Libération Mardi 7 Avril 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 7
A
vec 13 055 morts lundi,
l’Espagne est le pays le
plus touché en nombre de
décès par rapport à sa population.
Autant dire que le soutien moral
exprimé par le directeur européen
de l’Organisation mondiale de la
santé (OMS), Hans Kluge, a mis
du baume au cœur. Il s’est dit «pro-
fondément impressionné par l’hé-
roïsme des travailleurs de la pre-
mière ligne», alors même que les
médias, ici, parlent avec insistance
des personnels soignants qui met-
tent en danger leurs vies pour les
malades atteints du Covid-19.
C’est un léger soulagement pour
le gouvernement de Pedro Sán-
chez, qui doit faire face sur deux
fronts. Le premier est sanitaire,
avec plus de 135 000 contaminés
- en réalité, selon de nombreux
experts, ils seraient deux à trois
fois plus, étant donné que seule
une proportion limitée de la po-
pulation a été dépistée. Le second
est politico-économique. En pro-
rogeant l’état d’urgence et le con-
finement jusqu’au 26 avril (c’est la
période qu’il estime minimale
«afin que notre système de santé
puisse récupérer») et en limitant
l’activité productive aux «secteurs
vitaux», le leader socialiste a gé-
néré une forte tension avec le pa-
tronat et certaines régions espa-
gnoles. Le Pays basque, par exem-
ple, estime que «cet arrêt quasi
total met en danger le tissu indus-
triel» et «compromet les chances de
récupération ultérieure».
«Résultats». «Le pari de Pedro
Sánchez ne tient qu’à un fil, com-
mente le journaliste Iñaki Gabi-
londo. Les mesures draconiennes
imposées aux citoyens et à l’écono-
mie doivent vite montrer des résul-
tats sur le plan sanitaire pour que
la fragile acceptation puisse se
maintenir.» Même si les nuages
noirs persistent – hôpitaux et sec-
teur funéraire débordés, services
de réanimation saturés, conta-
gions en constante augmenta-
tion –, l’espoir des autorités se
fonde surtout sur la baisse sub-
stantielle du nombre de décès
quotidiens. Lundi, après une se-
maine dévastatrice avoisinant les
900 morts quotidiennes, «seuls»
637 décès ont été recensés, soit le
chiffre le plus bas depuis le
24 mars. En parallèle, le gouverne-
ment a enfin annoncé la mise en
place de tests massifs (600 000
seulement effectués à ce jour), en
particulier pour ceux en première
ligne dans les secteurs vitaux, et
l’achat de 60 millions de masques,
qui seront gérés par le ministère
de la Santé.
Pactes. La tâche est d’autant
plus difficile pour Sánchez qu’il
doit aussi affronter la virulence de
l’opposition de droite. Les ultras
de Vox réclament chaque jour sa
démission et les conservateurs du
Parti populaire (PP) fustigent une
«gouvernance non démocratique»
qui fait fi de toute activité parle-
mentaire. De leur côté, les princi-
paux médias dénoncent une
certaine opacité dans la gestion de
la crise. Conscient de faillir sur
ce point, Pedro Sánchez tente
de corriger le tir en promettant
d’associer désormais l’opposition
et les 17 régions aux décisions
les plus cruciales. Il en a même
appelé à renouveler le pacte de la
Moncloa, signé en 1977 au sortir
de la dictature franquiste pour re-
construire le pays. C’est mal parti :
le chef de l’opposition, Pablo Ca-
sado (PP), en a écarté lundi l’éven-
tualité.
François Musseau
Correspondant à Madrid
En Espagne, derrière la crise
sanitaire, la tension politique
Le chef de l’exécutif,
Pedro Sánchez, est
attaqué pour sa gestion
de l’épidémie, jugée
opaque par l’opposition
de droite, qui reste vive
dans le pays.
Les ultras de Vox
réclament chaque
jour la démission
de Sánchez, et
les conservateurs
du Parti populaire
fustigent une
«gouvernance non
démocratique». Dans un hôpital de campagne créé à Madrid, vendredi. Photo Pierre-Philippe Marcou. AFP
Les faits
du jour
nL’Autriche va assouplir à
partir du 14 avril les mesures de
restrictions imposées le 16 mars.
Un calendrier prévoit une
réouverture des petits
commerces en premier, puis
des autres magasins et des
restaurants mi-mai. Les grands
rassemblements publics restent
interdits jusqu’à au moins fin
juin. 204 personnes sont mortes
du coronavirus en Autriche,
pour plus de 12 000 cas
confirmés.
nEn Allemagne, un relatif
retour à la normale est envisagé
après le 19 avril. Le ministère de
l’Intérieur a établi une liste de
propositions, dont l’obligation
de porter des masques en
public, des limites aux
rassemblements ou encore une
détection rapide de l’infection.
Mais aucune date ne peut être
avancée pour une véritable
sortie du confinement a affirmé
le porte-parole du
gouvernement.
nLa Grèce espère le retour «à la
normalité» en mai, à condition
que les citoyens continuent à
respecter le confinement, a
indiqué lundi le porte-parole du
gouvernement. Moins touchée
par la pandémie de Covid-
que les autres pays européens,
la Grèce avait prolongé samedi
le confinement jusqu’au 27 avril.
«En restant chez soi en avril,
nous pourrons en mai jouir des
premiers résultats de notre
comportement responsable», a
encore déclaré Stelios Petsas.
nA Singapour, le confinement
est imposé à partir de ce mardi
avec la fermeture des écoles
et des entreprises. Le pays,
qui avait réussi à contenir
l’épidémie en traçant les cas
touchés, a dû se résoudre à
prendre «des mesures
supplémentaires», selon
son Premier ministre.
nA Kinshasa, en République
démocratique du Congo, un
confinement total a été imposé
lundi au centre d’affaires de
Gombe, qui abrite les sièges du
gouvernement et des grandes
ambassades et qui est
considéré comme l’épicentre de
l’épidémie de coronavirus. Les
autorités sanitaires du pays font
état de 161 cas confirmés, dont
18 décès dans tout le pays.
nEn République tchèque,
la télévision publique tourne
une série sur le confinement à
Prague. Baptisée l’Amour au
temps du corona – une allusion
transparente au roman de
Gabriel Garcia Márquez l’Amour
aux temps du choléra –, elle sera
diffusée à partir du 27 avril.
nA Chypre, le syndicat
«Egalité» réclame que les
enfants «aient au moins autant
de droits que les animaux
domestiques» pendant le
confinement. Les Chypriotes
ont le droit à une seule sortie par
jour, sauf si c’est pour travailler
ou promener leur chien.