (eau,
sécurité, intelligence artificielle/robotique, économie de
l’abonnement) et une cinquième investie dans les quatre
premières. L’ambition affichée : des actifs gérés de l’ordre
de 5 milliards d’euros dans les 3 à 5 ans. — E. Sch.
«
Conjuguer
une
grande liberté
entrepreneu-
riale et la robus-
tesse d’un
acteur financier
important. »
1 PHI IM
Quand
les CGP
se mettent
à la gestion
d’actifs
Conseiller en gestion de patrimoine (CGP) depuis
huit ans, Stéphane Molère a été aux premières loges
pour observer les évolutions de ce métier, amené à se
transformer sous l’effet de la réglementation et du
contexte de marché. « Depuis quatre ou cinq ans, nous
constatons qu’il devient difficile d’offrir une gestion
financière performante, notamment en raison de l’empi-
lement des frais subis par nos clients » , explique-t-il. A
cela s’ajoutent les menaces possibles sur le modèle de
rémunération par rétrocessions des CGP. C’est de là
qu’est venue l’idée de Phi Family, une association de
sept cabinets de gestion qui reste ouverte à de futurs
entrants et vise à une mise en commun de moyens.
Des différents chantiers en cours, Phi Investment
Managers est le premier à aboutir : cette société de
gestion a vocation à développer une gamme de fonds
ETF, dont deux, déjà existants, sont en cours d’acquisi-
tion par la société. « Ils ont l’avantage d’être déjà réfé-
rencés dans différents contrats d’assurance-vie et per-
mettront une totale transparence du contenu des
comptes des clients » , explique Stéphane Molère. Phi
IM aura aussi vocation à gérer des fonds internes
dédiés (FID) utilisés dans
des contrats d’assuran-
ce-vie luxembourgeois.
Objectif : ramener
autour de 2 % le total des
frais annuels payés par
leurs clients. En atten-
dant d’autres projets de
Phi Family visant à
optimiser, notamment,
le passage d’ordres.
— E. Sch.
«
Depuis
4 ou 5 ans,
nous constatons
qu’il devient
difficile d’offrir
une gestion
financière
performante. »
DR
1 ARVELLA
INVESTMENTS
L’excellence
et la solidarité
comme
double
ambition
Les deux fondateurs d’Arvella Investments, Bruno De
Kegel et Benoît Mercereau, ont longtemps travaillé chez
Goldman Sachs avant de se lancer dans l’aventure entre-
preneuriale. « Nous avons une double ambition, précise ce
dernier. Proposer la meilleure offre de gestion patrimoniale
en Europe, tout en ayant un impact positif sur la société. »
L’idée est d’offrir à des familles fortunées mais aussi à de
petits institutionnels, comme des fondations, un accès à
des gérants d’exception, pour lequel il faut normalement
montrer patte blanche. Cela passe par la constitution d’un
réseau mondial pour identifier lesdits gérants : les 17
personnes travaillant
aujourd’hui chez Arvella
Investments sont originaires
de 12 pays. Trois familles
sont entrées au capital : de
quoi assurer le démarrage
de la jeune société de ges-
tion, agréée début 2019.
Et pour le volet impact?
« Nous souhaitions donner du
sens à notre travail et nous
donnerons l’équivalent de 20 % de nos profits à des fonda-
tions caritatives , explique Benoît Mercereau. Nous enten-
dons aussi contribuer à l’éducation financière des fondations
européennes. » Son constat : l’excellence de la gestion du
portefeuille financier de l’Université Yale, où il a obtenu son
doctorat d’économie, est source de moyens supplémentai-
res conséquents. D’autres institutions auraient donc tort de
négliger ce point. L’excellence avant la taille : telle est la
vocation affichée par Arvella Investments, à l’image des
domaines viticoles bourguignons que Benoît Mercereau,
membre de la Confrérie des chevaliers du tastevin, connaît
bien. — E. Sch.
«
Nous
donnerons
l’équivalent
de 20 %
de nos profits
à des fondations
caritatives. »
DR
DR
AGRÉMENTS Le rythme de création de sociétés de gestion est reparti à la hausse en 2019.
Ces nouveaux entrants cherchent le plus souvent à répondre aux demandes émergentes des investisseurs.
et le risque d’échec important. Sou-
vent, les nouveaux acteurs sont
d’ailleurs a ssociés à des g roupes dis-
posant d e capacités de distribution :
association de conseillers en ges-
tion de patrimoine, comme dans le
cas de Phi IM, ou acteurs multibou-
tiques comme Natixis ou Generali.
Ce d ernier a ainsi c réé Generali G lo-
bal Infrastructure en association
avec une équipe de dette d’infras-
tructures issue de BlackRock.
« Generali voulait se renforcer
dans c ette classe d’actifs, d ’où l’intérêt
de ce partenariat, qui est aussi source
d’un alignement d’intérêt entre les
équipes de gestion, les investisseurs et
l’actionnaire de référence » , explique
Philippe Benaroya, directeur géné-
ral de Generali Global Infrastruc-
ture. Après un premier fonds dédié
à Generali, l’agrément obtenu en
2019 permet d’ouvrir l’offre à
d’autres investisseurs, et les actifs
gérés ont déjà franchi le milliard
d’euros. Un exemple typique de ces
nouveaux acteurs, souvent focali-
sés sur des niches de marché por-
teuses.n
La vitalité retrouvée
de la gestion d’actifs française
Son actualité 1
Pierre Jacquot devient direc-
teur général d’Edmond de
Rothschild REIM, la nouvelle
marque unique d’Edram dans
la gestion d’actifs immobiliers.
La société de gestion achève
ainsi le rapprochement de ses
filiales de gestion immobilière
acquises ces dernières années :
Orox, créé en Suisse en 2007 et
racheté en 2012 par Edram ;
Cleaveland, fondé en France en
2005 et acquis en 2016 ; et
Cording Real Estate, lancé en
2008, qui couvre le Royaume-
Uni, l’A llemagne et le Benelux,
et qui a rejoint Edram en 2018.
Son parcours 1
Agé de 49 ans, Pierre Jacquot est
arrivé dans le monde de la
gestion financière par le biais de
la construction. Il a démarré sa
carrière au sein du groupe
Bouygues, occupant des postes
d’ingénierie, de gestion de
projet, puis d’acquisition, de
promotion et de gestion immo-
bilière. Il fonde Orox Asset
Management en 2007. Depuis
2018, il est membre du comité
exécutif d’Edram. Ingénieur civil
de formation, Pierre Jacquot est
diplômé de l’Ecole spéciale des
travaux publics de Paris.
Son groupe 1
Edmond de Rothschild Real
Estate Investment Manage-
ment compte au total plus de
11 milliards de francs suisses
d’encours au sein de ses trois
entités. Celles-ci conserveront
leur autonomie de gestion
autour d’une plateforme com-
mune, avec des forces com-
merciales et support comme la
gestion administrative des
fonds regroupées. La nouvelle
organisation doit permettre,
notamment, d’augmenter la
visibilité d’Edmond de Roths-
child dans le secteur. L’objectif
du groupe est de doubler d’ici
3 à 5 ans ses encours en immo-
bilier.n
Un ingénieur
à la tête
de l’activité
immobilière
d’Edram
LA PERSONNALITÉ
Pi erre Jacquot
Di recteur général
d’Edmond de Rothschild
REIM
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lesechos.fr
DR
La gestion d’actifs
reste un secteur
très concurrentiel,
et le risque d’échec
important.